Jump to content

1919_04_13 Ni d’un sac


Ani
 Share

Recommended Posts

Ni d’un sac

Ni d’un sac pour le voyage…

Matthieu 10 :10[1]

 « Ni d'un sac pour le chemin, ni de deux tuniques, ni de sandales, ni d'un bâton, car l'ouvrier est digne de sa nourriture. » Ce verset est souvent déprécié. Les gens d’aujourd’hui souffrent de ces sacs. Vous savez tous comment les sacs sont agencés et vous en portez. Les tziganes portent des besaces en cuir pour y mettre leur farine. Il y a différents types de sacs : pour les lentilles, pour les petits pois, pour les haricots, ainsi de suite. L’intérieur du sac est toujours disponible, il a une grande ouverture ; lorsqu’on y met du fromage, il devient plus petit. Il y a aussi des sacs en métal. En général, le monde est plein de toutes sortes de sacs. Nous considérons ce mot sac sur le plan des idées.

Le Christ dit : « Ne prenez ni sac pour le chemin, ni deux tuniques, ni sandales, ni bâton, car l'ouvrier est digne de sa nourriture ». La raison de toutes les disputes est toujours le sac : on s’endort à un endroit, on se fait dérober le sac et on part à sa recherche. Il existe trois types de sacs : physique, affectif et mental. Le Christ dit : « Celui qui va dans le Royaume des cieux n’a pas besoin de sac ». Celui qui part en voyage n’a besoin ni de deux tuniques, ni de deux paires de souliers, il doit en principe éviter de travailler avec le chiffre deux qui est un chiffre de désunion. Si vous avez beaucoup d’idées dans votre besace mentale, prises ici et là, pensez-vous que vous serez prémunis ? La tzigane doit tous les jours s’occuper à remplir sa besace. De ce point de vue la culture moderne est la culture du sac. Chacun dit : « Avoir une maison, des avoirs, ceci et cela, avoir une besace pleine ». Le Christ dit : « Celui qui part en voyage »… le chemin, ce sont les efforts honnêtes, le travail honnête. Qu’est-ce qui sauve l’agriculteur ? La charrue ! Lorsqu’il creuse les sillons il se sauve. Chaque sillon creusé en avant et en arrière représente la philosophie de la vie. Chaque montée et chaque descente est une loi du travail ; le travail est un élan de la vie divine en l’homme. On ne peut pas travailler tant qu’il n’y a pas d’élan vers quelque chose ; lorsqu’on travaille, on donne du sens à sa vie et on évite les disputes et les malentendus. Cela signifie que le sac va en avant et en arrière ; celui qui revient en arrière pour repartir de l’avant est un érudit.

« Ni d’un sac. » Souvent ce sac renferme une telle quantité de pain qu’on ne peut le manger ; lorsqu’il y séjourne un moment, il commence à moisir ; les souris aiment aussi ce sac car elles ont de quoi se restaurer ; par conséquent les mauvaises pensées des humains ne sont rien d’autre qu’un sac rempli de pain moisi. Pour se libérer des mauvaises pensées, il faut ôter le sac de son dos, on n’en a pas besoin. Nous devons nous libérer du sac car c’est une invention humaine, un enseignement humain et trompeur. Le cataclysme auquel nous assistons dans le monde en ce moment est causé par la lutte entre les êtres humains pour des sacs ; la dispute entre riches et pauvres est une dispute pour des sacs. Les sacs des riches sont remplis et ceux des pauvres sont vides. Les pauvres disent : « Au lieu d’aller mendier de maison en maison, il vaut mieux piller les riches » ; voilà comment naissent les idées sociales. Chacun dit : « Voyons maintenant comment vider les sacs pleins ». Je demande : « Comment le monde se redressera-t-il si tous les sacs sont vides » ? Vous dites : « Pourquoi poser les questions de l’existence de cette manière ? » Je demande : pourquoi pas ? La question répond à la question. Pourquoi avoir un sac ? Pour vivre plus aisément. Pourquoi avoir un sac ? Pour devenir oisif et profiter d’un mode de vie plus indolent. Celui qui cherche à devenir brutal, oisif, sans scrupules, qu’il porte un sac ! Celui qui porte un sac sur le dos n’est accueilli nulle part avec joie ; s’il vient chez quelqu’un, on cherche à s’en débarrasser au plus vite.

Le Christ dit : « Celui qui part en voyage ne porte ni sac, ni tuniques, ni souliers, ni bâton », en un mot, celui qui part en voyage ne porte avec lui ni or, ni argent. Je ne vais pas m’arrêter pour expliquer ce qu’est l’or et l’argent. Que représente le bâton ? C’est le droit international. Le Christ dit : « Il ne vous faut pas un tel bâton ». Qui n’en a pas besoin ? Ceux qui partent en voyage et qui comprennent les lois divines. Ceux-là n’ont besoin ni de sac, ni de bâton, ils sont prémunis par eux-mêmes. Si vous êtes en accord avec les grandes forces qui régulent la vie, vous pourrez avoir largement le temps de vous développer mentalement et spirituellement au prix d’un peu de travail physique. Comme vous ne comprenez pas les lois divines et n’êtes pas en accord avec elles, vous dépensez plus d’énergie qu’il n’en faut, et il ne vous reste pas de forces pour vous développer spirituellement. Rappelez-vous : tous les plaisirs que vous avez aujourd’hui ne sont rien d’autre que le sac dont parle le Christ. Vous allez au théâtre, à un spectacle : c’est une sorte de sac – je ne parle pas du théâtre en tant qu’art, mais en tant que divertissement comme beaucoup le considèrent – comprenez-moi au sens figuré et non pas au sens littéral, vous verrez ainsi qu’il y a partout des sacs dans la vie. Tu vas au théâtre, tu regardes une dramaturgie et tu mets quelque chose dans ta besace sans l’appliquer. Le seul pain dont on tire profit est dans le ventre, pas dans la besace ; la probabilité d’utiliser le pain du sac n’est que d’un pour cent.

