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1919_11_30 Et il s’en alla et se mit au service


Ani
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Et il s’en alla et se mit au service

« Alors il s'en alla et se mit au service d'un des habitants du pays

qui l'envoya dans ses possessions pour paître les pourceaux. »[1]

Luc 15 :15

         Les mots importants ici sont aller et se mettre au service. On dit : ils vont sur le champ de bataille pour combattre ; ils vont pour gagner de l’argent ; ils vont pour acquérir des connaissances, pour labourer les champs, etc. Aller et se mettre au service : qui se met au service de qui ? La jeune fille se met au service du jeune homme pour une longue période, le domestique se met au service de son maître pour une courte durée, tout au plus un ou deux ans.

         « Alors, il s'en alla et se mit au service d'un des habitants du pays. » Quel est ce pays ? Celui qui est allé se mettre au service était jeune et capable, le fils d’un père fortuné. Au lieu de commencer avec la science de l’addition dans le foyer paternel, ce fils a dit à son père : « Papa, donne-moi la part à laquelle j’ai droit. » Il voulait donc la division ; il a commencé par l’ultime opération de l’arithmétique : la division. Et le père, conformément au désir du fils, a commencé par la même opération. Le jeune homme est allé dans un pays étranger pour appliquer la multiplication. Laquelle ? Il multiplie ses amis, il multiplie les festins et gaspille son argent à festoyer jour et nuit. Quel a été le résultat sur sa vie pour avoir commencé par la multiplication et la division ? Il a bu et mangé toute sa fortune et a été contraint de « s’en aller et se mettre au service d’un habitant de ce pays qui l’a envoyé paître des pourceaux ». De plus, le fils de ce notable était juif ! Il n’y a pas de plus grand déshonneur pour un juif que de paître des pourceaux. Qu’est-ce que le métier de porcher lui a appris ? À labourer le sol. Avec son groin le cochon laboure le sol. C’est ainsi qu’agissent certaines jeunes filles en se mariant ; lorsque leur mari va labourer le champ, elles le suivent : sillon après sillon le champ finit par être complètement labouré. En observant son mari et son beau-père, la jeune fille apprend aussi ce métier. Si elle l’apprend en peu de temps, tous disent que c’est une femme intelligente. Mais le fils du notable a commencé à travailler à l’envers : d’abord à paître des pourceaux ; puis à labourer le sol, ensuite il a appris à ensemencer les champs et enfin il est retourné chez son père.

         Nos contemporains tout comme ce jeune homme étudient les quatre opérations arithmétiques et progressent ensuite dans l’algèbre où ils sont confrontés à des grandeurs qui croissent pour les unes et décroissent pour les autres. Quelles grandeurs peuvent croître et décroître ? Les grandeurs vivantes. Elles sont inconnues à l’homme qui de ce fait y aspire. Il avance ainsi dans le pays du plaisir et de la gaîté qui le conduisent au déclin, c’est-à-dire au métier de porcher. C’est un symbole des désirs inférieurs de l’âme humaine. Celui qui fait paître ses désirs inférieurs se rabaisse tout seul, et s’il s’introduit dans une société de personnes intelligentes, c’est la pagaille. On dit d’un tel individu qu’il est infortuné car il a commencé par la division et travaille avec le principe inférieur en lui.

         Le premier chapitre de la Genèse traite de la création du monde. « Et Dieu dit : Qu'il y ait une étendue entre les eaux, et qu'elle sépare les eaux d'avec les eaux. Et cela fut ainsi. » On voit ici que Dieu a commencé la création du monde par l’addition. Le premier homme a été aussi créé grâce à l’addition. Lorsque cela a été le tour de la femme, Dieu a appliqué la soustraction : Il a endormi l’homme et lui a pris une côte avec laquelle Il a créé la femme. Lorsqu’on soustrait quelque chose à une grandeur, elle diminue. Cette diminution montre que le mouvement s’effectue dans un sens opposé. Nous tirons la conclusion que le fils cadet qui a voulu quitter la maison paternelle a commencé par la soustraction, c’est-à-dire par la réduction et par un mouvement opposé à celui de l’addition. 

         En étudiant les différentes opérations mathématiques, nous arrivons aux grandeurs constantes ou changeantes (ou encore transitoires). Seul Dieu est une grandeur constante et toutes les autres grandeurs, humains, animaux, plantes, minéraux changent, c’est-à-dire croissent ou décroissent constamment. Le développement de l’homme et de toutes les créatures vivantes est dû précisément à ces processus. Le jeune homme a quitté son père dans le but d’explorer le vaste monde où les grandeurs croissent et décroissent. Son élan est bon, mais son erreur a été d’entrer dans le monde du plaisir et non du travail. Beaucoup de fils de notables choisissent le même chemin : ils cherchent des compagnons de festins et de beuveries, de loisirs et de divertissements, et lorsqu’ils ont tout perdu ils reviennent à la maison en haillons, faibles et impuissants, en disant : « Nous avons tout perdu, mais au moins nous avons acquis de la culture. » Ils font fausse route, ce qu’ils ont acquis c’est la culture de la perversion, le côté inférieur de la vie.

