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1918_11_03 Les élus


Ani
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Les élus

« Mais tous unanimement se mirent à s'excuser ».

Luc 14 :18

En lisant le chapitre 14 de Luc, vous y voyez des extraits d’une longue parabole dans laquelle le Christ a développé quelques principes communs à toute l’humanité. Il y est dit qu’un homme a donné un grand souper et qu’il a invité beaucoup de monde ; on parle de convives à un souper. Les mots invitation et culture ont quelque chose en commun. La culture désigne le degré de développement matériel et spirituel d’un peuple ; chaque introduction à quelque chose de neuf est aussi une culture ; chaque transition d’un état à un autre est aussi culture. Le mot convive sous-entend le passage d’un homme d’un état ordinaire à un état extraordinaire.

C’est vrai, pour être invité à un grand souper, il faut sortir de son état ordinaire et entrer dans un nouvel état festif. Quel est le dénominateur commun entre les trois invités qui se sont décommandés ? Le premier s’est décommandé sous le prétexte qu’il doit aller voir son champ ; le deuxième, pour essayer les cinq paires de bœufs qu’il a achetés ; le troisième, parce qu’il s’est marié. Ces trois-là qui ont décliné l’invitation représentent trois catégories d’hommes qui n’acceptent pas la nouvelle culture : la première catégorie y renonce car ils vont à leurs champs ; la deuxième catégorie, car ils vont essayer leurs bœufs, la troisième, car ils vont se marier. Les trois catégories d’humains qui ont renoncé à la culture du Christ peuvent être assimilées au grain tombé dans des conditions défavorables : la première catégorie, c’est le grain tombé sur un chemin ; la deuxième catégorie, c’est le grain tombé dans les ronces ; et la troisième catégorie, le grain tombé dans un endroit pierreux.

Nombreux sont ceux à qui le Christ a proposé un nouveau chemin, une nouvelle culture, une nouvelle vie, mais tous ont décliné, ils ont préféré s’occuper de leurs champs, conquérir des territoires, étendre leurs frontières. Les juifs étaient de la première catégorie qui a renoncé sous prétexte de devoir cultiver leurs champs ; ils ont dit au Christ : « Nous ne sommes pas d’accord avec ton enseignement hérétique. » Ensuite ils l’ont crucifié. Le Christ a aussi montré le chemin aux peuples latins qui s’occupaient des cinq paires de bœufs, mais ils ont aussi décliné. Ils ont créé en fin de compte l’inquisition au nom du Christ ; l’histoire recense cinquante millions de personnes victimes de l’inquisition. La troisième catégorie de personnes, ce sont nos contemporains qui se marient et refusent la nouvelle culture. Ils disent : « Pourquoi une nouvelle culture, une nouvelle vie ? Tant qu’il y a à boire et à manger, nous boirons, nous mangerons et nous nous amuserons avec femmes et enfants. » Il n’y a rien de fameux dans cette philosophie. C’est aussi ce qu’a dit Salomon qui avait trois cents femmes et six cents concubines ; après avoir essayé toutes les douceurs de la vie terrestre, il a dit : « Vanité des vanités, tout est vanité ! » Aujourd’hui, croyants et incroyants citent la pensée de Salomon, en ayant en tête aussi bien la vie physique que la vie spirituelle. Ce n’est pas exact. Salomon a tiré cette conclusion après avoir essayé tous les biens passagers sur terre. Toi qui tires la même conclusion, as-tu éprouvé la vanité de tous les biens ? Si ce n’est pas le cas, tu n’as pas le droit de parler ainsi. Si tu tires la conclusion d’après ta vie personnelle et d’après les sottises que tu as commises, elles ne peuvent pas se généraliser à tous, elles ne suffisent pas pour en faire une philosophie de la vie.

