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1919_05_25 La table du nouveau testament


Ani
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La table du nouveau testament

« Comme Jésus était à table dans la maison, voici,

beaucoup de publicains et de gens de mauvaise vie vinrent

 se mettre à table avec lui et avec ses disciples. »[1]

Matthieu 9 :10

Voici un verset ordinaire, dépourvu de « sens » et de « contenu », semblable à un petit caillou qui dissimule son trésor à l’intérieur et ne le montre pas à l’extérieur. Dans le langage contemporain, le mot publicain désigne les gens simples. Le pauvre et le pécheur sont deux frères : le pauvre est privé d’argent, d’or et n’a donc pas de moyens et le riche exploite toujours le pauvre ; le pécheur est privé de sagesse, de savoir, et c’est pourquoi il commet des péchés. J’appelle les gens simples des banquiers, et les banquiers modernes je les appelle des usuriers : cinq pour cent, dix pour cent : ils collectent les impôts autant qu’ils le peuvent. Aujourd’hui aussi, des usuriers collectent des impôts.

Tous ces publicains et pécheurs sont venus s’asseoir à table avec le Christ. Vous pouvez demander : « Comment un tel Maître peut-il permettre à des gens pareils d’être avec lui à table ? » Par le mot table, je comprends l’école, mais non l’ancienne école, l’Ancien Testament de Moïse, mais la Nouvelle École du Christ. Les disciples du Christ représentent les premiers disciples de la Nouvelle École, du Nouveau Testament ; les publicains et les pécheurs représentent l’ancienne culture, l’ancien enseignement, la loi de Moïse. Est-ce que tous les enfants qui entrent à l’école sont déjà instruits ? La plupart sont simples et incultes, ils sont nombreux à avoir des pantalons déchirés, mais ils se montrent plus assidus que les fils des riches. Par conséquent, ces publicains et ces pécheurs sont des disciples venus apprendre le Nouvel Enseignement.

Les chrétiens modernes qui ne comprennent pas le sens profond de cet Enseignement ont séparé dans l’Église les pécheurs des justes, les membres officiels des catéchumènes. Il y a dans toutes les églises des membres qui sont soumis des années durant à des examens avant de devenir des membres reconnus ; un tel homme qui reste dix-quinze ans en attente, si on lui demande ce qu’il a appris du christianisme, répond : « Lorsque le Christ viendra, Il nous expliquera ». J’aimerais que les chrétiens d’aujourd’hui passent le brevet lorsqu’ils terminent une classe et de même lorsqu’ils terminent leur cursus entier. Nous nous trouverons alors avec une contradiction, comme dans le conte suivant.

Dans l’antiquité, un grand roi très sage a voulu tester les aptitudes de ses citoyens les plus érudits et a organisé l’examen suivant : il a choisi un magnifique édifice dans lequel il a placé dix objets de grande valeur. Il a appelé dix citoyens, chacun représentant une des dix couches de la société. Les mêmes couches sociales existent aussi chez nous. Elles portaient alors un nom, donné par leur fondateur, comme on donne un nom de baptême à un nouveau-né (le nom est sacralisé par l’individu lui-même, ce n’est pas lui qui fait l’individu, ce n’est pas l’enseigne qui rend le commerçant honnête mais le commerçant honnête rend son enseigne honnête, ce n’est pas l’encensoir qui rend le prêtre saint mais le prêtre lui-même rend son encensoir lumineux, ce n’est pas le livre qui rend l’individu intelligent et intéressant mais c’est l’individu qui rend le livre intelligent et intéressant). Ce roi sage a rassemblé les dix personnes pour qu’elles choisissent l’un des dix objets exposés. Ces objets étaient : une couronne précieuse qui valait des millions, un vieux sac rempli d’or, un sabre en or, une plume dorée, une longue vue, une bouteille remplie de l’élixir de vitalité qui selon les alchimistes anciens rajeunissait les gens, un compas, un grain de blé, un livre d’un ancien sage et un œuf. Il a convoqué les représentants de ce peuple, c’est-à-dire de toutes les couches sociales, pour choisir ce qu’ils voulaient. Le premier a préféré la couronne en or et il l’a levée pour la mettre sur sa tête, le deuxième a pris le sac d’or, le troisième a pris le sabre en or et l’a mis aussitôt à sa ceinture, le quatrième a pris la plume en or, le cinquième a pris la longue vue, le sixième, la bouteille avec l’élixir de vitalité, le septième, le compas, le huitième, le grain de blé, le neuvième, le livre du sage et le dernier a pris l’œuf. Lequel parmi eux a gagné ? Vous êtes intelligents, comment résoudrez-vous cette devinette ? Le premier, qui a pris la couronne est devenu roi, le deuxième, banquier, le troisième, le général le plus illustre du pays, le quatrième, un magistrat, le plus grand juriste et écrivain car il s’occupait du droit divin – tandis que le droit actuel est le droit humain, le cinquième, avec la longue vue, est devenu astronome pour étudier les astres – l’astronomie a vu le jour à partir de là, le sixième qui a pris l’élixir de vitalité est devenu médecin, le septième qui a pris le compas est devenu ingénieur, le huitième qui a pris le grain de blé est devenu agriculteur, le neuvième qui a pris le livre du sage est devenu enseignant. Le dernier qui a pris l’œuf n’a rien obtenu : tous les autres ont gagné quelque chose alors que celui qui a pris l’œuf n’a rien gagné tandis que les neuf autres ont acquis un métier. Le dernier a réfléchi sur la façon d’utiliser l’œuf, il a essayé de le vendre ici et là, mais personne ne voulait l’acheter, cet œuf n’avait à priori aucune valeur. À la fin, il a songé à le mettre sous une poule pour voir si elle pouvait le couver. Et en effet, le plus beau coq jamais vu est sorti de l’œuf, mais il était si gourmand qu’aucune poule ni aucun coq ne voulait de sa compagnie. Son maître a entrepris de le nourrir, mais il a dû tant se sacrifier pour lui qu’il a fini mendiant, et il s’est vu obligé d’aller voir les neuf autres qui ont gagné chacun quelque chose de leur objet pour leur demander de l’aide pour le coq.