         « Alors il s'en alla et se mit au service d'un des habitants du pays. » Qui est cet habitant ? Le seigneur de ce pays : l’intelligence primitive ou le mental inférieur. Lorsqu’il s’est trouvé en mauvaise posture, le jeune homme s’est tourné vers cet habitant pour lui demander conseil, et ce dernier lui a conseillé de voler, de se quereller avec les autres, de se battre. Il lui disait : « Ne crains pas les autres, ils sont aussi comme toi. – J’ai des ennemis. – N’aie pas peur d’eux, sème la discorde parmi eux et ils vont se battre entre eux. – Ils vont me fendre le crâne ! – Ils vont te fendre le crâne, mais les leurs ne resteront pas intacts non plus. »

Celui qui écoute les conseils de cet habitant finira forcément mal. Lorsqu’il entre dans une famille où l’homme et la femme vivent bien, il les influence par ses conseils et ils finissent par se séparer. Il s’adresse d’abord au mari : « Pourquoi te laisser faire par ta femme, tu n’as aucun amour-propre, tu as perdu toute dignité ». Alors le mari commence à tout imposer à sa femme, il veut que seule sa parole soit écoutée. Puis l’habitant se tourne vers la femme : « C’est curieux que tu supportes encore ce rustre ? Tu es aussi une créature de Dieu, tu as droit à la liberté, montre-lui que tu n’es pas un jouet entre ses mains ». La femme se met alors à opposer de la résistance à son mari. Les deux sont mécontents l’un de l’autre, chacun cherche à obtenir réparation, chacun réclame son dû : ils prennent chacun leur part et partent dans le vaste monde. On crée ainsi la nouvelle liberté, c’est-à-dire l’émancipation de l’homme et de la femme : l’homme se considère libre et la femme gagne aussi sa liberté. Vers qui cette liberté est-elle dirigée ? L’homme veut s’émanciper de la femme, et la femme de l’homme. En réalité, ce n’est pas cette liberté à laquelle aspire l’âme ; l’âme aspire à la liberté intérieure, raisonnable, consciente.

Qu’est-ce qu’on obtient lorsqu’on écoute les conseils de cet habitant ? C’est intéressant de noter qu’il ne laisse pas le jeune homme être son serviteur dans sa maison, mais qu’il l’envoie paître ses pourceaux dans les champs. Quelle est l’idée exprimée par le Christ dans ce verset, pourquoi le maître a-t-il agi de la sorte envers le jeune homme ? À cause de son mécontentement de la vie : le jeune homme n’était content ni de la vie ni de son père, il pensait qu’on pouvait vivre autrement, c’est pour cela qu’il a demandé sa part pour partir dans le vaste monde. Ce monde a un rapport aux mathématiques, aux grandeurs inconnues. Pour résoudre ces grandeurs, il faut trouver le sens de leur mouvement, voir si elles croissent ou décroissent. Savez-vous à quoi sont égales les grandeurs du bien et du mal ? Vous ne le savez pas, mais vous les avez partiellement essayées. On travaille ainsi en mathématiques : pour trouver la valeur d’une inconnue, on prend un nombre aléatoire et on travaille avec lui.

« Et l'envoya dans ses possessions pour paître les pourceaux. » Qu’est-ce qu’il y a de mal à cela ? Ce n’est pas un mal d’aller paître les pourceaux ; le mal, c’est qu’il se soit mis à ce travail après avoir bu et mangé toute sa fortune. Les pourceaux peuvent se passer du porcher ; être porcher est une invention humaine. Lorsqu’Il a créé l’homme, Dieu n’a pas dit qu’il doit paître les pourceaux. Il y a tout de même des pourceaux à faire paître, ce sont les pourceaux qui demeurent en l’homme. Donc être porcher a un rapport non seulement à la vie extérieure, mais aussi à la vie intérieure de l’homme.

Nos contemporains ne voient pas les liens entre la vie extérieure et la vie intérieure, entre leurs pensées, leurs sentiments et leurs actes. De plus ils ne font pas attention à leur direction et à l’orbite de leur mouvement, ce qui cause des échecs dans la vie. En faisant le bilan de leur vie, ils constatent des évènements heureux et malheureux sans chercher à se les expliquer. Par exemple, si un enfant nait un mardi à 9h, il ne vivra pas longtemps. Pourquoi ? Parce que la planète Saturne est ascendante et monte progressivement à l’horizon. Les planètes ont une influence bénéfique ou maléfique, non seulement au moment de la naissance, mais aussi au moment de la conception. Les gens intelligents connaissent ces choses et les respectent à la conception d’un enfant, au commencement de chaque travail important. Le jeune homme dont parle le Christ a quitté le foyer paternel un mardi et c’est pourquoi ses affaires n’allaient pas bien ; il organisait les fêtes et les festins les vendredis, et un samedi il a commencé à paître les pourceaux. Tandis qu’il faisait paître les pourceaux, il se rappelait souvent que le samedi était un jour de repos, ce qui l’affligeait. Alors, il a décidé de revenir auprès de son père pour lui demander pardon.

Le jeune homme, appelé le fils prodigue, représente une phase de la vie humaine. Chacun traverse cette phase dans sa vie lorsqu’il décide de quitter le foyer paternel, d’aller dans un pays lointain et de trouver cet habitant qui l’enverra paître des pourceaux. Est-ce un art d’être porcher ? Non seulement ce n’est pas un art, mais ce n’est ni une science ni un métier. Cela n’éclaire pas le sens de la vie. Celui qui veut trouver du sens à sa vie et trouver son salut doit se tourner vers le christianisme. Si tu fais paître les pourceaux de ton maître, tu dois trouver le Christ pour qu’Il te sauve. Si tu es chez ton père, tu dois trouver un maître qui t’apprenne comment vivre.