Je dis : si une roue tourne cent millions de fois autour d’elle-même, il se créera un nouveau mouvement. Qu’adviendra-t-il de la roue ? Elle s’arrêtera juste un instant, puis un nouveau mouvement se mettra en place : une nouvelle direction dans la vie. Quelle est cette roue ? Notre terre : elle tourne autour d’elle-même. Lorsqu’elle aura fait cent millions de rotations, la terre fera l’objet d’une exception qui arrive aujourd’hui, de nos jours : elle orientera la vie sur terre dans un nouveau chemin. Si vous êtes des mathématiciens, je vous montrerai la direction qu’emprunte la terre par une formule mathématique et son rapport à tous les soleils et toutes les planètes. Vous demandez : « N’est-ce pas la terre qui tourne en ce moment même ? » Oui, mais comme à l’époque où elle faisait les cent millions de rotations. Chaque particule terrestre accomplit un mouvement de rotation ; ceci montre que les particules terrestres ne se meuvent pas comme avant ; les atomes et les molécules de la terre ont donc modifié leur mouvement ; la terre a modifié non seulement sa direction d’ensemble mais aussi celle de ses plus fines particules ; elle veut ainsi vider les sacs de ses enfants.

Donc, la même chose que la terre vous arrive aussi ; c’est tout à fait logique : les particules terrestres composent aussi vos corps, donc le même mouvement, le même bouleversement se produit dans vos corps. C’est pourquoi tout le monde aujourd’hui est mécontent. Ils étaient jadis plus contents. Quel est le rapport entre le contentement et le mécontentement ? Le contentement est un mouvement de rotation ; je vous laisse définir vous-mêmes le mécontentement. Si une rivière fait un nouveau mouvement, elle va inonder toute la région et s’approchera de la source ; dans ce cas le mouvement n’est pas tant dans la source que dans la rivière.

« Ni d’un sac pour le voyage ». Pourquoi porter un sac et se fatiguer ? Portez une idée qui vous sauvera. Vous vous questionnez maintenant à quel parti adhérer : le parti démocratique, le parti bolchévique ou le parti monarchique ? Vous ne savez pas vous-même quoi faire. Je dis : libérez-vous de tous les sacs quels qu’ils soient, votre salut n’est pas en eux. L’idée de la monarchie est déformée, l’idée démocratique aussi et l’idée bolchévique de même. Toute idée appliquée se déforme ; son résultat s’exprime par l’équation : a + b = c. Le christianisme aussi, l’idée la plus sublime dans le monde, a été déformé ; pour son idée, l’Église catholique a brûlé tant de gens sans délivrer l’humanité. À mon avis, chaque enseignement, chaque idée qui fait passer les gens par le feu, qui les pend et les assassine, a un seul et même résultat : a + b = c. Certains disent qu’ils sont porteurs du Nouvel enseignement. Je demande : « Pendez-vous les gens ? – Nous les pendons. –  Les haïssez-vous ? – Nous les haïssons ». Alors votre enseignement est ancien, mais avec un nouvel écriteau : vous portez les anciennes besaces. Vous dites qu’on se fait nécessairement pendre, dévaliser, battre à cause de la loi du karma, qu’on souffre un peu ; oui, tant qu’on porte l’ancien sac sur le dos, tant qu’on a deux tuniques, deux paires de souliers et deux bâtons, on souffre forcément. Deux personnes se réunissent, l’une sort des choses de son sac et l’autre aussi jusqu’à ce qu’elles se disputent : ce n’est rien d’autre que le transfert de matériaux d’un sac à l’autre. Pourquoi ces personnes se querellent-elles ? Pour statuer quel enseignement est le plus juste. L’enseignement juste est celui qui vide ses sacs pleins et donne à ceux dont les sacs sont vides ; l’enseignement juste est celui qui équilibre les énergies dans la nature. Ceci s’applique à la vie sociétale, à la vie familiale et à la vie privée des individus.

Où que vous alliez aujourd’hui, vous verrez partout des sacs ; si vous entrez dans une famille, vous verrez le père et la mère et les enfants avoir des sacs ; dans les écoles, les enseignants comme les élèves ont des sacs, voilà pourquoi tous se disputent entre eux. Là où est l’amour se trouve le travail, mais il n’y a pas de sacs. Lorsque je donne la formule a + b = c je désigne les résultats de chaque enseignement, de chaque idée. La lettre a est le nez, le b est l’œil et le sourcil, et le c, la bouche ; lorsque le nez perçoit une odeur extérieure, l’œil souhaite voir les choses et la bouche veut les goûter, donc a + b = c. La bouche est ce qui engendre toutes les disputes. Lorsque ce petit membre s’agite dans la bouche et se met à s’agiter comme une locomotive, à gauche et à droite, tout se mélange ou bien tout s’arrange, cela dépend de la direction. Le Christ dit : « Ne remplis pas ton sac, c’est-à-dire ta bouche », ce qui signifie : « Ne retiens pas la nourriture dans ta bouche pour te prémunir pour le lendemain ». Il n’y a pas plus bête que de se prémunir. Lorsque vous accueillez une idée, ne la retenez pas, mais assimilez-la. Pourquoi la retenir dans son sac ? Traitez-la et renvoyez-la dans le monde pour que chacun en tire profit. Retenir des choses dans son sac, c’est déplacer une chose d’un endroit à l’autre sans obtenir de résultat.

