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1919_05_04 Le Soleil levant


Ani
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Le Soleil levant

« Je suis venu comme une lumière dans le monde,

afin que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres. »[1]

Jean 12 : 46

Le mot Je dans ce verset désigne l’Esprit. Les idées des jeunes d’une part, et des vieux d’autre part, lorsqu’elles diffèrent dans la forme ne diffèrent pas dans le contenu, et lorsqu’elles diffèrent dans le contenu, elles ne diffèrent pas dans le sens ; et enfin, lorsqu’elles diffèrent dans le sens, elles ne diffèrent pas en substance. Cette différence entre jeunes et vieux est naturelle : les jeunes et les vieux, lorsqu’ils observent les deux phases du lever et du coucher du soleil, ont deux visions différentes de la vie ; les uns voient la lumière qui augmente, et les autres voient la lumière qui diminue ; par conséquent, ils ne portent pas le même regard sur le monde. S’ils se disent différents les uns des autres, je fais la comparaison suivante : du lever du soleil à midi les gens ont des idées d’une certaine nature, et de midi au coucher ils ont des idées d’une autre nature. Ainsi, lorsque les gens disent qu’ils se distinguent les uns des autres, je demande quelles idées ils ont : des idées du soleil levant ou des idées du soleil couchant, des idées du matin ou des idées du soir. Il y a une autre catégorie de personnes dont les idées sont différentes du coucher à minuit, et de minuit au lever du soleil. Il y a donc quatre catégories d’individus qui se distinguent par leurs idées : deux correspondent à la lumière et deux à l’obscurité.

Lorsque je parle de lumière et d’obscurité, j’entends le mouvement de la terre et son rapport à la vie consciente ; s’il y a un mouvement, il y a aussi de la lumière et de l’obscurité, ce qui sous-entend que la terre se déplace vers le centre, vers le soleil, elle tend vers lui. Le mouvement signifie l’amour ; l’amour fait mouvoir toutes les créatures. Lorsqu’une matière a de l’énergie cinétique, c’est-à-dire une énergie qui produit du mouvement, ceci indique une manifestation de l’amour dans toutes ses formes. La lumière est l’une des formes de l’amour.

Le Christ dit : « Je », c’est-à-dire l’Esprit, mais non pas celui que vous voyez, car vous voyez uniquement les ombres des choses, le reflet de la lumière sur la surface des corps. Tu dis : « J’ai vu quelqu’un sur le chemin ». Qu’as-tu vu ? Son ombre, le reflet de son corps qui est entré par le nerf optique, il a provoqué une secousse, produit une impression, et tu dis ensuite que tu as rencontré un tel : c’est simplement son ombre qui t’a rencontré. Je vous demande : lorsque le soleil se lève, c’est vous qui l’accueillez ou c’est lui qui vous accueille ? Qui accueille ? Celui qui attire ou celui qui se fait attirer ? C’est de la philosophie. Lorsque quelqu’un dit qu’il se déplace, je veux savoir s’il est attiré ou si c’est lui qui attire ; lorsque tu te déplaces, tu peux être attiré, mais tu peux aussi attirer. Attirer est une chose, être attiré en est une autre, ce sont deux situations différentes. Lorsque tu es attiré dans le mouvement, tu es contraint, alors que si tu attires, tu es libre. Lorsque vous dites que vous êtes venus sur terre, c’est parce qu’elle vous attire : vous êtes attirés par elle, elle vous tient fermement. C’est vous qui vous déplacez ou elle ? Je pense que la terre se déplace en vous : ce sont des idées philosophiques jetées dans le désordre. La terre se déplace, c’est une dame élégante, je n’ai jamais vu d’allure aussi exquise, je n’ai jamais vu une autre dame se déplacer avec autant de souplesse et autant d’allure. Lorsqu’elle se déplace dans l’espace, elle ne produit aucun bruit, ne soulève aucune poussière. La terre est si bien élevée qu’elle ne veut réveiller personne lorsqu’elle passe, personne ne l’aperçoit car elle a les yeux fixés sur son bienaimé, le soleil. Alors que de nos jours, les demoiselles font l’inverse ! Tous ceux qui se révoltent dans le monde n’ont pas les idées claires en tête. Lorsque je dis qu’ils n’ont pas les idées claires, cela ne veut pas dire qu’ils n’en ont aucune, mais que leur regard, leur mouvement, leur élan n’est pas focalisé dans une direction précise, comme l’est la terre, fixée sur son bien aimé le soleil.