C’est vrai qu’aujourd’hui tous parlent de ce coq : des sociétés à but caritatif se créent pour améliorer la situation de ce coq, c’est-à-dire la situation de ce peuple ; un nouveau parti se crée et dit : « Dans notre programme est inscrit l’amélioration de la situation du peuple ! » Nous avons tous aujourd’hui de nobles élans, de nobles désirs, mais qu’est-ce qui a le plus de valeur, est-ce que ces objets obtenus par les neuf personnes ont accompli leur prédestination ? Chaque objet, selon qu’il est dans de bonnes ou de mauvaises mains pourra servir des finalités différentes ; par exemple un sabre ou un couteau peuvent opérer un malade et améliorer sa situation, mais ils peuvent aussi couper la tête de quelqu’un sur le champ de bataille ; on peut écrire un excellent livre avec une plume, mais on peut aussi en écrire un autre tellement mauvais que son poison se propagera pendant des siècles ; la plume peut aussi parapher une condamnation à mort ! La longue vue peut découvrir quelque chose de nouveau au profit de l’humanité, mais peut aussi découvrir un esclave, évadé de chez son maître, et le livrer aux autorités : il deviendra ainsi un traître ; l’élixir de vitalité peut prolonger la vie des humains mais peut aussi enrichir son propriétaire. Souvent lorsqu’un riche tombe malade, les plus grandes sommités européennes viennent prêter main forte car elles seront bien récompensées, alors qu’elles ne se donnent pas cette peine pour les pauvres qui eux sont livrés au Seigneur. Lorsque le tzar Alexandre III se mourait, tous les médecins les plus connus d’Europe ont été dépêchés en Russie.

Je vais clarifier les aspirations de l’humanité moderne : lorsque le Christ était sur terre, il y avait à sa table beaucoup de publicains et de pécheurs ; ce sont deux catégories de personnes de l’Ancien Testament. Ces disciples de l’Ancien Testament occupent encore une place notable dans la société moderne même s’ils sont baptisés avec d’autres noms. Un pays dans lequel on pend et on égorge les gens et où il y a des prisons est un pays de l’Ancien Testament ; dans le Royaume de Dieu il n’y a ni potence, ni prisons, ni fusillades : c’est l’enseignement du Christ. Mais vous direz : « Que faire de ces pécheurs, de ces criminels qui sont si nombreux sur terre ? » Donnez à chacun ce dont il a besoin. Si vous lui donnez un sabre ou une plume, ou une longue vue, ou un compas (ou un autre des dix objets), vous créerez du travail pour son esprit, ce qui va le satisfaire ; ne le jugez pas, qu’il essaie. Je ne condamne pas celui qui a pris une couronne et l’a mise sur sa tête pour gouverner : qu’il mette ses aspirations à l’épreuve. Si Dieu tolère les loups, les ours, les insectes dont certains sont si nuisibles, pourquoi ne pas permettre à chacun de se manifester dans sa vie selon ses aspirations ? Si Dieu envoie sa lumière et sa nourriture aux animaux nuisibles, pourquoi serions-nous contre cela ? Nous aussi nous devons tolérer tout le monde, les supporter et ne nous détourner de personne. Les loups et les renards ne sont pas en dehors de la nature, ils sont parmi les humains, vous les avez tous : toutes les sortes de loups, de renards, d’ours, d’insectes sont parmi vous. Vous tirez sur un loup parce qu’il a mangé une brebis, alors que dans la société certains hommes, comme des loups, mangent dix personnes et vous ne leur dites rien : où est la justice ? Un pauvre vole un pain pour nourrir sa famille misérable et malade et il est condamné à plusieurs mois de prison, alors qu’un riche dérobe des milliers de levas, mais on considère qu’il a pris une commission sur une affaire commerciale. Une pie gobe l’œuf d’une de vos poules et vous la tuez ; j’estime que la vie d’une pie a autant de valeur qu’un millier d’œufs, donc vous avez le droit de la tuer seulement si elle en mange autant. La même loi se rapporte au loup : lui-aussi, vous pouvez le tuer seulement s’il mange mille brebis : c’est la règle divine dans le monde.