Une paysanne a tissé en tout et pour tout trois fuseaux de laine : deux blancs et un noir. Comme elle était paresseuse, lorsque son mari revenait du travail, elle travaillait devant lui tantôt les blancs tantôt le noir pour qu’ils paraissent plus nombreux. Son mari ne voulait pas contrôler le nombre de fuseaux, mais il s’est rendu compte qu’elle ne travaillait pas. Un jour, il a feint d’être mort. Elle s’est mise à chercher des vêtements pour l’habiller, mais sans succès. Enfin lui est venue l’idée lumineuse de l’enrouler avec les fils des fuseaux. Elle s’est mise à lui couvrir les pieds, mais n’a pas réussi à atteindre la tête. Elle l’enroulait tout en se lamentant : « Mon homme, tu ressembles ainsi à une mandoline ». Les gens d’aujourd’hui sont ainsi couverts des pieds à la tête et ressemblent à des mandolines, pour autant la mandoline ne sauve pas la situation et n’anoblit pas l’homme.

Aujourd’hui, l’enseignement du Christ comme l’occultisme ont couvert les gens de fils : ils portent ces enseignements comme des fils, mais cela ne les sauve pas. J’aimerais rencontrer des gens idéalistes et non pas couverts de fils ; j’aimerais rencontrer des gens avec des bouches vides, mais des estomacs pleins ; j’aimerais rencontrer des gens avec des poumons pleins, mais des nez vides. Les gens réputés être vides sont cependant ceux qui insufflent un élan dans l’humanité. Pourquoi ? Parce qu’ils vont dans une direction ascendante. Tant qu’on ne déplace pas quelque chose pour créer un vide, on ne peut pas avancer.

Ainsi, la première chose qu’on attend des humains est qu’ils se débarrassent des vieux sacs. La raison de l’apparition du sac est le mental humain : lorsque le mental se lie à l’affect, le mal apparaît. On remarque que la haine par exemple n’apparaît jamais entre les sots, mais seulement entre les gens érudits, instruits. Vous vous demandez ce qui incite les humains à pécher d’un point de vue chrétien. À la question de ce qui pousse l’homme à pécher, il y a plusieurs réponses : lorsque Dieu a créé le monde et a mis l’homme au Paradis, le désir de conquérir le monde a agité son cœur : cette cupidité a été la raison de sa chute. Observez la vie des gens pour voir comment leur cupidité les pousse à pécher : le jeune homme veut se marier avec une riche jeune femme ; il l’enlèvera à ses parents, il usera de violence, ceci à cause de sa cupidité : il aime plus l’argent de la jeune fille que la jeune fille elle-même. Selon le même principe, beaucoup luttent pour entrer dans le Royaume de Dieu par la violence ; c’est un mauvais raisonnement. Par violence, on désignait autrefois le fait d’utiliser la force dans son travail, d’utiliser l’amour dans son travail. Lorsqu’on dit qu’il faut donner son amour dans le travail pour le bien de son frère, cet amour donnera du fruit ; le fruit de l’amour, c’est l’avènement du Royaume de Dieu sur la terre. Qui ne s’est pas rassasié lorsque vous l’avez restauré ? Qui n’a pas étanché sa soif lorsque vous l’avez abreuvé ? Qui n’a pas remercié celui qui l’a relevé lorsqu’il était à terre ? Le pain mène l’affamé dans le Royaume de Dieu, l’eau mène l’assoiffé dans le Royaume de Dieu, l’amour pour celui qui a chuté le mène dans le Royaume de Dieu ; l’âme renferme en elle le Royaume de Dieu.