Lorsque le Christ dit : « Je suis venu », il ne parle pas de la venue d’un seul homme, mais d’une grande idée, et nous nous leurrons si nous pensons qu’une personne vient ou qu’elle est venue. Un prédicateur apparait et nous disons : « Il va redresser le monde ». Le Christ est venu il y a deux mille ans et on a dit alors : « Il redressera le monde », mais le monde ne s’est pas amélioré ; beaucoup d’autres l’ont suivi, mais le monde ne s’est pas arrangé selon notre compréhension. Pourquoi ? Parce que le monde ne s’arrange pas ici, mais ailleurs. Je vous pose la question : « Lorsqu’un peintre dessine un grand tableau, où dirige-t-il son esprit ? Sur la toile où il fait des corrections. Son idée est accomplie, mais une fois projetée sur la toile, elle n’est pas aussi accomplie que dans son esprit ; donc la vie intérieure en nous est parfaitement accomplie. On dit que la vie de certains est ordinaire, et pour d’autres qu’elle est spirituelle ; la vie en soi ne peut être ni ordinaire ni spirituelle, mais lorsque le côté animal domine dans l’individu, elle devient ordinaire, et lorsque le côté humain se manifeste, elle devient spirituelle. Si vous mettez une substance sucrée ou amère dans de l’eau très pure, elle prendra son goût, mais est-ce que cela signifie que l’eau elle-même est sucrée ou amère ? Elle n’est ni sucrée ni amère, c’est vous qui la ressentez ainsi. Il en est de même avec les gens : les uns mélangent à la vie divine très pure un élément qui la corrompt et la rend ordinaire, et d’autres insufflent le bien à leur vie qui devient spirituelle, c’est pour cette raison que certains sont très spirituels. Aujourd’hui, les gens ont tellement corrompu leur vie que je ne vois aucune différence entre les gens spirituels et les gens ordinaires : lorsqu’ils défendent leurs idées, les uns et les autres sont attachés à leurs maisons, exigent leurs loyers. Le premier passe pour sucré, le second pour amer, mais il est amer pour les autres et pas pour lui-même, comme le sucré est sucré pour les autres mais pas pour lui-même. La lumière et l’obscurité sont donc deux processus pour comprendre tous les rapports existants : la lumière est une notion claire et l’obscurité est une notion confuse et emmêlée des choses.

Beaucoup parmi vous passent pour des gens ordinaires. Pour certains aspects j’aimerai être un homme ordinaire, pour d’autres, quelqu’un de spirituel ; si je veux me reposer et être à l’ombre d’un grand arbre, auprès d’une source, je serai spirituel, mais si je suis une binette à la main, je serai ordinaire car je couperai la tête de beaucoup de petits vers de terre. C’est pourquoi les gens spirituels ne prennent pas les binettes et ont une la réputation d’être inactifs, alors que les gens ordinaires sont réputés être travailleurs, ils résolvent les questions avec la pointe de leur épée, et les gens des idées, avec leur plume. Les gens ordinaires sont les ouvriers, les prolétaires, alors que les spirituels sont les nantis. Ce n’est pas mal d’être nanti. Lorsque quelqu’un a beaucoup travaillé dans les champs comme prolétaire, il va ensuite se reposer et devenir nanti ; il façonnera le monde selon son point de vue. Pour avoir de l’ordre dans le monde, il ne faut pas se reposer plus qu’il ne faut, mais il ne faut pas non plus travailler plus que les forces nous le permettent. La lumière et l’obscurité sont deux phases qui alternent dans la nature : nous travaillons à la lumière et nous nous reposons dans l’obscurité ; lorsque nous travaillons, la lumière est dehors et l’obscurité dedans, et lorsque nous nous reposons, la lumière est à l’intérieur et l’obscurité à l’extérieur. C’est uniquement grâce à cette compréhension de la vie que les gens spirituels et les gens ordinaires trouveront des points d’accord entre eux pour bien clarifier la loi du travail.

Le Christ dit : « Je suis venu », c’est-à-dire l’Esprit est venu. Lorsque l’Esprit vient en vous, il vous insuffle une idée claire de la vie. Le Christ est venu afin que celui qui croit en Lui ne marche pas dans l’obscurité. Je prendrai la foi non pas au sens ordinaire comme beaucoup la considèrent : seul l’individu pur et infaillible peut avoir la foi, lui seul peut croire en tout et ne douter de personne. C’est la foi et non pas la croyance ; la foi est une qualité des anges. D’aucuns disent : « J’ai la foi ». Non, tu as des croyances : ta foi est comme la toile d’araignée, elle change cent fois par jour ; tu crois, puis tu ne crois plus. J’ai rencontré un jour un jeune étudiant qui m’a dit qu’il s’était au départ intéressé à certaines sciences occultes et croyait qu’il y avait un Seigneur, mais, lorsqu’il s’est mis à étudier le socialisme, il a confessé qu’il avait piétiné l’idée de Dieu et qu’il avait mûri. Par l’expression piétiner son dieu je comprends qu’il avait piétiné son égoïsme ; lorsque quelqu’un dit qu’il croit en Dieu, cela signifie qu’il croit en lui-même et se considère comme une divinité. Tous nos contemporains sont des divinités. Les uns et les autres, lorsqu’ils déclarent croire ou ne pas croire en Dieu, ils ont pour les premiers la franchise d’avouer qu’ils croient en eux-mêmes comme en une divinité, alors que les autres le dissimulent. De nos jours, le monde est rempli de divinités : des christ, des sainte vierge, des saint jean, des saint Nicolas, ainsi de suite, et le monde en souffre. Le véritable Seigneur est absent. Où est-il ? Voici où il est : à l’instant où tu aimes tous les humains, ce Seigneur t’a envoyé un rayon de lumière ; lorsque toutes les contradictions disparaissent de ton esprit, lorsque tu prends conscience de ta mission et que tu es prêt à te sacrifier, le véritable Seigneur a parlé en toi : vous êtes une seule et même chose en cet instant.