Les publicains et les pécheurs qui se sont rassemblés autour du Christ écoutaient le Nouvel Enseignement qu’il prônait. Beaucoup se disent : « Ce serait si bien si on était aussi à la table auprès du Christ », mais cette table était toute simple, en rien comparable à la table d’un roi : il n’y avait pas d’agneau grillé, de poulet, de brochettes, de tomates farcies, de gratins, de courgettes à la viande d’agneau, de côtelettes au barbecue et ainsi de suite. Alors, en l’absence de si bonnes choses, que valait cette table ? Je ne serai pas allé à une table dépourvue de ces mets ! Il est dit : « Ces publicains et ces pécheurs se sont rassemblés avec le Christ et ses disciples ».

Le Nouvel Enseignement est un processus sublime, une grande table avec les mets les plus exquis. Vous devez d’abord apprendre à participer à la table ordinaire de l’estomac à laquelle l’humanité actuelle est en train de prendre part ; je ne vais pas vous décrire maintenant quelle doit être la table de l’estomac, je vous cède ce privilège car vous êtes de meilleurs spécialistes que moi. La deuxième table à laquelle l’individu doit assister est celle du système respiratoire, et ensuite lorsqu’il passera par le processus de la purification, il assistera à un banquet somptueux que le monde n’a pas encore vu. À la table de l’estomac, il y a dix millions de couverts, chacun des invités lève son verre, sa fourchette et dit : « Oh, quel travail agréable » ; avec ces dix millions de personnes ou de cellules, nous prenons part à leur joie. Ce n’est pas une allégorie mais un fait : il y a dans l’estomac dix millions de cellules qui mangent, qui boivent et qui accomplissent un travail. Dans les poumons, il y a encore plus d’invités, encore plus de cellules qui font le travail qui leur est assigné : lorsque nous grimpons sur un sommet de montagne et que nous respirons de l’air pur, les cellules des poumons lèvent leurs verres et disent : « Quel endroit agréable, vive notre maître pour nous avoir amené sur ce haut sommet ! » Lorsque vous montez en-haut dans le cerveau où ont été invité les publicains et les pécheurs, la table est encore plus somptueuse : il y trois milliards et six cents millions de cellules, autant de convives à côté du Christ et de ses disciples. Ainsi, lorsque tu projettes une grande pensées par ton esprit, un tel banquet se forme qui n’est possible ni dans l’estomac, ni dans les poumons, donc le vécu du mental est le plus sublime. Ce n’est pas une fiction ! Est-ce que ce que tu vis par l’estomac et les poumons est une fiction ? Mais vous dites : « Nous avons une maison, des champs, etc. » C’est une illusion, tout ce qui est périssable est une illusion, l’illusion n’est rien d’autre que le résultat d’un mouvement. Ces choses sont réelles, mais transitoires, ce qui signifie qu’elles nous traversent parfois, parfois c’est nous qui les traversons ; dans un cas nos pensées et nos désirs se dérouleront comme un film devant nos yeux, dans l’autre cas nous passerons devant eux comme des voyageurs et regarderons ces images. Par conséquent, dans la société actuelle, ces deux processus alternent, simplement les voyageurs qui font le tour de la terre sont très peu nombreux.