Que représente le champ que les gens cultivent ? C’est le corps humain. La jeune fille se regarde plusieurs fois par jour dans le miroir, contente d’elle, nullement pressée de se marier. Pourquoi ? Elle ne veut pas être mère, porter des enfants ; elle s’occupe de son champ. Le jeune homme se promène librement dans les rues, lève et baisse sa canne et ne veut pas se marier, devenir père et avoir des contraintes. Ceux qui ne pensent qu’à leur champ agissent de la sorte, qu’ils soient jeunes ou vieux. La vieille grand-mère aussi estime que les jeunes font des bêtises. Ce ne sont pas des bêtises. Tous les jeunes ne sont pas bêtes et tous les vieux ne sont pas sages. Est-ce que les ruisseaux qui sortent de la source principale sont troubles ? Au départ toutes les rivières sont pures, mais en s’écoulant au loin et en traversant les couches terrestres, elles accumulent des résidus qui troublent leurs eaux. Tous les jeunes gens sont propres et limpides comme un torrent ; en empruntant le long chemin de la vie, ils vieillissent, c’est-à-dire se troublent. La vieillesse n’est pas une mauvaise chose, elle sous-entend un mouvement en avant. Pour autant, que peut-on attendre de ces jeunes gens qui s’habillent et se changent plusieurs fois par jour et troquent une paire de chaussures pour une autre encore plus à la mode ? On ne peut rien attendre d’eux. Ils restent postés devant le miroir et se regardent, et si vous les invitez à un grand souper, ils déclinent. Pourquoi ? Parce qu’ils s’occupent de leur champ. Ces gens se font passer ensuite pour patriotes et ouvriers de la nation. Ne les croyez pas, ils ne pensent qu’à de nouveaux vêtements et de nouvelles chaussures, à des maisons et des biens. Ces patriotes sont partout, dans tous les pays, ils glorifient leur patrie en paroles, mais en réalité ils œuvrent à leur propre gloire.

La deuxième catégorie de personnes sont celles qui ont renoncé au diner pour essayer les cinq paires de bœufs. Ces cinq paires de bœufs sont les cinq sens. Ce sont les gens des plaisirs, la vie est un commerce pour eux, ils mettent l’argent à la première place, leur devise dans la vie c’est l’argent. Ils clament comme Petko Slaveikov[1] dans l’une de ses odes : « Piécette d’or, piécette d’or, princesse toute puissante, sans toi c’est l’enfer, avec toi, le paradis. » Ils agissent comme ça leur chante ; où que vous soyez : à la taverne, au théâtre, au concert, ils devancent tout le monde. Là où il y a des plaisirs et des fêtes ils sont les premiers ; ils essaient leurs cinq paires de bœufs, c’est-à-dire ils essaient tout ce qu’ils perçoivent par les cinq sens. Si vous leur parlez de l’enseignement du Christ, de la nouvelle culture, ils vous diront : « Cela importe peu aujourd’hui, ce sont les cinq paires de bœufs qui importent dans le monde d’aujourd’hui. » Pour eux, celui qui va au-delà des cinq sens et croit à autre chose est un sot mal éduqué et mal luné. Vous verrez ces gens dans tous les cafés et dans toutes les brasseries, attablés devant des verres remplis, les jambes croisées, en train d’expliquer le sens de la vie. Où est le sens de la vie ? Au champ ? À éprouver les cinq paires de bœufs ? Je n’ai rien contre ceux qui travaillent au champ ; je n’ai rien non plus, contre ceux qui font du commerce avec leurs cinq paires de bœufs, mais je dis que celui qui sacrifie le supérieur pour l’inférieur ne comprend pas le sens de la vie.

Chacun doit se demander quel est le sens de sa vie. Lorsqu’il grandit, l’enfant s’y intéresse beaucoup, il se mesure constamment et se compare aux autres enfants pour voir s’il a grandi. La petite fille veut être grande comme sa mère et avoir des longs cheveux noirs, des sourcils noirs et arqués, des lèvres rouges et pulpeuses. Et cela se réalise, elle devient une jeune femme svelte et jolie qui s’émerveille devant sa beauté et qui émerveille ceux qui la côtoient. Le petit garçon quant à lui veut être comme son père, avoir une barbe et des moustaches, être fort. Lorsqu’il grandit, il devient beau et svelte et attire l’attention des filles. Un jour, les jeunes gens perdent leur jeunesse, les cheveux blanchissent jusqu’à ce que la vieillesse vienne ; ils se courbent et disent aux jeunes : « Fiston, notre vie est finie. Vanité des vanités et tout est vanité ! » Ce sont les gens qui ont éprouvé leurs cinq paires de bœufs : ils ont tout centré autour de leurs cinq sens. Je leur demande : « Avez-vous essayé de labourer avec les cinq paires de bœufs ? – Nous avons essayé, nous avons labouré avec eux. – Puisque vous avez déjà labouré, sachez qu’il y a quelque chose de supérieur au labourage à quoi il faut désormais aspirer. »