Le Christ dit : « Je suis venu avec ce Seigneur qui vit en moi, je suis venu avec Lui, par Lui, pour donner la lumière à tous afin qu’ils croient ». A qui ? A ces petites âmes très pures. Quelle chose grandiose que d’être pur dans le monde ! Toutes les idées, tout le bonheur, la santé, la félicité de l’humanité reposent sur cette pureté. Si l’être humain est pur, il ne marchera pas dans l’obscurité, il aura une idée précise de la vie et il l’arrangera comme il se doit.

Je connais deux frères de Varna dont le premier est entré à l’école militaire et est devenu officier, il a peu à peu progressé jusqu’à obtenir le grade de colonel ; l’autre frère n’a obtenu aucun diplôme et s’est enrôlé comme simple soldat. Un jour, il a croisé son frère dans la rue et ne l’a pas salué. Le colonel l’a arrêté en lui demandant des explications. Le soldat a répondu : « Tu es mon frère, je peux me passer du salut militaire. – Je suis avant tout un officier et ensuite ton frère, tu devais donc me saluer, a dit le colonel, tu seras deux jours à l’arrêt ! »

Ainsi, le monde aujourd’hui est plein de colonels par l’uniforme, mais simples soldats intérieurement, des nantis et des prolétaires, symboles de lumière et d’obscurité. Quand devient-on nanti ou prolétaire ? Tu n’es né ni nanti ni prolétaire, mais tu es né pour raisonner et comprendre la loi de la lumière et de l’obscurité. La lumière sous-entend la richesse, et l’obscurité, la misère ; mais la lumière aussi a des degrés différents : il y a par exemple une lumière au lever du soleil, une autre lumière à midi et encore une autre au coucher du soleil. Le nanti dont le soleil s’est levé verra les choses d’une façon, et celui dont le soleil s’est couché, les verra autrement. 

Aujourd’hui, le Christ résout une grande question sociale : celle de la lutte des classes. Ce n’est pas une lutte idéologique, c’est la même lutte qui existe depuis huit mille ans, exprimée de la même façon : « lève-toi que je m’assois ». Ce sont les minorités qui ont gouverné jusque-là, alors que c’est la majorité qui gouvernera à l’avenir ; ce sont les menchéviques qui ont travaillé jusqu’à maintenant et ce sont les bolchéviques[2] qui travailleront à l’avenir, cela peut se réaliser. Vous direz : « Comment est-ce possible que le noble travaille pour les gens ordinaires, pour les prolétaires ? » Je vous demande : comment est-ce possible que la mère et le père qui sont des nantis travaillent pour leurs enfants pour les nourrir, leur offrir les moyens de subsistance, sacrifier des nuits entières sans sommeil, et ainsi de suite ? Les parents savent qu’ils doivent accomplir ainsi leur devoir vis-à-vis de leurs enfants, car un jour ce prolétariat se vengera d’eux. La mère qui est amour travaille, le père aussi : ces nantis doivent mettre leurs tabliers, être les serviteurs des prolétaires, car ce prolétariat les chassera un jour de leur maison, leur prendra leur argent de force et les obligera à travailler. Cela a été ainsi, et ça le sera jusqu’à quand ? Jusqu’à ce que cette lutte des classes, purement matérialiste, disparaisse. C’est une étape transitoire dans la vie de l’humanité ; une autre époque viendra dans des milliers d’années, quand les humains vivront autrement, et cette lutte cédera la place à l’ordre et à la discipline. Aujourd’hui, nous considérons l’homme dans ses relations avec autrui selon la maxime : « L’homme est un loup pour l’homme ». Je dis au contraire que l’homme est un frère pour l’homme. Si nous prenions la théorie d’évolution des espèces de Darwin pour tracer les conditions d’apparition et de vie du loup, nous verrions que le loup n’avait pas au début ces traits de caractère qu’il a développés par la suite à cause de ses conditions d’existence. Le loup représente une lointaine culture ancestrale et il se manifeste maintenant dans la société humaine. Pourquoi ? Parce que les gens ne comprennent pas ces grandes lois qui régissent la vie.