Que représente l’avènement du Royaume de Dieu ? C’est cet élan perpétuel de l’âme qui sort de Dieu et va sur terre pour servir. Le Royaume de Dieu vient sur terre et s’en va sans que quelqu’un en prenne possession, personne ne peut disposer d’un acte de propriété du Royaume de Dieu. Que ceux qui prétendent qu’il peut être pris par la force veuillent bien nous montrer ce royaume ! Vous dites que le Royaume de Dieu est en vous et cependant vous le cherchez en dehors de vous. Vous avez un royaume, mais vous n’avez pas de rois ; et si vous avez des rois, vous ne savez pas quelle gouvernance choisir. Vous craignez les bolchéviques ; vous ne devez pas en avoir peur, ce sont les enfants des monarchistes ; vous avez éduqué ces enfants huit mille ans durant : le fils prodigue rentre pour donner une leçon à son père. Nous le voyons dans la nouvelle Taras Boulba de Gogol : Taras Boulba a envoyé ses fils s’instruire et à leur retour, il s’est rué sur eux pour les battre : il voulait éprouver leur force ; lorsqu’ils sont venus à bout de lui, il était content. Les bolchéviques montreront à leur père comment gouverner. Devant la loi, le riche et le pauvre sont égaux ; il faut octroyer son dû à chacun. De nos jours, on prend la besace du pauvre, et on dit au riche qu’il doit travailler. Le temps est venu pour que les pauvres redressent le monde. Qui sont ces pauvres ? Vos enfants. Quels enfants, les bons ou les mauvais ? Peu importe, les bons se distinguent des mauvais par leur signe : les uns sont du signe positif, les autres du signe négatif ; les sacs des bons sont pleins, les sacs des mauvais sont vides, voici la différence entre les bons et les mauvais. Certains approuvent l’ordre actuel et passent pour bons, d’autres ne l’approuvent pas et passent pour mauvais, qui a raison ? Aucun d’eux, car ils raisonnent tous en fonction de leurs besaces. Beaucoup disent que le christianisme est un bon enseignement. Pourquoi ? Parce qu’il éduque et assure l’homme. Ce raisonnement n’est pas juste : c’est un ancien enseignement avec un nouvel écriteau ; après un temps, ils quittent le christianisme et adhèrent à un autre enseignement. L’enseignement divin se distingue en ce qu’il apporte de la nourriture à tous, petits et grands ; cet enseignement apporte des règles à tous : chacun peut se conformer à ces règles.

« Celui qui a emprunté le chemin. » De quel chemin parle le Christ ? Le chemin du progrès. Celui qui l’a emprunté doit s’affranchir de toutes les vieilles idées ; ceci doit se faire librement, toute violence faite sur l’homme pour lui prendre sa besace mène au conflit, aux heurts.

« Ni deux tuniques. » Par tunique, le Christ désigne l’ordre social actuel. Il ne vous faut pas plus d’une tunique, mais savoir qui servir. On ne peut servir que Dieu. Lorsqu’on dit qu’il faut servir le peuple, sachez qu’il est un enfant de l’humanité, par conséquent, lorsque vous servez l’humanité, vous servez aussi le peuple ; le peuple est un enfant qu’il faut élever. Beaucoup de peuples disparaîtront car les corps de ces enfants ne sont pas formés selon les règles établies par Dieu ; beaucoup de peuples ont disparu dans leur forme et pas en substance. Pourquoi ? Parce que les règles sur lesquelles ils se sont appuyés dans leur vie ne leur ont pas permis de perdurer. La force, les idées, les croyances religieuses des gens ne se perdent pas, mais évoluent. À notre époque apparaîtront autant de religions et de croyances qu’il y en avait dans le passé, mais elles seront changées. Qu’est-ce que la danse contemporaine dans les théâtres ? Rien d’autre que les danses populaires d’autrefois. Lorsqu’ils vont au bal, bien habillés, les gens veulent paraître plus nobles que les gens simples ; ils vont tournoyer toute la nuit, ils vont transpirer et prendre froid, et n’obtiendront rien de spécial. Ensuite, ils vont parler des derviches : qui n’est pas derviche dans le monde ? On corrige son enfant, il se roule par terre, c’est un derviche. Vous direz que le derviche est dangereux ; c’est un raisonnement erroné. Il est dangereux, mais tu le croises partout : on voit partout des derviches qui tournent et jouent. Allez dans un village bulgare pour voir les danses populaires qu’on y joue ; les danses populaires bulgares sont belles ! Là, les jeunes gens font connaissance, chaque jeune fille qui veut se marier va dans la ronde.

Vous direz qu’il ne faut pas aller danser. Je vous demande si vous avez atteint la cent millionième rotation ? Si c’est le cas, vous pourrez librement aller danser sans aucune gêne. Dans les danses populaires bulgares il y a plus de sens que dans les danses européennes qui se dansent à deux ; si la jeune fille danse avec un seul jeune homme comme cela se pratique dans les bals, elle n’obtiendra rien, surtout s’il est démagnétisé ; la même jeune fille, entraînée dans une danse populaire gagnera quelque chose, elle rentrera chez elle bien disposée et rassénérée car elle a bénéficié du magnétisme collectif de tous les participants. « Faut-il danser ? » Oui, comme des Bulgares et pas comme des européens. C’est bien de vous assembler à deux ou trois cents pour danser ensemble, alors qu’à deux, vous gagnerez ou bien vous perdrez. La même loi s’applique aux gens instruits.

Certains disent qu’il y a autour de moi une chaîne secrète. C’est curieux, de quelle chaîne secrète peut-il s’agir ? Lorsque deux ou trois cents personnes se rassemblent à un endroit et se magnétisent, ils seront au vu de tous ; la danse se fait à découvert. J’entends donc par chaîne, les chaînons d’êtres vivants, hommes et femmes, liés dans une danse commune comme les derviches. La différence est que les derviches n’admettent pas les femmes dans leurs danses. Et de plus, ils exagèrent dans leurs tournoiements : lorsqu’ils atteignent la dernière rotation, de l’écume leur vient aux lèvres ; lorsqu’ils reviennent à eux, ils se mettent à prophétiser ; ils deviennent ainsi des prophètes de manière forcée : ce ne sont pas des prophéties, mais des convenances, admises par tout le monde. Quelqu’un vient et demande comment il faut saluer ses proches ? Il faut d’abord enlever son chapeau, puis ses gants ; on peut serrer la main du bien-portant sans gants pour prendre de son énergie, mais il faut serrer la main du malade avec des gants ; si tu veux volontairement lui donner de ton énergie alors il faut enlever tes gants, cela dépend de chacun. Beaucoup viennent me voir et me serrent la main sans enlever leurs gants, ils veulent ainsi se dissimuler pour ne pas me laisser deviner la culture qu’ils portent en eux.