J’en viens maintenant à la troisième catégorie de personnes, celles qui ne pensent qu’à elles, qui veulent occuper une position sociale élevée. Si vous leur parlez de l’enseignement du Christ, ces gens vont aussitôt vous demander ce qu’il a à voir avec leur situation sociale ? Ils sont déjà mariés ; quel est le rapport de l’enseignement du Christ au mariage ? « Ne nous comptez pas pour le souper. »

Depuis deux mille ans le Christ convie tout le monde, tous les peuples à un grand souper pour leur expliquer les principes de la vie, mais aujourd’hui encore ils se décommandent. Qu’est-ce qui les attend s’ils renoncent ? Où est le peuple juif, où est le grand empire Romain ? Les peuples aujourd’hui traversent aussi une grave crise. Ce n’est que maintenant que l’idée d’un salut de l’humanité, grâce à l’union fraternelle de tous les peuples, commence à se frayer un chemin. Ce n’est que maintenant que l’idée que l’être humain ne vit pas uniquement sur Terre, émerge peu à peu. Les gens commencent donc à appréhender leur vie, comme celle des végétaux c’est-à-dire une vie pour les racines - une vie matérielle, inférieure, et une vie pour les ramifications - une vie sublime, spirituelle. La vie terrestre va vers le centre de la Terre et la vie spirituelle vers le centre du Soleil. Les habitants de la Terre qui vivent dans les racines de la vie en ont une compréhension ; les habitants du monde spirituel qui vivent dans les branches en ont une compréhension diamétralement opposée. Mais la vie ne se limite pas uniquement aux racines et aux branches. Il y a une autre vie, celles des fleurs et des fruits. Lorsque vous serez à la vie du fruit, on pourra alors parler du processus de la maturation.

Le Christ s’adresse à ses disciples avec des fables pour leur expliquer les raisons pour lesquelles les gens ne peuvent pas entrer dans le Royaume de Dieu. C’est parce que leur attention est accaparée par les champs, les bœufs et leurs postes de travail. Le champ n’est qu’un champ, les bœufs ne sont que des bœufs, le poste - un poste, mais les humains ne peuvent pas découvrir comment rentrer dans le Royaume de Dieu avec leur champ, leurs bœufs et leur poste. Comment vous rendez-vous chez un ami qui vit à quelques kilomètres ? Vous préparez votre attelage et vous vous mettez en route ; en arrivant chez votre ami, vous arrêtez la voiture, et on sort pour vous accueillir. Vous rentrez la voiture dans la cour, vous dételez le cheval pour l’emmener dans l’écurie puis vous vous dirigez vers la maison. Vous enlevez votre manteau avant de rentrer chez votre ami. L’attelage, le cheval et vos bagages sont le champ et les bœufs qui vous freinent pour rentrer dans le Royaume de Dieu. Le manteau est le poste que vous exercez temporairement ; vous vous débarrassez de lui, vous le laissez dehors pour entrer ainsi chez votre ami, c’est-à-dire dans le Royaume de Dieu. Le juge ne fait-il pas la même chose ? Lorsqu’il exerce au tribunal, il met une robe de magistrat ; après la lecture de la sentence il l’enlève et remet ses habits de tous les jours comme quelqu’un d’ordinaire. Tant qu’il est sur le champ de bataille le soldat tient en joue son ennemi ; lorsqu’il baisse son fusil et sa baïonnette, il redevient quelqu’un d’ordinaire. Est-ce de la culture ?

Lorsqu’il meurt, l’homme laisse le champ, les bœufs, sa femme et ses enfants et part seul dans l’autre monde, où reste sa culture ? Tout ce qui le rendait cultivé, extraordinaire, il le laisse sur Terre et part seulement avec ce qu’il avait en arrivant. Quelle culture avaient les juifs qui ont perdu leur terre et sont devenus esclaves des égyptiens ? Vous direz que les égyptiens étaient cruels, qu’ils massacraient les nouveau-nés juifs. Les peuples d’aujourd’hui ne font-ils pas la même chose, les êtres humains ne font-ils pas la même chose ? Vous anéantissez ce qui est noble et sublime en vous et vous passez pour des gens cultivés. Anéantir le divin en soi, c’est massacrer les enfants de Dieu. Que direz-vous de ceux qui ont renoncé à assister au grand souper, sont-ils prêts pour la nouvelle culture ? Ils ne sont pas prêts.