On raconte la chose suivante sur les Anglais, les Allemands, les Français et les Russes. Quatre représentants de chacune de ces nationalités étaient quelque part en vacances en Europe, ils buvaient et mangeaient ensemble. À un moment, ils ont vu deux grands oiseaux très haut dans le ciel. En les voyant l’Anglais a tout de suite examiné la direction d’où ils venaient et voyant qu’ils venaient de l’est, il a pris le premier bateau pour aller les étudier. Le Français a aussitôt pris son chapeau et est parti se renseigner sur ce que les journaux du soir écrivaient sur cet évènement. L’Allemand est allé dans la bibliothèque pour fouiller toute la littérature scientifique existante pour vérifier si rien n’était dit sur l’apparition de ces oiseaux. Et le Russe s’est couché sur le dos, et lorsqu’il les a observés, il a dit : « Eh, ce sont juste des aigles ! » Et voici le travail, voici comment les slaves résolvent facilement toutes les questions. Le Bulgare aussi, après avoir bu un demi-litre de vin, dira : « Ce sont des aigles, à quoi bon réfléchir plus, pas besoin de philosopher, ce sont des aigles et point final ». C’est une acquisition de savoir ; lorsqu’on acquiert des savoirs, on dit : « Je sais ce que c’est, je n’ai besoin ni de journaux, ni de recherche bibliographique, je vois que ce sont des aigles ». Je ne donne ma préférence à aucun des quatre car ils agissent tous selon leur tempérament, ils manifestent tous leur caractère selon leur tempérament.

Lorsque j’étudie la vie des peuples, je le fais objectivement, je l’évalue selon la vraie science et je sais ce qui s’y trouve : à la lumière de cette science il n’y a rien de caché. Nous disons de quelqu’un qu’il est honnête et intègre, mais qui n’est pas honnête et intègre ? Est-ce que le loup qui se nourrit des agneaux des troupeaux n’est pas honnête, est-ce que la tigresse qui joue avec ses enfants n’est pas honnête ? Dire que le loup agit avec malhonnêteté est un avis extérieur, le loup dit : « Je ne veux pas connaître les avis des autres ». Vous dites que l’agneau et la brebis sont des animaux nobles ; demandez à l’herbe ce qu’elle en pense : une fois piétinée et mangée, elle ne peut plus pousser. Nous disons que les brebis sont un symbole de noblesse, quelles brebis ? Vous vous trompez si vous les croyez nobles. Il y a d’autres brebis dans le monde, pas celles que nos bergers élèvent qui ne sont que les ombres des vraies brebis. Le Christ dit : « J’ai d’autres brebis qui ne sont pas de cette maison et je les rassemblerai »[2]. Que sous-entend le Christ par le mot agneau ? Vous direz : « Nous savons ce que c’est : c’est le rejeton de la brebis, il est mignon et espiègle, quand on lui coupe la tête, il est délicieux s’il est bien cuisiné ». L’agneau signifie le feu qui purifie la vie, et lorsqu’on dit que le Christ est l’Agneau, c’est qu’il est le feu divin qui purifie l’humanité. Celui qui trouve ce feu divin a trouvé l’élixir de la vie ici sur terre.

Maintenant se pose la question de la brebis, que pensez-vous de ce mot ? Je vous parlerai des brebis dans une autre causerie : je discute avec elles chaque jour, vous les rencontrez aussi et je trouve qu’elles sont les plus lésées dans le monde, mais elles sont aussi les plus nobles et personne n’est plus heureux qu’elles. Le loup ne peut pas les dévorer, les vers ne peuvent les atteindre, la gale ne les touche pas, la faim ne les tourmente pas, elles ne craignent pas le couteau du berger, leur laine ne tombe pas à terre, leur lait n’est pas pris, aucun fromage ni beurre n’est fabriqué de leur lait, mais sachez que la beauté de leur laine apporte la vie et la grâce au monde entier. Elles parlent peu et n’ont pas l’éloquence des orateurs ; elles ne s’expriment que dans les moments de transition, lorsque l’orateur lève son verre, et elles ne disent alors qu’un seul mot. Et tout est dû à ces brebis : toutes les grandes phrases prononcées depuis la nuit des temps qui n’ont pas perdu leur sens, le sont par elles ; l’auteur de ces phrases marquantes est inconnu, mais grâce à elles le monde existe et les auteurs contemporains se couvrent de gloire. Aujourd’hui, un auteur qui écrit un livre, dit : « Ce livre est écrit par moi et personne ne peut l’éditer sans mon autorisation ! »

