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Un groupe de Français en Bulgarie en 1939


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UN GROUPE DE FRANÇAIS EN BULGARIE EN 1939

 

Quelques Français réalisèrent en été 1939, juste avant le début de la guerre, le projet qu’ils avaient formé d’aller en Bulgarie afin de rencontrer le Maitre P. Deunov et de prendre contact avec les disciples de Bulgarie. Ils connaissaient l’existence du Maitre depuis un ou deux ans. Un Suisse, vivant alors à Paris, et qui avait été du voyage, écrivit à des amis, en novembre 1939, la lettre suivante qui constitue un témoignage émouvant, car on le verra c'est un « premier jet » оù l’émotion, la ferveur, l‘enthousiasme, dispensent de tout commentaire.

Lausanne, le 19 novembre 1939

Chers amis,

J’avoue que je ne sais trop comment m’y prendre pour vous écrire. Depuis que vous avez quitté Paris, des évènements ont profondément marqué notre vie. La seule chose qui compte maintenant pour nous, vous le devinez, c’est la Fraternité, c’est le Maitre, c’est Rila, c’est Izgrev.

II faudrait sans doute que nous puissions vous parler très longuement, de vive voix, de ce que nous avons vécu à Izgrev et à Rila pour vous faire entrevoir qui est véritablement le Maitre, ce qu’est la Fraternité.

Ce que nous avons trouvé à Rila et à Izgrev a dépassé notre attente. II y a là-bas comme l’aube d’une nouvelle humanité ; il y a là-bas un Maitre qui est un très grand Maitre, dont le nom doit être prononcé avec respect.

Vous m’avez laissé entendre dans votre dernière lettre que ce que j’éprouvais pouvait être une sorte d’estime ou d’admiration intellectuelle pour le Maitre. II n’y a en vérité absolument rien de tout cela. Le Maitre est un Maitre spirituel, son enseignement est entièrement christique.

Faut-il essayer de vous raconter ce que nous avons vécu là-bas ? II faudrait un livre entier et je dois le faire en quelques pages...

D’abord, quelques mots sur le voyage qui devait être marqué par de multiples incidents matériels. Nous avions une quantité énorme de bagages (nous étions 18) ; nous devions vivre 8 jours à Izgrev, tout près de Sofia, sous un climat comparable à celui de Nice, puis 15 jours à 2 200 mètres d’altitude, à Rila, avec une température nocturne parfois voisine de zéro. À Rila, nous devions vivre en camping, sous des tentes individuelles, chose nouvelle pour 17 d’entre nous ! Cette vie sous deux climats différents exigeait des bagages assez compliqués, surtout dans l’optique de gens aussi inexpérimentés que nous. En plus de nos bagages, nous avions quatre gros colis, et une grande tente pliée (cadeau des Français au Maitre). Nous avions enfin des appareils très lourds pour l’enregistrement des disques de gramophone. Cela faisait en tout plus de 60 gros bagages qu’il était impossible de faire tenir dans trois compartiments, et qui encombraient et obstruaient le couloir du wagon. En plus de cela, il a fallu faire plusieurs transbordements et passer plusieurs fois la douane. Le voyage avait été fort mal organisé par une agence ; nous étions physiquement erreintés. J’ai même entendu un participant murmurer (nous n’étions qu’à Milan) « si j’avais su que c’était ça, je ne serais jamais parti !» Deux jours après, il pleurait de joie et d’émotion tant l’accueil qui nous fut fait à Izgrev était émouvant.

Un frère de là-bas nous attendait à la frontière bulgare, de sorte que les dernières opérations de douane passèrent inaperçues, de même que les formalités pour l’introduction de devises qui nous causaient quelques inquiétudes.

Puis ce fut l’arrivée à Sofia où une vingtaine de Frères nous accueillirent à la gare et nous délivrèrent du souci de nos multiples et encombrants bagages. On nous conduisit immédiatement dans un grand établissement de bains, au centre de Sofia, ou nous avons pu nous remettre de la fatigue et de la poussière de trois jours et trois nuits de chemin de fer.