Lorsque je parle du fils prodigue je ne vise personne mais j’attire votre attention sur des grandeurs qui croissent et décroissent. Être guidé par les plaisirs, c’est avancer sur le chemin de grandeurs décroissantes. Comment savoir si on a emprunté ce chemin ? Par le résultat de sa vie : si on est agriculteur, nos terres diminueront ; si on est riche, notre argent fondra, si on est une femme, notre visage s’enlaidira, se couvrira de rides ; on ira ensuite chez le résident pour passer à la dernière étape de la vie : être porcher. Enfin, on mourra au mal et aux égarements pour revenir à son Père et commencer une nouvelle vie. Ceux qui ne comprennent pas le cheminement de l’âme humaine ne voient pas ce processus et disent : « Que Dieu ait pitié de son âme, c’était quelqu’un de bien. » Par conséquent, si tu commences à t’enlaidir, n’attends pas de finir porcher, ni d’être enterré, mais commence à réfléchir avec droiture pour résoudre correctement la question. La juste solution de la question consiste à suivre le chemin des grandeurs croissantes ; ces grandeurs sont l’amour, la sagesse, la vérité, la justice et la vertu.

         Combien d’amour est nécessaire à l’homme ? Autant que la roue de son moulin est capable de supporter. Chaque moulin a besoin d’une quantité d’eau bien précise pour déplacer sa roue, si plus d’eau arrivait la roue serait arrachée. Lorsque quelqu’un demande beaucoup d’amour, il doit savoir que l’amour emportera la roue de sa vie. Beaucoup de chrétiens sont prêts à se sacrifier pour le Christ, pour le bien de l’humanité, mais seulement en paroles ; lorsque viennent les épreuves, ils s’enfuient et trouvent que ce travail n’est pas pour eux : ils vont dans un pays étranger ! Alors, celui qui s’enfuit et celui qui le pourchasse vont au même endroit. Où ? De l’autre côté pour paître les pourceaux de leur maître. Donc, la femme prodigue et le fils prodigue meurent. Et malgré cela les gens parlent de vainqueurs et de vaincus : c’est risible de parler de victoire puisque les deux paient de leur vie. Celui qui corrompt la santé, la force, la fortune de l’homme, si essentiels pour sa vie, descend avec lui dans l’abîme ; ceci est l’ancien enseignement de la vie que tout le monde a expérimenté.

         Un nouvel enseignement est nécessaire aux gens, un enseignement de la vie éternelle, un enseignement de l’amour. Le nouvel enseignement exclut les désirs inférieurs, il ne s’occupe pas de grandeurs décroissantes et qui avancent à l’opposé de l’amour. Celui qui s’occupe de ces grandeurs descend dans la matière dense où le cœur, l’intelligence et la volonté se pervertissent. Un tel individu est imperméable à toute éducation. Voilà pourquoi le véritable disciple doit savoir sur quel chemin il avance : celui des grandeurs qui augmentent ou celui des grandeurs qui diminuent. Comment reconnaissez-vous celui qui suit le chemin des grandeurs croissantes ? Le premier signe est que sur le plan physique il est en bonne santé, vif, plein d’énergie pour vivre et travailler.

         On dit de quelqu’un qu’il s’abrutit depuis qu’il est entré dans la vie religieuse. C’est impossible d’entrer dans la vie religieuses et de s’abrutir. Si tu te contentes de porter l’écriteau de cette vie, mais que tu suis le chemin des grandeurs décroissantes, non seulement tu t’abrutis, mais tu perds aussi toute ta fortune. Mais si tu vis sans écriteaux et sur le chemin des grandeurs croissantes, tu te développeras non seulement physiquement, mais aussi spirituellement. Celui qui va à l’opposé de l’amour perd progressivement sa santé, ses forces, son visage pâlit, se creuse et se couvre de rides. Ce n’est pas un mal d’avoir des rides à condition qu’elles soient à leur place pour montrer ce qu’on a appris. Le peintre aussi met des ombres, c’est-à-dire des rides sur sa toile, mais chacune d’elles est à sa place. Le petit enfant aussi dessine, jette des ombres sur sa toile ; la mère se réjouit que son enfant dessine, mais les ombres de son tableau sont des gribouillis, pas des rides ; il veut dire ainsi qu’il vient d’un monde de désordre où il a fait paître des pourceaux et où il n’a rien appris. Malgré cela les parents l’admirent et l’appellent « notre petit ange ».

         Tous les enfants sont des petits anges, mais ils n’ont pas encore d’ailes. Il faut vous poser la question si ce petit ange avance dans le sens des grandeurs croissantes, s’il se fortifie physiquement et spirituellement. Chacun doit connaître le capital dont il dispose dans la vie. « On ne peut pas le savoir. » Comment peux-tu ignorer la somme dont tu disposes dans ta tirelire ? Si tu as deux mille levas et que tu en retires cinq cents, ne sais-tu pas déduire qu’il t’en reste encore mille cinq cents ? Si tu les retires aussi, il restera zéro leva, un rond, une roue qui te permettra difficilement d’avancer. Le mouvement est nécessaire à l’homme, mais en ligne droite, c’est-à-dire dans le sens des grandeurs qui augmentent.

         « Alors il s'en alla et se mit au service d'un des habitants du pays. » Donc, le jeune fils est allé voir l’intelligence primitive qui lui a dit : « Puisque tu n’es pas un fils digne, je t’apprendrai à travailler. » Comme il n’a pas pu apprendre l’art de travailler, le jeune fils a décidé de quitter cet habitant, c’est-à-dire de mourir pour le monde et de retourner chez son père. C’est ce qui arrive à toute personne qui perd sa fortune extérieure et intérieure, qu’il soit religieux ou laïque. Il meurt enfin pour le monde et retourne dans son foyer paternel, c’est-à-dire dans le monde de l’amour.