En m’écoutant vous parler de la sorte, vous devez penser que je poursuis un but quelconque ; je veux simplement discuter avec vous, vous restaurer. Je ne m’occupe pas de philosophie, mais je ne critique pas les auteurs qui peuvent s’occuper de philosophie ; je ne touche pas aux couronnes royales, je ne prends pas le sac d’or, ni la longue vue, ni le compas, ni la plume, ni le grain de blé ; je ne touche pas l’œuf non plus. J’ai choisi le nombre 11, c’est le nombre le plus malheureux de tous, il n’y avait pas de nombre plus malheureux pour les hébreux. Aujourd’hui, c’est le nombre 13 qui est fatidique pour l’européen éduqué, vous pouvez difficilement le mettre dans une chambre d’hôtel portant le numéro 13. Pourquoi le chiffre 11 est-il malheureux ? Il n’a ni mère ni père, c’est le nombre des contradictions dans la vie. Pourquoi existe-t-il des contradictions dans la vie ? Pour certaines raisons. Le nombre 4 est aussi une loi de contradictions, mais à cause de la justice. Il y a des causes dans le monde qui déterminent chaque action : les belles fleurs sont introuvables l’hiver car l’hiver exprime le nombre 4 et vous les rechercherez à un moment précis, à des saisons précises, c’est-à-dire aux nombres 1 et 2 ; si vous cherchez toutes sortes de fruits, vous les trouverez à des moments précis dans l’année, dans le nombre 3 ; toutes les manifestations dans la vie sont soumises à un moment précis.

Les Bulgares ont raison de dire qu’il existe des jours de malheur, ce n’est pas une superstition. Vous partez par exemple vers le pôle Nord en une chaude journée d’été ; si vous ne prenez pas en considération le besoin de vêtements chauds pour cet endroit, vous aurez froid en y arrivant : les journées froides, hivernales sont des journées de malheur. J’entends certains Bulgares déclarer : « Je ne sors pas dehors et je ne commence pas un nouveau travail le mardi ou le vendredi ». Ils ont raison car il y a réellement des journées de malheur dans la vie. J’aimerais voir quelqu’un qui n’est pas superstitieux prendre la route en un jour de malheur et voir jusqu’où il ira ; si cet homme est instruit, il dira : « Je n’ai pas pu arriver à destination car il y avait du brouillard et un grand orage », etc. Si l’homme est inculte, il expliquera l’insuccès par le fait qu’il a été entamé le mardi ou le vendredi : ces jours sont fatidiques. L’érudit sait que le tonnerre est dû à deux forces contradictoires qui s’unissent ; l’inculte dit que saint Élie parcourt le Ciel sur un char ; il sait que l’électricité est la raison de la formation du tonnerre, mais il admet en plus une autre force, une force supérieure.

Le mythe dit que saint Élie se promène dans le Ciel avec son char attelé à deux chevaux ; donc, en plus de l’électricité positive et négative il y a aussi deux chevaux et un homme, c’est-à-dire un principe intelligent qui guide ces deux forces. Alors, en tant que gens instruits, expliquez-moi comment se fait la chose suivante : je suis à une distance de cinquante kilomètres de vous et j’ai à ma disposition un canon capable de tirer à cinquante kilomètres ; lorsque l’obus de mon canon vous atteindra, vous entendrez le bruit de l’explosion, mais vous verrez aussi le résultat de l’obus en action. Je vous demande : quelle est la cause qui a conduit l’obus jusqu’à vous ? Vous direz que c’est l’effet de la substance explosive ; oui, mais vous ne mettez en évidence qu’un tiers de la vérité car il y a une autre cause qui met ensemble ces substances explosives, et cette explosion est le fruit de l’action conjuguée de ces forces : de cette façon, vous remonterez jusqu’au cerveau de l’inventeur lui-même.

Il y a trois causes pour chaque manifestation dans la vie. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas dire que nous sommes très instruits, car nous ne connaissons pas les trois raisons qui provoquent une certaine action. Nous disons que nous savons comment un certain évènement politique a eu lieu et que les personnes qui y ont pris part sont achetées, etc., mais la raison de ces abus est très loin de ce que nous voyons, et il n’y a pas d’explication pour ce contexte psychologique. Comment est-ce possible qu’un individu qui aime sa patrie puisse se vendre pour de l’argent, fut-ce plusieurs millions ? La raison peut être toute autre. On dit que Juda a trahi le Christ pour trente-trois pièces d’argent ; cela n’explique pas tout, encore faut-il savoir pour quelle raison il a trahi : la raison de cette trahison est bien plus profonde. Lorsque nous saisirons la véritable raison, nous cesserons de juger quiconque. Remerciez ce Judas qui s’est chargé du rôle ingrat du traitre ; si le Christ n’avait pas été crucifié, le salut de l’humanité ne serait pas venu. Vous direz : « Voici un homme qui n’a pas de suite dans les idées ». Je vais vous expliquer pourquoi je raisonne ainsi. Ne suis-je pas Judas pour le grain de blé que je vais enfouir dans la terre ? Pour ce grain de blé, dans un premier temps je suis un traître, mais je suis aussi son sauveur : comment le grain peut-il se développer et se multiplier s’il n’est pas semé ? Les choses doivent donc être regardées avec intelligence et sans jugement. Aujourd’hui dans les journaux il n’y a que des critiques et des attaques, ce n’est pas une science : il faut toujours examiner les véritables motifs des choses et des évènements avant de se prononcer. Et lorsque nous voulons sauver l’humanité, faut-il encore comprendre les lois qui gouvernent l’âme humaine. Certains me demandent : « Penses-tu que tu redresseras le monde avec toutes ces paroles ? » Je leur dis que je n’ai pas cet objectif-là, je donne simplement un banquet pour mes convives. Celui qui est affamé et assoiffé viendra auprès de moi, je vais le restaurer, il mangera et repartira où il veut ; lorsqu’il sortira, je ne vais pas noter son nom sur une ardoise, pour rappeler qu’il me doit quelque chose, et même s’il a de la poussière sur ses vêtements ou ses chaussures, je lui donnerai une brosse pour se dépoussiérer : qu’il laisse sa poussière chez moi pour sortir tout propre.