En autobus, à peine à 20 minutes du centre ville, nous avons gagné Izgrev (soleil levant) un beau parc naturel avec quelques maisonnettes blanches posées sur la verdure. Ce fut donc là notre premier contact avec cet Izgrev dont on nous avait parlé.

La plus grande partie de la Fraternité se trouvant à Rila en été, une cinquantaine seulement de frères et soeurs purent nous accueillir à Izgrev. Mais ce premier accueil devait déjà produire une profonde impression sur nous tous. Ces quelque cinquante « ambassadeurs » de la Fraternité étaient groupés à l’entrée et, en guise de bienvenue, ils chantèrent d’une seule voix magnifique des chants composés par le Maitre. Cet accueil était beau et émouvant par sa simplicité. Mais ce qui nous a le plus surpris, c’est de remarquer sur plusieurs visages une expression, un rayonnement, un regard surtout, qui n’appartiennent qu’aux êtres spirituellement très développés, à ceux qui ne vivent pas la vie des gens ordinaires.

Nous fumes évidemment logés chez ceux qui pouvaient nous recevoir, et nous avons su que plusieurs d’entre eux avaient quitté leur chambre pour aller s’installer dans un grenier, voire dans une cave. Le soir, nous avions pris notre premier repas bulgare, ou plutôt notre premier repas de la Fraternité. La frugalité de la nourriture des membres de la Fraternité a été aussi pour nous un étonnement. Mais quelle saveur dans cette frugalité. Une soupe épaisse de légumes, assez épicée, avec de l’ail, deux tranches de pain ; parfois il y avait de la pastèque et du fromage comme dessert, et c’est tout. On pourrait les croire sous-alimentés, et pourtant quelle endurance et quelle robustesse, chez les vieux comme chez les jeunes.

Après le repas du soir, c’est-à-dire à peine débarqués du train, on a tenu à nous offrir de la musique. Beaucoup parmi les frères de là-bas sont des musiciens, et plusieurs sont des musiciens de premier ordre ; ils vivent dans les chants et la musique du matin au soir (en période de vacances, bien entendu). Le Maitre joue lui-même du violon et du piano ; il a composé d’admirables chants, ainsi que toute la musique de la paneurythmie.

Le lendemain, à 6 heures du matin, nous étions déjà tous réunis pour la paneurythmie. À Paris, nous en avions déjà exécuté quelques mouvements, mais nous n’avions pas senti toute la puissance et la beauté de cette paneurythmie. Mais dès ce premier matin à Izgrev, nous fumes tous saisis par l’inexprimable action bienfaisante de ces mouvements, par la beauté noble des gestes et de la musique. Sur le plan purement rythmique, ces mouvements sont déjà admirables ; quand on connait leur sens profond, on ressent encore plus que de l’admiration. L’être, dans son expression extérieure comme dans sa réalité intérieure, se hausse à un niveau esthétique, à une qualité d’harmonie inconnue jusqu’à ce jour de la plupart d’entre nous, je le suppose ; inconnus de moi certainement. Au hasard, le nom de quelques mouvements nous revient sous la plume : éveil, purification, vaincre, élévation, beauté, faire connaissance, tisser, sauter, la joie de la terre, etc.

Il y a 28 mouvements ; le tout dure quarante à cinquante minutes. À Izgrev, lors de notre première participation, il n’y avait qu’un petit orchestre de quatre musiciens, tous les autres étant à Rila. Parfois, c’est presque un orchestre symphonique qui joue avec vingt à trente musiciens.

Avant la paneurythmie, j’oubliais de vous le dire, nous avions fait les six exercices de gymnastiques, déjà connus de nos amis parisiens.

Mais notre premier contact avec Izgrev devait être bref; le surlendemain de notre arrivée, dans la nuit (à 2 heures du matin) nous devions partir pour Rila. La veille au soir, des soeurs étaient venues coudre de grosses toiles autour de nos valises, le transport devant s’effectuer avec des mulets pendant une grande partie du chemin.