         La situation du porcher est terrifiante. Le cochon est un animal individualisé à l’extrême ; il aime la vie et est très lié à la terre. Il suffit de le prendre par les pieds pour qu’il s’égosille comme si on l’égorgeait ; dès que vous le reposez à terre, il se calme aussitôt et se remet à grogner tranquillement. Donc, si vous entendez certains crier beaucoup et beaucoup pleurer, sachez qu’ils ne sont pas encore arrivés à la véritable souffrance. La souffrance est un processus intérieur qui n’a rien à voir avec les cris et les pleurs.

         La véritable souffrance est déclenchée par une grande déception. Imaginez qu’un ami pour qui vous avez tout sacrifié vous dénonce aux autorités et qu’on vous emprisonne ; ou bien une mère qui s’est sacrifiée pour ses enfants constate leur ingratitude : ce ne sont pas des souffrances personnelles, mais des déceptions de la vie. C’est terrifiant de vivre une telle déception : on sent le sol se dérober sous ses pieds. Lorsqu’on épuise son énergie intérieure on plonge dans une déception totale, mais si on s’en remet à Dieu on aborde au rivage du salut. Si on n’élève pas son intelligence et son cœur vers Dieu, on se retrouve dans la situation du fils cadet qui a dit à son père : « Papa, donne-moi ma part pour partir dans un pays lointain ».

         Qui est ce fils cadet ? En parlant de lui, le Christ désigne ceux qui n’ont pas de savoir authentique et positif ni de véritable philosophie : ils veulent quitter la vie ordinaire et aller vers celle qui leur fait miroiter quelque chose de nouveau. Pour l’homme intelligent la vie ordinaire porte aussi le nouveau et le sublime. Il sait ce qu’il cherche et dirige son regard vers les grandeurs croissantes. Lorsqu’il va au théâtre, il ne s’attarde pas sur les caractères ordinaires qui avancent en descendant, mais sur les personnages avec une haute moralité, capables de grands exploits. Il sait que les manifestations inférieures s’impriment plus fortement sur le mental des gens que les manifestations sublimes, et pour cette raison il les évite. Pourquoi vous arrêter sur les choses fictives, irréelles ? Les choses ordinaires dans la vie sont transitoires et factices alors que les choses extraordinaires sont robustes et immuables ; ce qui est ordinaire est l’œuvre des humains et ce qui est extraordinaire est l’œuvre de Dieu.

         Un étudiant américain a décidé de tester les connaissances d’un de ses professeurs d’histoire naturelle, grand expert en entomologie. Il a ramassé des parties de différents insectes : une tête, une aile, une patte, un abdomen et il a constitué un nouvel insecte, puis il l’a montré à son professeur pour avoir son avis. Celui-ci a examiné attentivement le nouvel insecte et a dit à l’étudiant : « Jeune homme, cet insecte est un humbug[2], autrement dit, une œuvre humaine. »

         Beaucoup d’écrivains reconstituent des bouts de manifestations, d’expressions diverses et disent : « Lisez cela, c’est de l’amour. » Oui, c’est de l’amour, mais de l’amour humain, ramassé à différents endroits. Il n’y a pas un écrivain dans le monde qui ait décrit l’amour dans ses véritables manifestations. Tolstoï a en partie décrit l’amour, mais il n’a pas non plus traduit sa véritable expression, il manque aussi quelque chose à son amour. Certains auteurs présentent le héros et l’héroïne comme des personnages idéaux, mais ils ne manifestent pas non plus un véritable héroïsme. Le véritable héros est celui qui peut sacrifier sa vie du début à la fin, pour une idée. Il y a des quantités de héros ordinaires, mais ils font preuve d’héroïsme seulement quelques fois, on les appelle des héros « décimaux » et non pas des héros entiers. Être héroïque par moments, ce n’est pas un héroïsme véritable. Si tu es héroïque, sois le à tout instant de ta vie et avance dans le sens des grandeurs croissantes. Si tu changes de direction et que tu t’en vas dans le sens des grandeurs décroissantes, tu t’exposes tout seul aux épreuves et aux souffrances, jour après jour ton organisme dépérira, ton visage se creusera de rides et tu chercheras des médecins pour t’aider. En quoi consiste l’aide du médecin ? À montrer au malade le chemin des grandeurs croissantes.

         Si vous entendez quelqu’un dire que la vie lui pèse et qu’il ne supporte plus personne, c’est qu’il va en sens inverse, comme les grandeurs décroissantes. Retourne-toi et reprends la bonne direction de la vie où les grandeurs croissent, tu apprendras ainsi à distinguer ce qui t’appartient de ce qui ne t’appartient pas, et à ne pas subir d’influences extérieures ; tu analyseras chacune de tes pensées, de tes sentiments et de tes actions. Extérieurement, l’individu est un atome indépendant et libre, mais intérieurement c’est un être collectif avec beaucoup d’avis, proches ou lointains du sien. Savez-vous combien d’actions sont investies dans une société ou une collectivité ? Un homme dit qu’il ne comprend pas sa femme et qu’il ne s’entend pas avec elle ; la femme dit la même chose de lui. C’est normal, tous deux sont des sociétés avec beaucoup d’associés. Sachant cela, ne vous découragez pas ; si vous ne pouvez pas vous entendre avec l’un des associés, vous y parviendrez avec un autre, il se trouvera toujours quelqu’un parmi eux qui soit sensé et qui puisse vous aider. C’est ainsi qu’on s’encourage et qu’on va de l’avant. L’objectif de la société est de s’enrichir, de faire fructifier son capital et de le protéger, donc tous les associés doivent s’entendre et être unis.