Alors, le maître de la maison irrité dit à son serviteur : « Va promptement dans les places et dans les rues de la ville, et amène ici les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux. » Ceux-là ont répondu à l’invitation, ils sont porteurs de la culture future. Qui sont les estropiés ? Ceux qui ne touchent pas aux affaires des autres. Qui sont les boiteux ? Ceux qui ne commettent pas de crimes. Qui sont les aveugles ? Ceux qui ne sont pas cupides. Le cupide est assoiffé d’argent, le considérant comme la plus grande richesse, mais ne voit pas le Royaume de Dieu qui apporte la véritable richesse. Pour lui l’argent et le charbon ont le même prix. L’argent est précieux, c’est vrai, s’il est raisonnablement utilisé. Celui dont les mains se refusent à faire le mal et dont le cœur est ouvert pour l’amour correspond aux estropiés. Celui qui n’envie pas et ne fait pas de mal correspond au boiteux.

Et le maître dit à son serviteur : « Aucun de ces hommes qui avaient été invités ne goûtera de mon souper. » Qui sont les véritables élus ? Les pauvres, les estropiés, les boiteux et les aveugles ; ils ont répondu à l’invitation. Ils sont extérieurement repoussants, disgracieux, mais le jour viendra où leur beauté éclatera au grand jour, dans l’accomplissement de bonnes œuvres et d’exploits mémorables. On les aimera pour leurs actes comme on aime les riches pour leur argent. Il vaut mieux être aimé pour ses actes plutôt que pour son argent et sa beauté extérieure. Qu’est-ce qui vaut mieux, être beau à l’extérieur comme la lumière du jour qui éclaire tout en journée mais s’éteint le soir, ou bien être beau à l’intérieur, éclairé par la lumière divine ? Cette première beauté est appelée physique, la seconde, spirituelle. La première se manifeste en journée, la seconde se manifeste le soir et éclaire le chemin des souffrants et des misérables, des affligés, des égarés. C’est pourquoi il est dit que les belles choses croissent dans l’obscurité. David dit : « Abrite-moi sous ton aile. » Les Bulgares qui croient au mauvais sort ne permettent pas aux jeunes filles de sortir en journée de peur d’attirer un mauvais sort. Qu’est-ce que le mauvais sort ? Les pensées et les désirs malveillants des humains. Ils recèlent en eux une force meurtrière ; dans certains cas ils sont plus effroyables que les canons et les grenades. Le livre d’un écrivain qui regorge de pensées et de sentiments retors intoxique les esprits et les cœurs de plusieurs générations, alors que les canons ne durent qu’un temps, le temps d’une guerre.

Le christianisme vient sauver l’humanité des pensées et des sentiments malveillants et pervers, inculqués aux gens depuis des milliers d’années. Vous direz que le christianisme est un nouvel enseignement qui a deux mille ans. Il n’est pas nouveau, il a déjà traversé trois périodes. La première date de la création du premier homme à l’image et à la ressemblance de Dieu ; aujourd’hui encore il vit dans le paradis. La deuxième date du temps du second homme, fait de terre, chassé du paradis pour désobéissance. La troisième est celle de l’humanité actuelle, lorsque les humains sont apparus en dehors du paradis, habillés de chair. Ce sont les humains d’aujourd’hui qui prêchent le christianisme.

L’homme contemporain a une compréhension spécifique du christianisme. Le rapport de certains religieux au christianisme est le même que celui de l’inculte envers un livre cher et aux reliures précieuses : il examine le livre, sa page de garde, sa matière, le nom de l’éditeur. Lorsqu’il a fini de l’ausculter il dit à ses amis qu’il a vu un beau livre aux reliures précieuses. C’est important en effet, mais avant tout il devrait prendre connaissance de son contenu et en tirer profit. Le christianisme est un livre précieux, de matière noble qui ne profite qu’à celui qui l’ouvre et le lit ; on y trouve des méthodes et des commandements pour bien vivre. S’il reste fermé, ce livre ne sert à rien. C’est comme si un médecin dispose d’un médicament précieux qui donne la vie aux humains, mais qu’il ne peut l’administrer. Tous observent le flacon du médicament, mais personne ne peut l’ouvrir. S’ils cassent le flacon, le médicament sera perdu. Quel intérêt d’avoir le livre et le médicament s’ils ne peuvent être utilisés ? Quelle que soit votre admiration devant leur apparence, ils n’apportent rien. Il y a un livre plus précieux, c’est l’âme humaine. Y sont écrits les secrets cachés de l’existence, de la création du monde jusqu’à la fin des siècles.