Donc départ dans la nuit; trois heures d’autocar à travers une campagne aride. Puis, en s’élevant un peu, on trouve des paysages où la végétation devient de plus en plus abondante, des paysages du Jura. II faut alors mettre pied à terre et commencer l’ascension de Rila, à 2 200 m d’altitude. II y a sept heures de marche ; les moins entrainés arrivèrent sans trop de peine au but; l’attente du moment où nous verrions enfin le Maitre donnait des forces à tous.

Des frères étaient d’ailleurs descendus jusqu’à mi-chemin, portant un gros chaudron ; on nous fit de l’eau chaude, la fameuse eau chaude (« topla voda »), fameuse comme les six exercices, véritable panacée (universelle ! bien sur et aussi fraternelle).

Puis, alors que nous approchions du but, d’autres frères et soeurs venaient à notre rencontre, les plus jeunes ou les plus courageux, ceux qui n’avaient pas peur de refaire la partie la plus raide de la montée pour le simple plaisir de nous accompagner. Au fur et à mesure que nous approchions, d’autres venaient à notre rencontre, de sorte que peu avant l’arrivée nous formions un cortège de plus de 200 personnes. Chaque fois qu’un groupe nous rejoignait, c’était en chantant un très beau chant d’accueil, que nous reprenions tous en choeur, et qui retentissait dans toute la montagne. Cet accueil était émouvant ; nous étions émus, d’abord parce que l’accueil était empreint d’une joie profonde et naturelle visible sur tous les visages, ensuite parce que nous sentions que nous approchions, que nous prenions contact avec des êtres spirituellement plus avancés que nous. Eux aussi étaient émus sans doute, parce que c’était la première fois qu’un groupe déjà important faisait un si long voyage pour venir saluer leur Maitre. Puis се fut l’arrivée sur l’emplacement même du camp, où des chants nous accueillirent. Mais la toute dernière étape n’était pas franchie; on nous rassembla rapidement, et on nous conduisit vers la tente du Maitre. Cette tente domine le camp. II faut encore grimper cinq minutes de pente raide pour y parvenir. Malgré la fatigue et l’essoufflement, c’est ce dernier effort qui nous coute le moins. Le Maitre était debout devant sa tente ; nous nous sommes rapprochés les uns après les autres pour le saluer. Les frères bulgares nous entouraient et chantaient. L’émotion était intense ; beaucoup pleuraient, ceux qui ne pleuraient pas faisaient de grands efforts pour retenir leurs larmes, larmes de joie comme je crois qu’il n’est pas souvent donné aux hommes d’en avoir.

Le Maitre prononça quelques paroles très simples sur l’amour, que l’on nous traduisait au fur et à mesure.

Je me refuse à essayer de décrire l’impression que nous a faite la personnalité du Maitre. Tout ce que je peux dire, c’est que pour nous tous, ce premier contact avec lui, là haut sur la montagne, est une minute qui marquera un tournant de notre existence.

Le soir, il fallut faire nos premières expériences de camping. Toutes nos tentes avaient déjà été montées par nos hôtes, mais il fallut s’y installer ; il n’y avait qu’un petit couloir de 20 cm entre les paillasses ; c’est toute la place dont on dispose pour circuler et loger les valises ; problème ardu !

Le lendemain, à 4 h 30, il fait encore nuit ; une petite sonnerie de clairon nous réveille. Presque à tâtons, à la lueur d’une chandelle ou de lampes électriques, nous nous habillons rapidement. Nous emportons des couvertures, car il fait assez froid, et nous montons au pic de la prière, encore engourdis de sommeil. Face au levant, nous nous asseyons, serrés les uns contre les autres, car la montagne est abrupte, nous sommes nombreux et le replat sur lequel nous sommes n’est pas large. On prie et on médite quelques instants. Le Maitre arrive ; nous nous levons pour le saluer. Puis, lorsque les premiers rayons du soleil paraissent, un magnifique chant s’élève : « Esprit de Dieu, Esprit ineffable... » chante à mi-voix, comme une prière ; ensuite un autre chant, d’après l’Évangile de Saint Jean : « Au commencement était la Parole, et la Parole était Dieu »...