Je dis : toutes les couvertures doivent être enlevées, ce sont les vieux sacs dont l’humanité doit se libérer. La raison des maladies est dans les gants des gens d’aujourd’hui, ils introduisent des dépôts et des impuretés dans le sang. « Je suis chrétien ! » En tant que chrétien, as-tu purifié ton sang, as-tu appris les règles pour nettoyer le sang, as-tu appris les règles pour respirer, pour recueillir l’air divin, as-tu appris la règle pour engendrer une pensée juste en toi, ta pensée peut-elle donner du fruit ?

Quelle est la différence entre les fruits réels et les fruits fictifs, irréels ? Si je vous donne une pomme ou une poire en cire ou en gypse et une autre d’un arbre fruitier, comment les distinguerez-vous ? Les vrais fruits portent de la force en eux. Chaque enseignement doit par conséquent être essayé par votre mental, puis par votre cœur et c’est alors que vous vous prononcerez sur lui. Un enseignement est authentique et à sa place s’il insuffle constamment la force dans l’esprit et l’amour dans le cœur. On raconte que quelqu’un s’est évanoui d’amour ; je ne vous parle pas de l’amour qui fait s’évanouir les gens ; celui qui s’évanouit par amour a participé à un tournoiement de derviches. Un commerçant fait faillite. Pourquoi ? Il a pris part à un tournoiement de derviches : sa chute est due à ses vieilles besaces.

Le Christ dit : « Chaque homme de pouvoir qui a emprunté le chemin divin doit laisser son sac, chaque enseignant qui a emprunté le chemin divin doit laisser son sac, chaque prêtre qui a emprunté le chemin divin doit laisser son sac, tous doivent laisser leurs sacs, malheur à ceux qui ne laissent pas leurs sacs, malheurs à vous, pharisiens, malheurs à vous hypocrites ! »[2] Ce sont des paroles très fortes. Pourquoi ? Parce que nous revêtons nos égarements avec de belles tenues et nous nous offusquons si quelqu’un ose nous dire la vérité. Je respecte les Bulgares pour leurs danses populaires pleines de joie et de gaîté, c’est une culture, une religion. Vous dites : « Dansons pour nous emplir de gaîté, nous n’avons pas besoin de beaucoup d’enfants. » Pourquoi ne voulez-vous pas beaucoup d’enfants ? Lorsqu’il est question de fruits, vous voulez que le poirier et le pommier donnent beaucoup de fruit, mais lorsqu’il est question de vous, vous ne voulez pas beaucoup d’enfants : que naissent autant d’enfants qu’il a été déterminé, il faut des enfants, mais des enfants du bien.

Souvent un esprit de compétition anime mes auditeurs : si un nouveau apparaît parmi eux, ils disent : « Celui-ci est nouveau, il prendra notre place ». Je dis : faites-lui de la place, c’est votre petit frère, donnez-lui de votre énergie, de votre pensée pour aller de l’avant dans la vie, ne le freinez pas. Enlevez vos sacs de vos épaules et laissez chacun se développer librement. « Est-ce que cet homme est bon ou pas ? » Ne t’en occupe pas, Dieu pense à tout. Les Bulgares disent : « Dieu donne, mais ne fait pas rentrer dans l’étable. » Si tu travailles, Dieu fait aussi rentrer dans l’étable, mais si tu ne travailles pas, Dieu ne fait rien rentrer dans l’étable. Pensez-vous que quelqu’un peut prendre la première place et la garder s’il ne travaille pas ? La première place a un rapport à celui qui est capable d’accomplir un grand travail : son Maître lui donne un problème âpre à résoudre et il le résout. Certains pensent que la première place sous-entend la place tout devant : elle sous-entend la mission la plus difficile. La première place se donne aux gens forts, avec du caractère, et qui peuvent se sacrifier ; celui qui est prêt à vivre pour les autres prendra la première place, celui qui ne vit que pour lui-même prend la dernière place. Le musicien se teste avec les partitions les plus difficiles, et s’il les joue bien, il est mis à la première place ; personne ne fait de concessions là-dessus. Vous direz qu’un élève aime son enseignant, il lui porte des fleurs, il l’invite chez lui, il le traite avec déférence ; s’il fait tout ça mais qu’il n’étudie pas, il restera à la dernière place. Par conséquent, la première place indique les aptitudes de l’individu et la noblesse de son âme. Pour comprendre le sens des choses il faut avoir un esprit supérieur et un cœur noble. Une femme ne peut pas supporter son mari, mais elle veut être la première dans le Royaume de Dieu. Je lui dis : « Puisque tu ne peux pas supporter ton mari, tu seras la dernière dans l’autre monde » ; il en est de même pour le mari qui ne peut pas supporter sa femme.