Comment réconcilier ces deux contradictions dans la vie ? Le Christ dit : « Dans une ville qui ne vous accueille pas, sortez et débarrassez-vous de la poussière »[3]. Où ? Dans la rue. Et moi je dis : lorsque je te donnerai à manger, au moment de partir enlève la poussière non dans la rue mais dans ma cour. Si tu comprends cette grande loi, lorsque quelqu’un viendra te rendre visite, il devra enlever la poussière de ses vêtements dans ta maison pour que tu deviennes riche, c’est une loi qui se vérifie. Mais vous, que faites-vous ? Lorsqu’on vous rend visite, vous demandez à votre convive d’enlever sa poussière dans la rue et d’entrer propre chez vous : vous renoncez à votre bénédiction et la loi de la destruction prend forme psychologiquement en vous. Dans le monde divin aucune destruction n’est autorisée, tout dans le monde doit servir à la création, le mal et le péché ne sont que des rébus pour les gens. On dit de quelqu’un qu’il est un grand pécheur ; ceci montre qu’il excelle pour commettre de grands péchés, c’est pourquoi j’aimerais connaître certains de ses rébus : ces gens-là sont très inventifs.

Certains s’insurgent contre le diable, mais la société actuelle ne se doute pas combien elle lui est redevable. Vous devez remercier le diable : s’il disparaissait un seul jour de la face du monde, cela jetterait un grand trouble : l’argent serait déprécié, les prêtres n’auraient personne à qui prêcher, les mères n’enfanteraient pas, il n’y aurait pas de nourriture, l’estomac, les poumons, le cerveau refuseraient de fonctionner, tous seraient livrés à eux-mêmes, et ainsi de suite. Mais aujourd’hui, tous clament combien le diable est mauvais. Lorsqu’il y a une voiture qui vous débarrasse de vos déchets et de ceux de vos voisins, vous dites : « Quelle odeur épouvantable à cause de ces déchets ! » Non, remerciez cette voiture de les emporter car sinon vous tomberiez malades s’ils restaient chez vous. Voilà pourquoi aujourd’hui, vous-aussi vous devez remercier ce grand esprit qui porte les péchés des humains. Quiconque pèche aujourd’hui, le curé, l’évêque, le tzar, la mère, le père, c’est toujours la faute au diable, mais je vous dis : ce diable est un formidable professeur. Je le croise parfois, je le salue et je lui demande : « Où es-tu passé ? – Je vis parmi ces gens si éduqués qui ne font que se battre et s’entretuer ; je leur enseigne une chose, mais ils font autre chose et se plaignent ensuite à leur Père que tout est ma faute. »

Le Christ disait : « J’ai vu Satan qui tombait comme un éclair »[4] ; je dirai : j’ai vu les rayons du soleil plonger de haut en bas. Que signifie cette chute ? Si les rayons du soleil ne tombaient pas, qu’est-ce que deviendrait la terre ? Le monde chrétien moderne est plein de contradictions et d’égarements et il n’y a pas de maîtres pour expliquer correctement les choses comme elles sont dans la nature. Quelqu’un dit par exemple qu’il faut être très sage, très intelligent pour devenir roi ; un autre dit qu’il faut être très riche pour gouverner ; un troisième dit qu’il faut avoir le grade de général pour gouverner son peuple, mais le sens de la vie n’est pas dans toutes ces choses. Je connais deux types de rois, de banquiers ou de généraux : je connais des généraux qui combattent sans tuer personne et nous en avons un grand besoin dans notre société moderne. Certains réfutent que nous ayons besoin de généraux ; si, nous en avons besoin à condition qu’ils accomplissent justement leur devoir. Mais celui qui envie le riche et veut prendre sa place n’a pas la bonne solution au problème ; deux ou trois personnes ne peuvent pas à mon avis porter un même sabre, donc c’est celui qui est né pour être général qui s’acquittera de sa mission.