Ensuite, le Maitre parle, et ce qu’il dit est traduit phrase par phrase, et plusieurs d’entre nous prennent immédiatement cela en note. Toutes les conférences, leçons et entretiens du Maitre sont ainsi sténographiés et imprimées dans un délai très court.

Après la prière, nous redescendons, nous repassons par le campement et nous allons sur un grand terrain plat, près du deuxième lac, où nous faisons la paneurythmie. II doit être entre 7 et 8 heures et le soleil commence à nous réchauffer. Nous sommes dans un décor féerique de montagnes, près d’un petit lac aux eaux transparentes, et nous faisons cette admirable paneurythmie. II y a vraiment là de quoi ravir à la fois le coeur et l’âme d’un musicien, d’un artiste, d’un amoureux de la nature et d’un spiritualiste.

II n’est pas loin de 9 heures et nous avons l’estomac dans les talons ; nous retournons au camp et chacun dans sa tente prépare son petit déjeuner. Apres quoi, le reste de la matinée est consacre à de multiples besognes : toilette, douche chaude ou froide, arrangement de la tente, achat de provisions, corvée de bois pour la cuisine, préparation du repas de midi, copie des conférences, entretiens particuliers avec le Maitre, etc.

Le repas de midi se prend en commun ; le Maitre est au milieu de nous, à une petite table. Dès la fin du repas, il y a des chants que tous nous chantons en choeur ou des exécutions musicales par d’excellents solistes.

S’il ne fait pas trop chaud sous les tentes, on peut faire une petite sieste, sinon, il vaut mieux aller en ballade. On peut escalader différents petits sommets d’où la vue sur les sept lacs de Rila est magnifique.

Le soir, repas individuel sous les tentes, puis réunion autour d’un grand feu de bois, où l’on fait la veillée, toujours au milieu des chants et de la musique.

On va se coucher littéralement fourbu ; on déploie une telle activité physique de 6 heures du matin à 10 heures du soir que c’est vraiment du grand sport qu’un séjour à Rila.

Aussi, malgré la dureté des paillasses, le sommeil est-il profond.

Nous n’avons pu, malheureusement, vivre que huit jours à peine de cette vie merveilleuse. J’étais parmi les quatre personnes qui ont dû descendre avant les autres à Izgrev pour s’occuper de l’enregistrement sur disque de la paneurythmie, de quelques chants et de divers morceaux du folklore bulgare.

Quelques jours après, tout le camps de Rila nous rejoignait. Le Congrès annuel se tient toujours à cette époque et amène à Izgrev beaucoup de monde de toute la Bulgarie, de sorte que les lieux souffraient vraiment de surpeuplement!

Mais le moment du retour en France approchait. Notre départ de Sofia fut indescriptible.

Entre deux cents et trois cents personnes nous accompagnaient à la gare en chantant tout le long du trajet, en plein centre de Sofia, occupant plusieurs rames de tramway. À la gare, nous sommes montés dans notre wagon les bras chargés de fleurs et de cadeaux, jusqu’à des pots de confiture et un gros récipient rempli d’aubergines frites !

Nous vivons maintenant dans l’intense souvenir de tout ce que nous avons vécu en si peu de jours. II y avait tant de choses nouvelles pour nous là-bas, que nous en avons été fortement secoués. Ce n’est que maintenant que nous réalisons, en profondeur, le splendide message christique que nous apportent les enseignements du Maitre ; ce n’est que maintenant que le travail spirituel se fait, maintenant que Rila et Izgrev portent leurs fruits.

Nous nous demandons souvent pourquoi nous plutôt que d’autres avons eu le bonheur immense de vivre ce que nous avons vécu là bas.

Sans doute parce que nous devions être parmi les premiers à essayer de transmettre à d’autres ce que nous a apporté ce « quelque chose » de nouveau que nous avons découvert et ressenti en ces instants brefs mais intenses vécus lors de la rencontre du Maitre et de ses disciples dans un cadre et des conditions inoubliables.

R.F.

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