         « Alors il s'en alla, et se mit au service d'un des habitants du pays. » C’est le chemin de l’âme humaine qui descend sur terre pour s’instruire. Le père trouve légitime le désir de son fils et lui cède sa part en disant : « Bon vent, mon fils, va dans le pays qui t’attire pour acquérir ce que tu désires. » Le père est noble, il laisse son fils libre. En se voyant seul et sans surveillance le fils se montre dispendieux. C’est bien de se montrer parfois généreux et peu regardant, mais il faut parfois se montrer économe. L’agriculteur prend le boisseau et jette le grain dans le champ labouré : ce mouvement est à sa place, mais sur le sol non labouré cet acte n’a pas de sens. Si le vigneron se rend dans la vigne et taille les sarments dans les règles de l’art, ce travail est à sa place ; s’il ne s’y rend pas au bon moment et s’il taille les boutons n’importe comment, son travail, quel que soit son élan, abîme la vigne.

         Un prêtre a dit à son domestique : « Stoyan, peux-tu tailler la vigne ? – Je peux, monsieur le curé. – Si c’est ainsi, vas-y et taille le bois inutile. »

Stoyan s’est rendu à la vigne et en est revenu très content d’avoir pu accomplir seul un travail. Le prêtre lui a demandé : « Stoyan, est-ce que la vigne pleure ? – Elle pleure, monsieur le curé. Lorsque tu la verras, tu pleureras aussi. »

C’est ainsi que font les religieux et les laïques : quand ils ne savent pas comment faire un travail, ils prennent le couteau et coupent tout sans discernement. S’ils voient la vigne pleurer, ils disent : « Je lui ai donné une bonne leçon, qu’elle ne se prenne pas pour quelqu’un d’important. » Ils coupent les sarments de sorte que les passants pleurent la vigne.

« Qui l'envoya dans ses possessions pour paître les pourceaux ». C’est ainsi que le fils cadet a appris sa première leçon sur le labeur. Il a vu en même temps avec quelle difficulté les cochons trouvent leur nourriture ; ils doivent longtemps labourer le sol avant de manger à leur faim. Il y a chez les humains des désirs inférieurs qui les accablent ; ces désirs ne sont pas mal intentionnés à leur égard, mais les conduisent à une vie très individualisée qui n’a rien à voir avec la vie humaine ; pour ne pas rester seul, l’individu cède à ses penchants inférieurs et se met à leur service. « Ne peut-on pas vivre seul ? » Non. Si vous laissez la personne la plus douée seule ou parmi des gens qui ne la comprennent pas, son don se tarira par manque de conditions d’expression de ce don. Donc, le fils cadet se voyant dans des conditions défavorables (sous l’emprise de l’égoïsme où on creuse le sol du matin au soir pour chercher sa pitance), a décidé de revenir auprès de son père. Que fait le cochon lorsqu’il trouve quelque chose à manger ? Il commence à grogner et les autres cochons se rassemblent autour de lui. C’est bien pour les cochons, mais pour le jeune homme ? Voici un problème à trois inconnues : l’une est le père, la deuxième est le fils aîné, la troisième le fils cadet.

On parle maintenant du fils cadet qui ne comprenait pas la vie et avançait dans le sens des grandeurs décroissantes. D’ailleurs, avec quel étalon mesure-t-on les grandeurs en général ? Lorsque vous mesurez l’infiniment petit, vous vous servez de microscope ; lorsque vous mesurez l’infiniment grand, vous vous servez d’un télescope. La tâche de l’homme est de trouver l’étalon avec lequel mesurer ses sentiments, ses pensées et ses actes, et déterminer le sens de leur mouvement. Vous direz que les pensées et les sentiments sont invisibles et qu’il ne faut pas en tenir compte. Ils sont invisibles à l’œil nu, mais ils sont visibles pour l’œil exercé. D’autant plus qu’ils peuvent, aussi petits qu’ils soient, changer la vie de façon positive ou négative. La cellule même petite peut influencer la vie humaine. Chaque organe influence la vie humaine. L’estomac par exemple a fait avancer l’humanité et le fait encore de nos jours ; l’école épicurienne a été fondée sous son influence, elle qui prône que la vie découle des désirs de l’estomac. Les disciples de l’estomac ont massacré nombre de petits rossignols pour arracher leurs langues et préparer des repas savoureux. Beaucoup de nos contemporains, également au service de leur estomac, massacrent les faisans pour la même raison.

Le fils cadet dont il est question dans le verset avait eu le malheur de naître un lundi sous des aspects planétaires défavorables, c’est pourquoi tout travail qu’il entamait se finissait en catastrophe. Mais les gens les plus simples l’ont remarqué et ils évitent les jours, les heures, les minutes qui leur sont défavorables, et ne commencent alors aucun travail important. C’est de la superstition pour certains et de la science pour d’autres. Un jour ponctué d’échec est le signe d’un concours de circonstances défavorable, il conduit dans le sens des grandeurs décroissantes. Pour éviter de subir les conséquences des mauvaises conditions, il faut patienter jusqu’à ce qu’elles soient remplacées par des conditions plus favorables. Celui qui pratique l’astrologie et les sciences occultes se convaincra par lui-même de la véracité de mes paroles ; il peut ainsi se protéger des mauvaises conditions de sa vie.