Je vous décris les relations de nos contemporains : admettons que les racines d’un arbre ont une conscience profonde et que de temps à autre, une radicelle emprunte son propre chemin, mais rencontre de grands obstacles : cette radicelle ne trouve pas d’issu et revient auprès de son père et le croise, le père ne sait pas qu’il s’agit de son fils et veut l’affronter. C’est ainsi aujourd’hui que tout le monde se bat avec soi-même, avec ses enfants, en essayant de les éliminer et de s’en libérer, alors que ce sont toujours les mêmes racines qui ont rencontré de grands obstacles dans la vie. Sans ces obstacles il n’y aurait pas de dysharmonie.

Le Christ dit : « Je suis venu montrer le véritable chemin à tous ceux qui croient et qui ont la pureté des anges ». Les gens se demandent encore s’il y a une vie après la mort ou non, si la vie a un sens ou non : ce n’est pas une vie, mais seulement des dépôts de l’obscurité dans laquelle on vit. La vie est une et elle ne peut ni naître ni mourir. Si je verse l’eau de ma carafe, est-ce qu’elle meurt ? La carafe n’a jamais été vivante et ne peut mourir ; donc, sur le plan physique, l’être humain est une carafe dans laquelle est versée la vie. La carafe n’est qu’une condition et la vie est tout : lorsque la carafe se remplit, l’homme vit et lorsqu’elle se vide il meurt. La vie dans le corps est hétérogène, mais homogène dans la mort.

Les scientifiques d’aujourd’hui disent que la matière est homogène ; c’est vrai à cinquante pour cent. L’homogénéité ne peut pas engendrer l’hétérogénéité : si dans les peintures il n’y avait pas d’hétérogénéité, leur homogénéité ne pourrait rien engendrer. Qu’est-ce que l’hétérogénéité ? Ce sont toutes les formes nécessaires par lesquelles l’existence, la vie doit se manifester. La vie ne peut se manifester dans une seule forme, mais dans une multitude de formes  ; lorsque ces formes s’accordent pour exprimer une forme grandiose, je dis que la vie est unique, c’est-à-dire que toutes les formes ont le même élan pour manifester des formes supérieures. C’est ainsi du point de vue de cette forme grandiose qui est unique, mais cela ne signifie pas qu’elle est la seule ; il y a comme elle d’autres formes qui s’unissent et forment d’autres mondes. Lorsque nous étudions la nature, nous voyons qu’il existe cette grande loi d’homogénéité et d’hétérogénéité ; cela ne doit pas pour autant nous freiner. Dans l’obscurité, on est au repos et on donne des directives aux jeunes, en tant qu’écrivain, poète, prince, et on reste en bas à l’ombre, alors que si on est prolétaire, on travaillera uniquement à la lumière. Par conséquent, le Seigneur a créé le monde non pas pour les nantis, mais pour les prolétaires, c’est-à-dire pour les ouvriers qui progressent. Nous comparerons les riches à une richesse amassée dans le passé, et les pauvres à une richesse en train de s’accumuler ; ainsi les riches sont des gens du passé et les pauvres, des gens de l’avenir. Choisissez alors : étant riche, tu es quelqu’un du passé ; étant pauvre, tu es quelqu’un de l’avenir. En hébreux il n’y a que deux temps : le passé et le futur, il n’y a pas de présent ; les juifs disent que ce qui se passe est du passé, et ce qui arrive est de l’avenir. Le présent est un instant transitoire, un point qui n’occupe pas d’espace. Vous, soyez des gens de l’avenir. C’est pourquoi le Christ dit : « Je suis venu donner la lumière aux humains », c’est-à-dire aux pauvres, aux gens de l’avenir pour qu’ils ne marchent pas dans l’obscurité sur le chemin des riches, c’est-à-dire du passé.

Tous les péchés sont des péchés du passé. Nous portons le péché comme une ombre et celui qui veut s’en libérer doit devenir quelqu’un de l’avenir ; il portera ainsi son péché comme le serpent sa peau. Lorsque quelqu’un déclare qu’il veut vivre dans l’avenir, je comprends qu’il veut vivre sans péché ; si quelqu’un veut être riche, je comprends qu’il veut pécher. Ainsi les pauvres sont du côté de la lumière et du bien, et les riches, du côté du péché et de l’obscurité. Ces paroles peuvent vous sembler amères, mais essayez de les démentir. Je ne considère pas riche uniquement celui qui a de l’argent, mais aussi celui qui a des connaissances et des forces et qui les utilise non pas pour le bien de ses proches, mais pour les entraver et leur nuire ; lui, je l’appelle nanti. Ceux qui accomplissent la volonté divine, je les appelle prolétaires ou gens de l’avenir ; j’appelle les prolétaires des abeilles, des ouvriers de la nouvelle culture. Le mot prolétaire est connoté, ce n’est pas une expression précise, il faut plutôt dire ouvriers de la nouvelle culture, de la nouvelle science. Quelle est cette nouvelle science ? Vivre tous dans la lumière, être heureux et ne pas entraver son bonheur ni celui des autres.