Vous dites : « Qu’est-ce qu’il adviendra du monde ? » Je vois une commission qui évalue tous les peuples : elle observe comment ils résolvent les problèmes posés. Les Bulgares aussi ont un problème qui leur est posé. « Oui, nous avons aussi une délégation à Paris. » Que vous ayez ou non une délégation, le problème doit être résolu ; si vous ne le résolvez pas, même si vous allez à Paris, vous resterez à la dernière place. Votre problème n’est pas résolu et vous dites déjà que le peuple est victime d’injustice ; tout peuple qui est honnête, intelligent, juste et bon, ne peut souffrir. Tout être qui possède ces qualités, ne peut pas souffrir, aucune catastrophe ne peut le frapper, tout le ciel et toute l’humanité sont de son côté. En ce sens, les érudits ne font rien d’autres que donner des méthodes, formes, modes opératoires qui montrent aux humains le droit chemin. Celui qui est préparé se distingue de celui qui n’est pas préparé comme les fruits tropicaux se distinguent des fruits des pays tempérés : les premiers sont gros, juteux, sucrés.

Le Christ dit : « Ni d’un sac pour le voyage, ni deux tuniques ». Ceci a un rapport avec notre époque. Si vous me demandez ce qu’il adviendra du monde, je dis, ne vous inquiétez pas, le monde se libérera de tous les sacs, des deux tuniques, des souliers et des bâtons, ce qui signifie : le monde se libérera de tous les enseignements mensongers et vieillots qui rassemblent, mais sans accomplir la volonté divine. Ce sont les sac du monde d’aujourd’hui, ils seront liquidés. C’est ainsi que parle le Seigneur, c’est ainsi qu’Il écrit dans Son livre.

Tous les vêtements qui se vendent au marché ont une apparence de neuf, mais sont anciens à l’intérieur : ils portent des contagions ; c’est pourquoi je dis : ne rentrez dans aucune organisation humaine. Beaucoup d’associations de soutien aux Bulgares ouvrent les portes aujourd’hui ; quel que soit leur soutien, ils ne portent pas de salut pour l’humanité. Que faire ? Je vous répondrai par une image : le serpent a demandé : « Dois-je me débarrasser de ma peau ? – Débarrasse-t ’en. – Pourquoi ? – Parce que tu as une nouvelle peau au-dessous. »

Je vous dis à vous-aussi : jetez le vieux sac pour mettre le nouveau qui cache une force magnétique en lui. Jette les vieilles pensées qui sont ton ancienne peau ; jette les vieux sentiments qui créent la haine : elle doit se transformer en amour. Jette le vieux sac pour te réconcilier avec ton frère : cela fait deux mille ans que tu portes ce sac, il est usé. Lorsqu’il parle du sac, le Christ désigne la nature humaine qui se laisse facilement tenter et séduire ; lorsque je touche ce sac, moi-aussi je m’en méfie. Celui qui balaie les vieilles maisons sera contaminé par quelque chose ; moi-aussi je refuse de balayer de vieilles maisons. Je ne reconnais pas la manière dont on s’y prend pour balayer : à l’avenir les balais fonctionneront à l’électricité, on mettra le courant, et tout sera nettoyé d’un coup. Maintenant la ménagère balaie toute la journée et pense qu’elle a tout nettoyé ; il suffit de regarder l’air dans une pièce éclairée par le soleil pour voir combien elle est propre : toute la pièce est remplie de poussière ! La même chose se produit dans les sociétés, les peuples ; un réformateur vient transformer le monde, mais au bout du compte rien n’en sort. De grands hommes se présentent, ils forment une Société Des Nations, une ligue internationale, et finalement cela n’aboutit à rien. Je ne crois pas à la ligue des nations. Pourquoi ? Voilà que Wilson a apporté de nouvelles idées, mais elles n’ont pas donné de résultat. Les Bulgares ont cru que leur salut était dans la ligue des nations ; la ligue peut tout au plus guérir les humains de certaines maladies, mais elle ne peut pas apporter de fraternité et d’égalité entre les peuples.

Le Christ dit : « Ni d’un sac ». Lorsque les humains accepteront l’amour divin, ils comprendront que l’humanité est leur père et qu’ils sont les enfants de ce père, alors viendra l’union, la fraternité et l’égalité entre les peuples. J’enlève le mot égal, égalité du dictionnaire divin ; si on met ce mot entre les humains, le diable leur rendra visite aussitôt. La fraternité est à sa place, mais l’égalité est un mot galvaudé. La fraternité repose sur l’amour. De quel amour est-il question, humain ou divin ? Rappelez-vous : l’amour est un et indivisible, c’est une grande idée, un grand élan. Il y a tout dans cet amour : fraternité, liberté, savoir, sagesse, culture, civilisation. Tout le reste est en deçà de l’amour divin.

Ainsi, si quelqu’un me demande en quoi je crois, je réponds que je crois uniquement à l’amour ; si je dis que je crois en autre chose, je ne dis pas la vérité. Quelqu’un dit qu’il croit en la sagesse. Sais-tu ce qu’est la sagesse ? La sagesse se manifeste dans les formes géométriques et les règles d’algèbre. En voici une : a + b = c. Un théorème géométrique : deux grandeurs ou deux lignes, égales à une troisième, sont égales entre elles ; ce qui signifie : un père et une mère qui aiment de la même façon leurs enfants, les forces qui agissent entre eux sont aussi égales. Entre le père et la mère il y a de l’harmonie ; là où est l’harmonie, on peut parler d’égalité ; hors de l’harmonie il n’existe aucune égalité.