Dans les sciences occultes, il est dit que plusieurs créatures peuvent occuper le même siège sans s’importuner ; vous demanderez comment cela est possible, je vais vous l’expliquer. Admettons qu’il y ait une boîte de conserve qui ne peut contenir plus de dix kilos ; remplissons-la avec de grosses cartouches ; nous disons qu’elle est pleine, mais il est encore possible de mettre du menu plomb dans les interstices ; nous disons de nouveau qu’elle est pleine, mais nous pouvons encore verser un peu de sable dans les interstices les plus fins jusqu’à les combler ; nous pouvons dans la même boîte verser un litre d’eau et il restera encore de la place où nous mettrons cent grammes du plus pur alcool ; ainsi tous ces éléments contradictoires ont pris place dans la boîte qui semblait de prime abord être remplie uniquement par les grosses cartouches. Ainsi, l’idée que ma chaise ne peut pas être occupée par plusieurs personnes est incorrecte ; les dix personnes qui ont pris un objet au roi peuvent s’y asseoir, et moi-même, le onzième, je peux m’y asseoir. Par conséquent, il n’y a aucune contradiction, j’ai choisi le nombre 11 car il oblige les gens à réfléchir. Et ceci arrive lorsqu’on traverse de grandes épreuves, lorsqu’on passe par le feu et par l’eau. Il faut imiter les héros de ce monde et ne pas s’apitoyer sur eux : ces individus choisissent eux-mêmes leur destin et ils portent avec légèreté leur sac à dos. Les héros n’ont pas besoin de salut, ils se délivrent eux-mêmes. Il y a maintenant des héros aussi parmi vous, les Bulgares.

On raconte en Angleterre l’histoire d’un voleur très connu et très habile. La police anglaise a réussi à l’arrêter et à l’enfermer et pour qu’il ne s’échappe pas, on lui a ligoté les mains et les pieds avec des cordes. Le gardien qui lui portait la nourriture a oublié une bougie. Le voleur a aussitôt compris qu’il pouvait se sauver avec cette bougie : il a brûlé précautionneusement les cordes à ces pieds, puis les cordes de ses mains. S’étant libéré de la sorte, il s’est évadé par la fenêtre et a retrouvé sa liberté.

Si vous vous retrouvez enfermé comme ce voleur, vous vous mettez à vous plaindre et à dire qu’un destin cruel vous persécute. Sachez que le diable qui vous attrape et vous ligote vous laissera toujours une bougie allumée grâce à laquelle vous pourrez vous délivrer et il dit : « Voyons maintenant si tu es un héros », mais vous restez là pensif et vous vous dites : « Eh bien, je préfère rester attaché plutôt que de me brûler ». Sois un héros, brûle la corde et sors ! Tous disposent de cette bougie allumée, c’est l’intelligence humaine. Même si le diable vous nuisait, le Seigneur lui ordonnerait de vous laisser une bougie avec laquelle vous sauver ; alors le diable dit : « Nous verrons maintenant si tu es un héros ou non, c’est-à-dire si tu es digne du ciel ou si tu restes mon esclave, es-tu digne de te détacher et d’emprunter l’étroit chemin vers le haut ou continueras-tu à labourer mes champs ».

Pourquoi les Bulgares labourent-ils aujourd’hui ? Ils n’ont pas pu se libérer à temps, ils n’ont pas pu se détacher et le diable les a attelés en disant : « Hou ! Hou ! » C’est une allégorie pour vous obliger à penser. Beaucoup disent en ce moment : « Pythagore a dit ainsi jadis, Trismégiste aussi sur sa tablette en or, et Kant aussi », et ainsi de suite ; mes respects à tous ces vénérables personnages, mais savez-vous d’où ces érudits ont pris leur enseignement ? Tout le monde admire leurs enseignements et les interprète ; leurs interprétations ressemblent à celles que certains théosophes contemporains font sur les épîtres de l’apôtre Paul, à propos de l’utilisation correcte ou non de l’article défini ou indéfini en disant : « L’apôtre Paul n’a pas mis à cet endroit un article défini ». Voici en quoi consiste leur lecture critique et leur interprétation ! Lorsque vous écrivez quelque chose, ne vous arrêtez pas à l’utilisation ou non de l’article défini, mais tâchez d’avoir une pensée juste et avec du contenu ; l’apôtre Paul savait exprimer la même pensée sans article défini et sans virgules. Lorsque vous confectionnez un vêtement, il y a une partie pour le devant et l’autre pour le dos. Celui qui songe à l’article défini dans sa phrase, montre qu’il est membre officiel d’une église et celui qui songe à l’article indéfini montre qu’il n’est pas encore membre à part entière ; il n’y a aucune autre philosophie à en retirer.