Je peux avec deux mots altérer votre bonheur et vous empêcher de le retrouver pendant cent ans : imaginez que je vous appelle et que je pose une bombe que j’allume avec un briquet ; si la bombe explose que deviendrez-vous ? Ainsi, dans notre pensée il y a une substance inflammable qui, si elle explose, crée toutes les conditions que nous appelons le mal. Voici ce qu’est le mal : une matière que nous ne pouvons pas contrôler car elle n’obéit pas à notre volonté ; la matière qui est sous le contrôle de notre volonté, je l’appelle le bien. Le monde extérieur est contrôlé par une volonté étrangère ; si le Seigneur qui contrôle la matière extérieure perdait son fil, toute existence disparaîtrait. C’est pourquoi nous devons tenir fermement les brides de notre monture, car si nous les perdons elle fait un écart et la cariole se renverse, ce qui cause les malheurs. Ce sont des idées simples, d’ordre général : chaque jour votre monture, c’est-à-dire votre intelligence marche tout droit crânement et sans crainte, mais quelqu’un passe à côté de vous, dit quelque chose et elle prend peur. Un riche juif marche sans crainte sur son chemin, mais on le croise et on lui dit qu’il ne lui reste que deux jours à vivre : sa monture, c’est-à-dire son intelligence, prend peur, il prend des mesures, ferme son magasin et dit : « Je vais en profiter d’ici là ». C’est ainsi que tout le monde cède à la peur.

Depuis la guerre jusqu’à aujourd’hui, j’entends spéculer sur l’avenir de la Bulgarie ; beaucoup ont plus peur qu’il ne le faut. La Bulgarie n’est pas la seule grandeur à mesurer, il y en a d’autres. Dites-moi, y avait-il des Bulgares, des Serbes, des Français, des Allemands, des Anglais lorsque le Seigneur créait le monde ? Non, ils sont venus par la suite. Vous pouvez le contester, mais je demande si une mère donne naissance directement à des enseignants, des prêtres, des magistrats, etc. ? Elle donne naissance à des enfants qui deviennent par la suite des scientifiques, des généraux, des médecins, des ingénieurs et ainsi de suite. Les missions que nous accomplissons dans la vie sont les différents rôles que nous jouons sur la scène : tant que nous sommes sur la scène nous sommes déguisés, nous sommes des acteurs ; lorsque nous descendons de la scène, nous sommes des frères. Lorsque nous irons au ciel, nous rirons de ces confrontations en nous rappelant notre vie sur terre.

Je vais vous donner un exemple de la situation dans laquelle vous vous trouvez. Un dieu indou, rassasié de sa belle vie au ciel, a demandé l’autorisation de descendre vivre sur la terre. Ayant obtenu cette permission, il s’est choisi la forme d’un cochon et s’est incarné en un jeune porcelet. Il a commencé à vivre comme tous les cochons : il fouinait dans les déchets, il restait allongé à l’ombre et engraissait. Il s’est ensuite marié et a eu dix ou quinze enfants. Il vivait dans le bonheur et dans la paix. On l’a attendu au ciel un an, deux ans, trois ans, dix ans, mais il ne revenait pas. Ils l’ont appelé, mais il ne voulait pas rentrer : « Ici, je me sens très bien », disait-il. Ils ont décidé de lui prendre ses enfants pour l’obliger à revenir, mais malgré ce malheur, il ne voulait toujours pas revenir. Ils lui ont pris aussi sa femme, mais rien n’y faisait : il s’est mis en quête d’une nouvelle femme ! À la fin, ils ont décidé de l’atteindre lui-même et lui ont envoyé une maladie grave qui l’a fait revenir au ciel. Lorsqu’il s’y est réveillé, il a commencé à rire de sa vie terrestre.