Ainsi, renoncez aux vieux sacs, tuniques, souliers et bâtons. Certains philosophes me demandent : « Devons-nous rester nus ? » Vous ne comprenez pas ce qu’on vous dit. Je dis : enlevez vos anciennes peaux pour en revêtir de nouvelles. Si après la causerie d’aujourd’hui vous ne pouvez pas renoncer à vos vieux sacs, vous reviendrez les mêmes, avec les mêmes souffrances et malentendus et vous considérerez tout nouveau venu comme quelqu’un qui veut s’emparer de quelque chose. Les gens qui ont des sacs sont dangereux. Savez-vous ce que font certains brigands ? En faisant trop les malins, ils tombent eux-mêmes dans un piège. Quelqu’un met sa tête dans un pot comme un chien et ne peut pas la retirer ; il tape sa tête dans le pot et quiconque le voit, dit : « Le chien a mis un pot sur sa tête » ; ce n’est pas un pot mais une besace. Les enfants se moquent de lui, lui jettent des pierres : comment se sauvera-t-il ? Cassez le pot : il recouvrera la vue et se sauvera de ses malheurs. Le pot représente le sac que les gens d’aujourd’hui portent sur leurs têtes. Vous direz qu’il est facile de parler, mais difficile d’agir ; c’est également facile à faire : si tu raisonnes justement, tu peux tout faire. Est-il possible de l’accomplir dès maintenant ? Si tu as mûri, c’est possible, sinon c’est impossible ; si tu es venu au printemps lorsque les serpents se débarrassent de leurs peaux, tout ira bien ; si tu n’es pas venu au printemps, cela n’ira pas.

Les moralisateurs disent souvent que les humains doivent être justes et honnêtes. Je demande : comment peut-on être juste et honnête lorsqu’on suit le chemin de la fourmi ? Ne pense pas à la fourmi, ne pense pas à celui qui pille. « Ne faut-il pas écouter cet érudit ? – Laisse cet érudit de côté, c’est une fourmi. – Qui dois-je écouter, dois-je croire que mon âme est l’accord d’un mental, d’un cœur et d’une volonté ? » Tu n’as rien à croire : que tu croies ou non, c’est pareil, tout est en toi, tu es toi-même un philosophe, tu dois tout résoudre tout seul. Si tu es affamé, viens auprès de moi, je te restaurerai, je te donnerai du pain pour te rassasier, après cela tu pourras penser. Si tu as besoin d’air, inspire profondément et tu te renouvelleras. Peu importe qui t’a donné le pain, c’est le résultat qui importe. Il en est de même pour tout enseignement  : peu importe d’où te vient une vérité, l’important est qu’elle soit divine et qu’elle insuffle de la vie en toi. Lorsque je parle des philosophes et des érudits, je veux savoir une chose : est-ce qu’ils apportent ou non ce pain qui maintient la vie.

Renoncez aux vieux sacs qui vous rendent mécontents. J’observe ce qui rend les gens mécontents : si je donne un morceau de pain à quelqu’un, son voisin le regarde aussitôt avec mécontentement et dit : « Tu lui as donné un plus grand morceau de pain qu’à moi, tu as rempli son sac ». Mon ami, tu fais erreur, je ne mets de pain dans le sac de personne ; ce que je donne doit être mangé tout de suite, je n’assure personne, je ne m’assure pas moi-même non plus.

J’ai croisé un pauvre un jour : il demandait de l’aide ; je lui ai donné ce que j’ai pu. Je l’ai croisé de nouveau le lendemain, il demandait encore de l’aide. « Qu’as-tu fait de l’argent d’hier ? – Je l’ai bu. – Si c’est comme ça, viens avec moi dans une auberge, on va se restaurer. »

Il ne faut pas s’assurer pour le lendemain. Un mendiant prend le morceau de pain que je lui donne, mais il n’est pas content, il en demande davantage. Je lui dis : « Mange le pain et vois le résultat que cela produira en toi, s’il insuffle quelque chose de bon en toi, ce pain est bon et donné avec amour ».

Acceptez l’enseignement que je prône aujourd’hui, et lorsque vous rentrerez chez vous, ayez le désir de bien vivre avec tous vos frères et amis ; c’est cela chercher Dieu en soi et non pas à l’extérieur. Il n’existe nulle part un Dieu tel que vous Le cherchez. Où est Dieu ? On ne peut pas répondre à cette question, c’est comme demander où est le soleil. Ne demande pas où est le soleil, mais expose ton dos à sa lumière et à sa chaleur et tu comprendras où il est et ce qu’il représente. Le soleil qui donne de la chaleur et de la lumière est le chemin qui mène au Dieu de l’amour. Il élève les humains, les unit et les ressuscite ; en dehors de lui on ne peut pas trouver Dieu.