La philosophie profonde réside dans ce que la nature a fabriqué. Il y a dans une fleur plus de substance que dans les écrits scientifiques de Pythagore ou que dans la Critique de la raison pure de Kant ou dans les dix règles de Trismégiste, écrites sur sa tablette d’or. Tu traverses une clairière et tu piétines une fleur qui vaut plus que les livres de ces personnages et tu ne cesses de philosopher : « C’est ainsi qu’a parlé Kant ». Oui, mon ami, tu as piétiné la fleur sans lire ce qui était écrit sur elle, dans son livre. Tu dis : « Je crois en Dieu ». Non, mon ami, tu es le plus ignare, tu es un représentant de l’Ancien Testament, un publicain et un pécheur, scandalisé par l’affaire du samedi travaillé, etc. Le monde n’est pas créé pour gérer les samedis, et il n’y a pas de samedi réputé pour être jour de repos ! Il y a dans le monde un seul samedi, le samedi de l’amour et du baptême du feu.

Celui qui est héroïque par ses vertus obéit à la loi de l’amour. Celui qui se baptise avec l’amour divin et la sagesse divine sera Fils de Dieu ; par conséquent l’amour sans la sagesse n’est rien, tout comme la sagesse sans l’amour. Ces deux forces formidables, l’amour et la sagesse doivent pénétrer profondément en vous pour être comprises dans toute leur largeur et toute leur profondeur, comme elles se manifestent dans ce vaste monde divin, c’est la seule manière de donner du sens à l’enseignement actuel. Si je commence à enseigner l’algèbre et la géométrie modernes, elles revivront. Si le dessin et la poésie étaient étudiés convenablement, il y aurait un tout autre résultat ; dans la poésie d’aujourd’hui on met surtout l’accent sur les rimes, par exemple : « Le long des murs j’erre, et je te cherche amer », ou bien « Et de un, et de deux, et de trois, le général se cache sournois ». Le monde est plein de cette poésie-là ! Vous direz : « C’est dangereux qu’un général se cache ». Il n’y a pas de mal à cela, on se cache quand on est modeste, quand on ne veut pas être sur le devant de la scène. On dit de quelqu’un qui cherche à s’exposer, si nous le comparons avec une lampe torche, il serait l’éclairage, et s’il était une cime de montagne, il pourrait servir à orienter les gens ; ce n’est pas un mal qu’il veuille se mettre en avant. Que signifie la strophe : « Le long des murs j’erre » ? Cela signifie : « J’étudie les lois de la Bulgarie ». « … et je te cherche amer », cela signifie : « Et je fais tout ceci pour toi ». Vous direz : « Ce poète a composé une strophe très inintelligible ». Au contraire, cette strophe est très intelligente, donc intelligent et inintelligent sont deux notions relatives.

Dans le récit que je vous ai raconté, sur le choix des dix objets proposés par le roi, celui qui a choisi l’œuf a le plus gagné avec l’éclosion du coq. Qu’est-ce que ce coq ? Il représente la loi du sacrifice, c’est-à-dire être toujours celui qui donne pour que les autres prennent. Grâce à cette grande loi du sacrifice le monde avance et les dix objets (couronne, plume, longue vue, etc.) doivent tous leur progrès au coq.

Il y a quelque chose de supérieur au coq, c’est le fait de trouver un sens à la vie à chaque insuccès personnel. Tu mets la couronne royale sur ta tête, mais cette situation ne te satisfait pas et le coq chante « cocorico » ; cela veut dire que tu n’as pas chanté au bon moment, tu as pris la couronne mais sans trouver ce qui est important dans la vie. Tu es commerçant, mais tu reviens à la maison, découragé, mécontent et le coq chante « cocorico ». Tu as écrit un livre mais il ne rencontre pas de succès, tu te sens malheureux et le coq chante « cocorico ». Tu as lu un livre sur la sagesse mais tu n’as rien compris et le coq chante « cocorico ». Tu as semé du blé et d’autres aliments, mais la récolte n’est pas au rendez-vous, tes espoirs sont déçus et le coq clame « cocorico ». Aujourd’hui, au sujet de toutes leurs affaires, le coq dit aux gens : « cocorico », et ce cocorico signifie beaucoup !

Je vous laisserai méditer sur le mot cocorico jusqu’à la prochaine causerie.

 

25 mai 1919, Sofia

Traduit par Bojidar Borissov


[3] « Mais dans quelque ville que vous entriez et où on ne vous accueillera pas, sortez sur les places et dites : « Même la poussière de votre ville, qui s'est collée à nos pieds, nous l'essuyons pour vous la rendre. Pourtant, sachez-le : le Règne de Dieu est arrivé. »  (Luc 10, 10-11)

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