La première tâche de l’individu en se réveillant le matin est d’appeler ses associés pour sonder leur humeur et les mettre au travail pour voir qui portera la responsabilité pour leurs actes. Il faut partout et pour tout sujet nommer un responsable. Lorsqu’on édite un magazine ou un journal, on fait figurer dès la première page le nom du rédacteur en chef. N’importe qui peut écrire dans le magazine ou le journal, mais le rédacteur en chef répond pour tous. Si le journal emprunte un mauvais chemin, c’est le rédacteur qui ira en prison ; il peut pourrir là où être remis en liberté, selon sa culpabilité. S’il meurt en prison, on écrit qu’un martyr s’est sacrifié pour la Bulgarie. Il est en réalité un héros plus grand que ceux qui écrivent dans son journal ; il a payé de sa vie alors que les autres donnent très peu, une partie seulement de leur temps et de leur labeur.

Beaucoup endossent les conséquences de leur travail rédactionnel. Je déconseille d’ailleurs d’accepter un poste comme celui de rédacteur en chef où les uns écrivent, mais où le rédacteur assume leurs propos. Chacun doit être maître de son intelligence, de son cœur, de sa volonté, et ne pas laisser les autres en disposer. La loi divine postule : que chacun dispose de lui-même sans se vendre aux autres, ni se mettre à leur service. Le Christ dit : « Celui qui ne renonce pas à ce monde, ne peut pas être mon disciple. » Par ce monde nous comprenons ce qui est transitoire, trompeur dans la vie. Le jeune homme promet à la jeune fille des palais en or ; elle le croit et pense avoir trouvé ce que son âme désire. En réalité le jeune homme écrit dans son journal, elle répond de ses écrits et le paie de sa vie.

Méfiez-vous de celui qui promet beaucoup sans rien accomplir ; ne croyez qu’à celui qui promet et qui tient ses promesses. Si quelqu’un vous fait des promesses, dites-lui que vous ne souhaitez pas être rédacteur en chef. Si vous croyez ses promesses, vous devenez rédacteur en chef d’un magazine et on vous tiendra responsable de ce qui s’y écrit ; un an ou deux passeront, puis on vous mettra en prison et vous vous étonnerez ensuite d’avoir été enfermés. Si vous ne pouvez pas sortir rapidement de prison, vous nourrirez de la rancune contre tout le monde, vous serez déçu de la vie et votre pensée empruntera des chemins tortueux ; vous direz en fin de compte : « Je souffre innocent, abandonné et incompris de tous. » Ce n’est pas vrai, tu es devenu rédacteur en chef et tu es rétribué pour cela, tu dois porter la responsabilité de tout ce qui est écrit dans ton journal. Sachant cela, n’allez pas chez l’habitant de ce pays, n’écoutez pas ses conseils, n’ouvrez pas votre portefeuille devant lui, car il vous dépouillera et vous enverra dans ses champs pour paître ses pourceaux.

Il est dit de renoncer au monde : c’est renoncer à être porcher. Être porcher c’est être en mauvaise posture, combien même on doit parfois passer par cette situation. Être berger c’est préférable même si les gens ne montrent pas non plus d’égards particuliers à cette occupation. Chez les Turcs on rencontre beaucoup de portefaix ; lorsque quelqu’un est enrôlé comme portefaix, son maître lui dit : « Fais attention à ne pas faire tomber ta charge sinon tu finirais berger. » Selon les Turcs être berger est plus dégradant qu’être portefaix. Nos contemporains se chargent comme des portefaix, mais si tu orientes quelqu’un vers le métier de berger il se sent insulté. En réalité il vaut mieux être berger que portefaix. Quel sens y a-t-il à porter des barriques remplies de vin et d’eau de vie ? Lorsque tu seras épuisé, tu rentreras dans la taverne pour boire : ce n’est pas une vie.

Depuis huit mille ans que les humains sont sur terre ils ne sont pas encore entrés dans le droit chemin. Qui a indiqué le droit chemin à son prochain, qui a montré à son prochain le chemin conduisant aux grandeurs croissantes ? Peu l’ont fait. Qui en est capable ? Celui qui devient d’un jour à l’autre plus beau, son visage plus lumineux, son cœur plus vaste, son esprit et son âme prêts à travailler pour le bien de toute l’humanité. C’est cela suivre le droit chemin et le chemin des grandeurs croissantes. Beaucoup trouvent ce chemin difficile et hésitent : revenir en arrière ou continuer d’avancer. Celui qui revient dans l’ancien chemin vieillit prématurément et perd sa force, sa fortune et sa santé ; il est contraint à la fin de devenir porcher. « Que faire ? Il faut contenter les gens. » C’est une mauvaise compréhension, il n’est pas permis au disciple de contenter les gens. S’il est question de contenter quelqu’un, c’est seulement Dieu qu’il faut contenter. « Les gens ont besoin de nous, nous devons leur donner tout ce qui leur est nécessaire. » Faut-il donner de l’alcool à l’ivrogne ? Il a besoin de vin, mais tu dois ressentir ses vrais besoins et les contenter. Donnez aux gens seulement si vous pouvez les mettre sur le chemin des grandeurs croissantes, donnez de façon à remplir de sens la vie de vos proches.

Il faut accomplir un travail, pas du labeur et des tourments. Le fils cadet s’est découragé de la vie car il est tombé sous la loi du labeur et du tourment dont l’aboutissement est la mort. Celui qui a sombré dans la boue doit se tourmenter dans le labeur pour en sortir. Celui qui écrit, dessine, crée, travaille et le travail produit la joie, la gaîté, la paix, la dilatation de l’intelligence et du cœur. Par conséquent, celui qui veut emprunter le droit chemin doit travailler. Comment deviner qui est déjà entré dans le droit chemin ?