Vous dites : « Si les bolchéviques viennent, ils terrasseront la religion, ils se débarrasseront de Dieu ». Ce ne sera que la manifestation de ce Seigneur en lequel vous croyez ! Vous parlez sur le Seigneur depuis deux mille ans, mais Il n’a pas encore redressé le monde. Pourquoi ? Parce que vous parlez du Seigneur, mais vous vénérez les humains, vous vénérez tel érudit, tel philosophe. À bas les systèmes philosophiques qui éloignent les humains de la vérité ! Je suis saturé de ces systèmes philosophiques. Vous aussi, vous en êtes saturés, je le vois sur vos visages, je vois le mécontentement, il est visible. Qui parmi vous est content de sa philosophie, qui parmi vous a appliqué un enseignement et s’est déclaré content de lui ? Si on trouve un tel homme, je m’assiérai à ses pieds pour écouter quel est son enseignement et comment il l’a appliqué. Il y a tellement d’années que je prône cet enseignement auprès des habitants de Sofia, mais personne encore n’a tenté de l’appliquer. Certains m’écoutent, hochent la tête et disent : « Nous sommes de grands pécheurs ». Je ne cherche pas à régler de vieux comptes, je dis à chacun : sème ! Ce que tu sèmeras cette année, sortira de terre ! Sème du blé, du maïs, du seigle, des haricots ; ce que vous sèmerez vous sera profitable sur le plan physique comme sur le plan spirituel ; le blé, le maïs, le seigle, les haricots sont des symboles. Vous direz que vous savez ce qu’ils représentent. Vous le savez, mes amis, vous le savez tous, il n’y a personne qui ne sache ce qu’est le blé, le maïs, les haricots et ainsi de suite. Beaucoup pensent qu’ils savent tout, alors qu’ils ne savent que très peu ; beaucoup pensent qu’ils sont assurés, alors qu’ils ne le sont pas.

Je suis allé il y a des années de cela au monastère de Rila. Après la visite, on m’a fait entrer dans une pièce pour voir les crânes de quelques moines qui y avaient vécu. J’ai voulu les examiner car je peux lire en eux. Je les ai regardés et j’ai demandé qu’on me donne une bougie. Lorsque j’ai éclairé tous les crânes, je suis arrivé au dernier ; à peine avais-je posé la bougie dans le crâne qu’elle s’est éteinte. Je me suis adressé en pensée à l’esprit de celui dont c’était le crâne et je lui ai dit : « Mon ami, n’aie crainte, ce que je lirai, je le garderai pour moi, je ne dirai à personne ce que j’ai lu ; tu as vécu jadis sur terre, mais aujourd’hui encore tu as peur que soit dévoilée ta vie passée ; n’aie crainte, mais redresse-toi, car la prochaine fois que tu seras sur terre tu ne seras pas meilleur que par le passé ». Le moine qui m’accompagnait m’a demandé : « Que dis-tu à ce crâne ? » – De toutes les façons, vous ne croirez pas ce que je vous dirai, pour vous celui qui parle aux crânes des humains a l’esprit dérangé. Je suis dérangé d’esprit, mais que direz-vous de celui qui cherche à récupérer son argent depuis des milliers d’années ? Ne cherche pas tes débiteurs du passé, ni ceux du présent, pardonne à tes débiteurs ! N’est-ce pas une dette de défunts ? On juge quelqu’un sans se douter que sa culpabilité remonte au passé lointain : ils ne voient aujourd’hui que les conséquences de son crime, et pourtant ils le jugent, et ce sont des gens intelligents qui font cela !

J’ai continué ma conversation avec le crâne. Le moine dont c’était le crâne m’a demandé : « Que fais-tu ? – Un examen. – Pourquoi ? – On me demande des renseignements sur toi. – On peut m’emprisonner. – Non, je ferai tout pour que ta condamnation soit uniquement avec sursis. » Il s’est apaisé. J’ai mis une deuxième fois la bougie dans le crâne, et cette fois, elle ne s’est pas éteinte, il a dit qu’il me faisait confiance.

Aujourd’hui le Christ descend sur terre avec une bougie allumée pour chercher de vrais hommes. C’est ce qu’avait fait l’un des philosophes grecs, Diogène : il a allumé une bougie et il a marché dans la cité. Tout le monde l’a interrogé : « Pourquoi as-tu allumé cette bougie, que cherches-tu ? – Des hommes. – Ne vois-tu pas que le monde en regorge ? – Je cherche de vrais hommes ! »

Le Christ aussi a posé la question : « Lorsque le Fils de l’Homme viendra une seconde fois sur terre, trouvera-t-il assez de foi, trouvera-t-il des gens qui accepteront son Enseignement ? »[3] Je demande s’ils vont de nouveau l’abandonner comme il y a deux mille ans ; doivent-ils encore dire : j’abandonne, je ne peux pas souffrir pour toi ! Le Christ dit : « Celui qui ne renonce pas à son père et à sa mère et ne me suit pas, n’est pas digne de moi ».[4] Je rajoute quelque chose à ce verset : « Celui qui accueille son père et sa mère, son frère et sa sœur dans sa maison avec amour, est digne de moi ». Cela contraste avec le premier verset : l’un est à la forme négative, l’autre, à la forme positive. L’enseignement du Christ s’assimile dans les deux formes : négative et positive.

Quelle conclusion donnerons-nous à cette causerie ? Il vaut mieux terminer sans faire de conclusion.

Sofia, 13 avril 1919

Traduit par Bojidar Borissov


[2] « Malheureux êtes-vous, scribes et Pharisiens hypocrites, vous qui ressemblez à des sépulcres blanchis : au dehors ils ont belle apparence, mais au-dedans ils sont pleins d'ossements de morts et d’impuretés de toutes sortes. Ainsi de vous : au dehors vous offrez aux hommes l’apparence de justes, alors qu’au dedans vous êtes remplis d'hypocrisie et d'iniquité. » (Matthieu 23, 27-28)

Link to comment
Share on other sites

 Share

×
×
  • Create New...