Beaucoup de nos contemporains vivent comme ce dieu, mais ne savent pas qui ils étaient auparavant ; ils sont aussi comme ce nanti : ils fouinent et résolvent diverses questions sur la terre. Des malheurs s’abattent sur eux pour les raisonner, mais ce n’est qu’en quittant leur forme de cochon qu’ils comprennent leur véritable être. Que représente cette forme porcine ? Elle est l’extrême matérialisme qui règne maintenant. En quoi consiste-t-il ? En cela précisément : les gens s’assemblent pour parler de ceci et de cela, de l’autre monde, du bien dans le monde, mais ils ont leurs oies et leurs poules, du vin, et vivent dans l’aisance ; les pauvres qui les écoutent parler ainsi, se disent : « Ceux-là parlent toujours de l’autre monde et de Dieu, mais vivent très bien ici-bas ». Ainsi la vie des riches et leur matérialisme plaît aussi aux pauvres, au point de le prendre comme idéal, comme un objectif à atteindre dans leur vie, ce qui crée l’enseignement du matérialisme ; les pauvres disent aux riches : « Nous voulons vivre comme vous ». Puisque les riches sont devenus la cause de l’éloignement des pauvres du droit chemin, le Seigneur les mettra à la place des pauvres pour qu’ils corrigent leurs erreurs : c’est la loi. C’est pourquoi le Christ dit : « Je suis venu comme une lumière dans le monde pour éclairer les choses ».

Il n’y a pas de contradiction dans la nature, mais nous en créons. De quelle manière ? Nous ne pouvons pas contrôler une partie de la matière que Dieu nous a donnée et nous créons ainsi le mal. Tous les péchés ont leur origine dans la matière, chaque péché a une forme ; montrez-moi un péché sans forme. On dit de quelqu’un qu’il est égoïste, en quoi consiste son égoïsme ? Il veut avoir des maisons, de l’argent, dominer sa femme et ainsi de suite. On dit pour d’autres qu’ils sont avares, qu’ils détestent les gens, etc. Tous les péchés ont un mobile matériel ; lorsque nous arrangerons toutes les mauvaises formes, le péché disparaîtra aussi. Par conséquent les mauvaises formes créent le mal, c’est pourquoi on recommande aux gens de se créer de belles formes. Deux scientifiques se réunissent et proposent deux théories opposées sur le soleil, sur son état ; d’autres scientifiques commencent à se questionner pour savoir qui des deux a raison, et ils deviennent adeptes de l’un ou de l’autre ; aujourd’hui tous les scientifiques débattent sur qui a le plus d’adeptes parmi les sommités de la science. Deux prêtres luttent pour obtenir plus de disciples, plus de paroisses que l’autre ; le Christ et Moïse ne sont pas d’accord, ils ne réconcilient pas le monde ; le Christ et Mohamed n’ont pas d’accord entre eux sur la terre. Il n’y a pas dans le monde un tel Moïse, un tel Mohamed, un tel Christ : le Christ, le Moïse ou le Mohamed qui sont une cause de division des humains ne sont pas les serviteurs de Dieu. Lorsque quelqu’un est envoyé pour apporter une grande idée divine, il n’a pas le droit d’éprouver les humains et de rechercher son propre intérêt. Le Christ dit ainsi : « Moi, l’Esprit, J’apporte cette lumière aux humains qui croient, c’est-à-dire qui sont purs ».

Maintenant par exemple, croyez-vous en ce que je vous dis ? Vous direz que vous ne l’avez pas encore éprouvé. Et croyez-vous dans le Christ ? Cela fait deux mille ans que les humains éprouvent le Christ. Les juifs, croient-ils en Moïse ? Je n’ai pas encore rencontré quelqu’un qui croit entièrement en son Maître. Ceux qui disent qu’ils croient dans le Christ ou en n’importe qui d’autre, ne disent pas toute la vérité. Croire dans le Christ, ne signifie pas être debout dans l’église, avec vénération, mais être dans son âme avec la même disposition, en communion avec le Christ. Je ne vous parle pas de religion, nous sommes rassasiés de religion ! Nous devons vivre dans l’amour divin, l’affection divine, l’esprit divin. Que les religions actuelles aillent aux nantis, aux gens du passé, et la vie divine aux gens de l’avenir. Certains pensent que nous cherchons encore à leurrer les autres ; loin de moi une telle idée. Il y a en moi de l’amour qui est un mouvement de haut en bas ; je comprends ce qu’est l’affection, c’est-à-dire le mouvement de l’âme humaine de bas en haut ; je comprends ce qu’est l’esprit divin, c’est-à-dire la force qui tient tout en harmonie. Tant que vous avez votre compréhension religieuse actuelle, nous ne pourrons jamais être d’accord. Pouvez-vous dire comme le Christ : « Je suis venu comme une lumière dans le monde », pouvez-vous être une lumière pour vous et vos proches ? C’est ce qui vous est demandé à vous tous, car vous pouvez tous être dans ce sens des sauveurs du monde. Tant que nous attendons d’une seule personne le salut du monde, il ne se redressera jamais car nous devons tous nous préoccuper de son redressement. C’est ce que nous réussirons en maintenant l’ordre divin des choses et en cherchant à ne pas le perturber.