Un disciple est allé demander à son Maître comment faire pour entrer sur le chemin de l’amour où les grandeurs croissent et augmentent. Le Maître, à la manière des hindous, s’est servi d’un conseil succinct au lieu de développer des théories des heures durant. Il lui a dit : « Tu sortiras sur la route et tu croiseras trois personnes ; tu gifleras chacune une fois et tu observeras leur réaction ». Le disciple a croisé trois personnes et a fait ce que son maître lui avait conseillé. Le premier s’est précipité aussitôt sur lui, il lui a rendu deux gifles au lieu d’une et l’a jeté par terre. Le deuxième a levé la main pour le frapper, mais il s’est vite maîtrisé et a continué son chemin. Le troisième était en pleine contemplation : il n’a même pas senti la gifle et il a continué son travail. Alors le maître a dit à son disciple : « Le premier qui t’a rendu deux gifles vit selon la loi de Moïse : il fait encore paître les pourceaux de son maître. Le deuxième aspire au Christ, mais il n’a pas encore appliqué Son enseignement. Le troisième est l’homme de l’amour, il est déjà dans le droit chemin et pour cette raison il n’a pas fait attention à ta gifle ».

         Qu’est-ce qui est demandé à nos contemporains ? D’arriver à la situation de celui qui n’a même pas senti la gifle. Qu’est-ce que la gifle dans la vie ? La souffrance. Lorsqu’on devient sourd et aveugle pour la souffrance au point de ne plus l’entendre et de ne plus la voir, on est dans le droit chemin ; si on reste fixé sur la plus petite souffrance et si on s’insurge contre elle, c’est qu’on est parti dans le vaste monde pour s’adonner aux plaisirs, à la boisson, à la bonne chair. Lorsqu’on perd sa fortune, on va paître les pourceaux de son maître ; c’est cela s’occuper de grandeurs décroissantes qui conduisent à la mort. Qu’est-ce qui arrivera ensuite ? La désagrégation du corps en un nombre infini de particules qui se disperseront dans l’espace. Dans ces conditions, on se retrouve seul, abandonné de tous et on va chez son père en lui disant : « Père, je n’ai pas pu m’entendre avec mes associés, je les ai quittés et je reviens auprès de toi pour être admis comme un de tes serviteurs ». Ton père t’enverra de nouveau sur terre avec une nouvelle société et de nouveaux associés ; nous disons que c’est une réincarnation.

         Ainsi, respectez ces moments dans la vie où les grandeurs croissent, c’est le chemin qui conduit à l’amour, la sagesse et la vérité, c’est un chemin de mouvement perpétuel. Si vous vous arrêtez ne serait-ce qu’un instant sur votre chemin, vous vous heurtez à une catastrophe. La vie divine se distingue par le fait que tout est en mouvement constant et que nul arrêt n’est toléré ; quand tu entreras dans cette vie, tu avanceras sans relâche. Si vous vous égarez et si vous êtes contraints de vous arrêter, vous chercherez la direction du soleil levant : il éclairera votre chemin comme aujourd’hui le soleil a dissipé les nuages et s’est montré à l’horizon. Le soleil vous dit : « Marchez vers le haut, le chemin est là ». Si vous vous dirigez dans cette direction, vous irez toujours vers le levant ; si vous tournez le dos au soleil, vous irez vers le couchant.

         Vous avez entendu beaucoup de choses aujourd’hui dans la causerie, mais gardez une idée à l’esprit : l’idée des grandeurs qui croissent et décroissent, c’est-à-dire qui augmentent et qui diminuent. Interrogez-vous chaque jour sur les grandeurs que vous maniez, sont-elles croissantes ou décroissantes ; interrogez-vous sur l’amplitude avec laquelle ces grandeurs augmentent ou diminuent. Si vous ne pouvez pas trouver tout de suite la valeur nominale de la grandeur inconnue, ne vous troublez pas. Chaque nouveau jour contribue à résoudre cette inconnue ; dès que vous la résolvez, vous vous heurtez à une nouvelle inconnue. Chacun sait la somme qu’il retire de sa tirelire à chaque instant, mais ne sait pas combien il retirera la prochaine fois, ni le solde qui en résultera. C’est le signe que chacun connait les conditions actuelles de sa vie mais non les conditions de sa vie future.

         On peut résoudre aussi cette question par le calcul. Il suffit de connaître la hauteur et l’épaisseur du corps, la longueur du nez, la largeur et la hauteur du front, le tour de la tête, la longueur des doigts pour déterminer sa vie future. Beaucoup d’autres données sont nécessaires pour la déterminer et, plus vous aurez de données à votre disposition, plus vos calculs seront précis. Tout ce qui arrive à l’homme aujourd’hui et ce qui lui arrivera à l’avenir est déterminé très précisément et peut être prédit. Il suffit de regarder sa main pour savoir combien de temps il vivra et quelle personne il sera. Ainsi le Christ dit que rien ne restera caché dans le monde.[3]

         Nos contemporains réussissent avec difficulté dans la vie car ils craignent les souffrances et les évitent ; ils se privent ainsi des bienfaits qu’elles apportent. Il est dit dans les Écritures : « Cherchez-moi un jour d’affliction », ce qui signifie : « Cherchez-moi lorsque je suis près de vous ». Dieu est près des humains lorsqu’ils souffrent. La proximité indique qu’on a de bonnes conditions de développement alors que l’éloignement prive de ces conditions. Quelqu’un pense que les bonnes conditions se donnent sans limite ; ce n’est pas vrai : les bonnes conditions se donnent une seule fois. Cette causerie par exemple, je peux vous la faire aujourd’hui seulement, le lendemain a son propre programme ; chaque chose a son instant précis.

         Que fait l’homme ordinaire ? Lorsqu’il se lasse de la vie dans la maison paternelle, il dit à son père de lui donner sa part et s’en va dans un pays lointain pour s’adonner à tous les plaisirs. Lorsqu’il a dilapidé sa richesse et sa force, il revient auprès de son père pour être admis non en tant qu’héritier, mais en tant que serviteur. Chacun a le droit de vivre dans l’aisance, mais va inévitablement assumer les conséquences de cette vie. Celui qui veut une vie d’aisance doit aller dans la nature, au milieu des rivières et des sources, au milieu des fleurs et des arbres fruitiers pour étudier le véritable art de la peinture ; c’est le seul moyen de connaître les vraies couleurs et les vraies teintes. Les teintes de la nature sont durables, on les appelle has[4] : plus elles sont utilisées et plus elles sont éclatantes. Peut-on dire la même chose des humains ? Le véritable homme est celui qui endure les souffrances avec amour ; on peut dire de lui que plus il a enduré de souffrances et meilleur il est devenu. C’est quelqu’un qui est teint avec la teinte has, c’est-à-dire la teinte de la souffrance. Si vous croisez quelqu’un qui se plaint constamment des souffrances, sachez qu’il n’est pas encore coloré par la teinte de la souffrance ; un tel homme est lassé de tout : il ne veut aller ni à l’école ni à l’église. En fait il n’est jamais allé ni à l’école ni à l’église ; la véritable école c’est la nature. Par les oiseaux, les fleurs, les eaux, les sources, les insectes il étudie le langage de la nature et discute avec elle. Il acquiert de nouvelles connaissances des étoiles, de la lune et du soleil qui attirent son attention sur la grandeur du Créateur. Celui qui veut être disciple du Nouvel Enseignement doit visiter la nature, la véritable Église, et apprendre d’elle.

         Nos contemporains considèrent l’argent, la nourriture et les vêtements comme des choses substantielles dans la vie. L’argent comme la nourriture et les vêtements sont nécessaires, mais il y a un autre argent, une autre nourriture et d’autres vêtements qui anoblissent l’homme et le rendent véritablement riche, bien portant et puissant : ce sont les bienfaits spirituels immuables. Les bienfaits physiques conduisent à la lassitude comme les relations physiques entre les humains. Ainsi, quelqu’un dit : « Je veux quitter ma femme, je m’en suis lassé. – Tu te marieras avec une autre ? –  Je me remarierai. » Alors sache que la seconde sera comme la première, elle te lassera aussi, c’est une côte[5], comme la première. Tant qu’elle était une côte, l’homme était content d’elle et il la supportait ; dès qu’elle est sortie, il était déjà mécontent. La femme aussi se plaint souvent de son mari, elle veut le quitter ; elle oublie qu’elle était jadis une de ses côtes et qu’elle en est sortie. L’homme et la femme sont une même chose, c’est-à-dire des grandeurs identiques. L’homme a été initialement une plus grande grandeur que la femme ; pour les rendre égaux, Dieu a sorti la côte de l’homme et a créé la femme. Par conséquent l’homme et la femme sont aujourd’hui les deux moitiés d’une seule grandeur, l’humain, égal à mille unités.

         Avancez sur le chemin des grandeurs vivantes qui croissent, c’est-à-dire qui s’additionnent et se multiplient. Seul, le surplus de ces grandeurs se soustrait et se divise, la grandeur en elle-même reste inchangée. Celui qui tente de diviser cette grandeur s’attire tout seul le malheur. Adam demandait une compagne à Dieu, mais Dieu lui a dit qu’il n’y avait pas de conditions pour cela ; Adam a insisté et a enfreint ainsi les lois de l’Éden. Adam était né vendredi, le premier jour de l’équinoxe, c’est pourquoi la première soustraction s’est avérée être un échec. Dieu a satisfait le désir d’Adam avant l’heure, mais Il s’est ainsi lié pour l’aider à réparer l’erreur qu’ont commis les premiers humains.

Dieu vient maintenant dans le monde pour retirer encore une côte à Adam et en faire la femme nouvelle. L’ancienne forme de l’homme et de la femme est morte, un monde nouveau se crée. Un nouvel homme et une nouvelle femme viennent au monde, porteurs de la nouvelle culture. Le fils prodigue représente l’ancienne humanité et celui qui a ressuscité, le Christ, représente la nouvelle humanité qui se crée à présent.

         Je dis aujourd’hui à la femme de se tenir prête à recevoir au moins deux côtes de la nouvelle vie, et à l’homme de se réjouir d’avoir une compagne créée à l’image et à la ressemblance de Dieu. Comment sera créée la nouvelle femme et d’où viendra le matériau pour elle ? C’est à vous de résoudre cette question. Méditez sur deux questions : sur les grandeurs qui croissent et décroissent et sur la création de la nouvelle femme. Le nouvel homme et la nouvelle femme renaîtront, ils ne seront pas faits de terre et d’une côte. Une nouvelle époque vient, une nouvelle culture dans le monde. Lorsque la nouvelle culture sera là, le fils prodigue reviendra chez son père, et accomplira sa volonté.

Sofia, 30 novembre 1919

Traduit par Bojidar Borissov

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