Lorsque quelqu’un me demande si je crois dans le Christ, je trouve que c’est la question la plus inconséquente, car c’est comme si quelqu’un me demandait si je crois en la lumière, en l’amour. Je marche dans l’amour, à quoi bon y croire ? Chaque jour je m’adresse à Dieu, comment ne croirais-je pas en Lui ? Puisqu’on me pose ces questions, c’est qu’on veut me disqualifier, faire de moi un démon, un antichrist, un nanti. Je ne veux être ni nanti, ni prolétaire à la manière dont les gens l’entendent aujourd’hui. Je ne vous parle pas du Christ historique, mais du Christ vivant, celui qui est en vous et parmi vous. Sortez-vous de la tête que le Christ est en dehors de vous. Le Christ vivant, c’est l’Esprit, et lorsque vous Le comprendrez, vous Le verrez en chacun. Tant que vous cherchez le Christ dans un seul individu, vous ne Le trouverez jamais. Je vous l’ai déjà dit auparavant : si quelqu’un cherche à vous examiner, pourrait-il le faire à partir d’un seul de vos cheveux ? Si quelqu’un en aime un autre et prend un de ses cheveux, peut-on dire que ce cheveu renferme tout son amour ? Ce serait une vraie idylle ! Je vois ainsi des religieux : ils prennent un cheveu du Christ, ils le regardent, ils le regardent encore et puis le reposent sans le comprendre. Tout le monde prend non seulement des cheveux mais aussi des morceaux de sa Croix, mais le monde ne s’arrange pas. Pourquoi ? Parce qu’ils ne s’occupent que du côté physique du Christ, alors qu’il a dit : « Celui qui accomplit la volonté de mon Père, vivra dans la lumière ».[3]

Je ne vise pas par-là la vie privée des gens, mais je veux purifier les rigoles d’eau. J’ai décidé de purifier l’eau trouble, non pas que je l’abhorre, mais je veux qu’elle arrose les jardins où sont plantés les poivrons, les choux, les carottes et les autres légumes et qu’elle laisse sa place à l’eau pure. L’eau trouble est nécessaire aux jardins et l’eau pure, dans la vie, aux voyageurs qui retournent à Dieu. Lorsque le Seigneur a créé le monde sans nationalités, ce monde était heureux, mais aujourd’hui, depuis que les anciens Égyptiens, Assyriens, Philistins, Romains, Grecs sont venus, le bonheur a disparu de la terre. La science moderne et la vie m’intéressent, et malgré toutes les contradictions que je rencontre, je trouve des choses fort utiles. J’admire bien plus un enfant pieds nus qu’un enfant richement habillé ; cet enfant pauvre est formidable car on peut discuter avec lui, il est modeste, alors que l’enfant riche a des formes extérieures trompeuses par lesquelles il veut prouver qu’il est intelligent. Je croise un ivrogne, il s’excuse et me dit : « Je vous demande pardon, Monsieur, je suis un âne, j’ai trop bu » ; je lui dis : « Tu n’es pas un âne car l’âne ne boit pas, mais tu es sincère et je te respecte pour cela ». Parfois, lorsqu’il boit trop, l’homme peut devenir nanti ; l’ouvrier ne se saoule jamais ; tous les ivrognes sont des nantis.

En définitive, revenons vers Dieu pour vivre sans la religion de la haine, de la jalousie et de l’avidité. Je ne veux pas dire par là qu’il faut rejeter la religion ; il faut que la lutte des classes continue d’exister car elle est nécessaire comme sont nécessaires les vers de terre qui labourent le sol. L’agriculteur dit : « J’ai labouré le champ ». Non, ce n’est pas toi qui l’as labouré, mais ces vers qui vivent profondément dans le sol. Ainsi, dans la lutte des classes, les prolétaires et les nantis sont les vers qui ont travaillé des années durant et ont oxygéné le sol ; viendront ensuite les anges avec leurs charrues pour ensemencer le sol et dire : « Vous avez suffisamment travaillé, nous vous remercions : vous aurez de quoi boire et manger pour les millénaires à venir et vous serez tous des frères ». Les chrétiens disent qu’ils seront au paradis à cette époque bénie, les turcs disent qu’ils auront des montagnes entières de riz pilaf, rendez-vous compte quelle idylle ce sera ! Du riz pilaf sans tickets de rationnement… Mais le Christ dit : « Je suis venu comme lumière dans le monde », et la lumière est le sens de la vie, elle est une nourriture de l’esprit, de l’âme et du cœur. Cela signifie que vous serez satisfaits dans votre for intérieur, rassasiés dans la vie, et que vous aurez l’énergie et le désir de travailler.

Maintenant, lorsque vous rentrerez à la maison, vous commencerez à philosopher : « Peut-on vivre sans religion ? » Lorsque le Seigneur a créé le monde, il n’y avait pas de religion, la religion est apparue dans le monde lorsque le diable est venu. Jadis les humains vivaient dans l’amour et tout enseignement qui n’était pas guidé par l’amour n’était pas reconnu comme un enseignement divin. Selon moi la religion est un sanatorium, un hôpital pour des malades. Lorsqu’une jeune fille est déçue de la vie et lorsqu’un jeune homme perd sa bien-aimée, tous les deux deviennent religieux ; donc tous les religieux sont des nantis qui ont fait faillite, alors que ceux qui servent Dieu par amour sont des personnes sans religion. Ceux qui sont encore à l’hôpital, je leur préconise de ne pas en sortir prématurément, et s’ils veulent sortir, ils doivent demander au médecin s’il est temps, si leur organisme fonctionne correctement ; et si le médecin l’autorise, alors qu’ils empruntent le large chemin de la vie où on vit sans religion. Il doit vous dire : « Vous êtes libres » et vous signer une attestation pour vous laisser sortir. Pour le moment, l’église est un hôpital, les prêtres et les prédicateurs sont des infirmiers et des médecins. Certains parmi vous sont sur le point de sortir de l’hôpital et je me tiens à la sortie ; même si je suis un prédicateur qui n’a été appelé par personne, un prophète sans portefeuille, je vous demanderai si votre vie à l’hôpital était agréable, si vous y avez bien appris votre leçon. Vous direz : « Ces injections nous ont fait du mal ! » Le médecin dit : « Celui qui ne demeure pas en Dieu, goûtera à nos aiguilles et vivra à l’hôpital ». Je dis : « Je ne porte pas d’aiguilles, pas de couteaux, je n’ai pas de trousse à pharmacie, ni de sac, mais respirez l’air frais, regardez en haut, ne marchez pas dans l’obscurité, que le soleil vous éclaire pour ne pas finir de nouveau à l’hôpital ». Si vous y entrez de nouveau, c’est dangereux car la situation se complique : le médecin viendra encore pour user de tous les moyens et surveiller la fièvre qui monte. Alors le malade fera faillite et sera renvoyé de l’hôpital car il n’y a pas de vie possible avec une fièvre trop élevée. Il sera emmené en salle d’autopsie pour se faire ouvrir le cerveau, l’estomac, les intestins afin d’élucider les raisons de son renvoi. Le Christ dit qu’on peut vivre sans thermomètre. Ne vous préoccupez pas de ce qui est utile ou non dans la vie : tout est utile, mais cessons d’imaginer que la vie existe uniquement à l’hôpital. Hôpital, église, salle de concert, école, ce sont des choses transitoires, alors que la vie implique quelque chose de plus sérieux. Dans la vie authentique, il ne faut souffrir d’aucun trouble, mais fournir un travail permanent.

Je définis en trois mots ce que le Christ dit : peine, labeur, travail. Un étudiant dit : « J’ai beaucoup peiné pour entrer au lycée et j’ai consacré beaucoup de labeur pour le terminer ». Lorsque vous avez éprouvé la peine et le labeur, vient le temps du travail : c’est l’enseignement que je vous prône maintenant. À ceux qui ont peiné, je dis de ne plus peiner, mais de passer au labeur ; à ceux qui ont éprouvé la peine et le labeur, je dis : cessez d’être dans la peine et le labeur, mais venez auprès de moi, je vous apprendrai à travailler. Ce sont les paroles du Christ qui dit dans le verset cité : « Moi, mon Esprit viendra vous enseigner quoi faire ». C’est le moment pour ceux qui ont terminé l’école de s’arrêter, de présenter leur certificat ou leur diplôme, car auparavant ils ont été ignorants. Aujourd’hui, partout dans le monde, on veut des diplômes, et si tu n’en as pas tu ne peux être ni enseignant, ni ministre, ni magistrat, etc. La vie future ne sera pas la vie du passé. Le Christ dit : « À l’avenir, il n’y aura pas besoin de certificats », et la vie actuelle servira de socle pour la vie future. De nouvelles formes seront fabriquées et nous savons quelles sont ces formes : la fraternité avec amour. Ainsi, ceux qui ne sont pas entrés à l’école et ne connaissent pas la lumière, éprouveront la peine et le labeur. Peu nombreux sont ceux qui travailleront, seulement quelques poètes, peintres et musiciens. Le travail consiste à n’avoir aucun trouble dans son esprit.

Le Christ dit : « Je vous apporte l’amour divin, entrez en lui, manifestez votre affection et alors l’Esprit se manifestera, entrera en vous et vous comprendrez le sens profond de la vie ».

Sofia, 4 mai 1919

Traduit par Bojidar Borissov

 

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