Lorsqu’il est question de l’âme, certains se demandent si elle existe ou non. Peu nombreux sont ceux qui ouvrent et lisent ce livre. Un philosophe grec a dit : « Connais-toi toi-même ». Cette pensée recèle l’enseignement de l’âme. Se connaître soi-même, c’est ouvrir le livre de son âme et lire : on y trouvera les secrets de l’existence. Les Saintes Écritures contiennent moins de secrets que ceux inscrits par Dieu dans l’âme humaine. Lisez ce qui est écrit dans votre âme pour voir comment ont vécu toutes les créatures vivantes, tous les anges ; c’est le seul moyen de vivifier le monde et de l’ouvrir à vous. Peut-on rentrer en contact avec les anges ? On le peut, je le fais chaque jour. Vous direz que c’est impossible ; essayez et vous verrez qu’il est possible de parler avec les anges. Combien d’anges se présentent devant les cœurs humains ! Mais au lieu de leur ouvrir leurs cœurs, les humains disent : « Ne compte pas sur moi. » Certains renoncent à les accueillir sous prétexte qu’ils doivent aller au champ, d’autres, qu’ils essaient cinq paires de bœufs, et d’autres encore, qu’ils vont se marier. Salomon aussi hébergeait dans son palais neuf cents femmes, mais ce n’est pas un mariage.

L’homme d’aujourd’hui se sépare de sa femme et se remarie avec une femme divorcée ; la femme fait de même ; ils passent ensuite pour des gens éduqués. Quelle est la culture d’une vie de divorcés ? Divorcer de celui avec lequel Dieu t’a accordé et te lier à un homme ou une femme étrangère, ce n’est pas la véritable culture. En affrontant des difficultés, les gens disent que la vie est une lutte et qu’ils doivent par conséquent combattre. Que l’agneau combatte le loup a du sens, mais quel est le sens de la lutte de deux sœurs ou de deux frères dans un même foyer ? Que les gens qui servent des divinités différentes s’affrontent entre eux a du sens, mais faut-il s’affronter lorsqu’on sert un même Dieu ?

Le maître de la maison dont parle le Christ a invité beaucoup de gens au souper, mais ils ont décliné l’invitation. On dit que ces gens ne sont pas prêts pour la nouvelle culture : ils s’occupent de choses futiles, passagères qui dévient leur attention de la véritable prédestination de l’être humain. Il est permis au ver à soie de prendre soin de son corps quarante jours à peine, après quoi il y renonce et se transforme en cocon, puis il renonce au cocon et se transforme en papillon. Le corps auquel l’être humain prête autant d’attention n’est pas la chose la plus essentielle, ni la plus sublime dans la vie : il doit se transformer, se parfaire. Paul dit : « Il y a un corps naturel et aussi un corps spirituel.[2] » Le corps naturel est celui qui ne résiste pas aux maladies, on l’appelle encore le corps physique. Voilà, la grippe espagnole illustre sa robustesse : si on lui administre quelques injections, soit il résiste, soit il périclite. Il est préférable d’être éveillé et résistant aux microbes ; ils n’élimineront que ce qui est inutile dans l’organisme et ensuite, il annihilera leur action par sa pensée et sa volonté. Il existe quelque chose de plus dangereux que les microbes, c’est la haine des humains.

Aujourd’hui, le Christ convie tous les êtres humains à un grand souper, c’est la Nouvelle vie à laquelle vous êtes appelés. Essayez-la pour constater le bien être qu’elle apporte aux âmes humaines. Celui qui acceptera l’invitation de bon cœur verra ses yeux s’ouvrir, il verra les anges qui montent et qui descendent, il se liera à eux et commencera à étudier le nouveau savoir. Il transmettra à ses plus petits frères ce qu’il apprendra. C’est le véritable savoir, et celui qui l’acquiert est utile à lui-même et à ses proches. Il dispose du savoir quelles que soient les conditions, il devient sa chair et son sang. Quel savoir détient l’âne ou le cheval s’il est chargé des livres sacrés de toute l’humanité - est-ce que cet âne est savant ? Il braie à chaque occasion sans soupçonner quels livres il transporte. Aspirez au savoir que vous pouvez emporter dans l’autre monde et pas à celui qui vous brise le dos.

La troisième catégorie d’individus qui refusent d’assister au dîner sont ceux qui vont se marier. Ils sont comme les patriotes qui aiment leur patrie, mais veulent l’utiliser pour obtenir des postes importants. Le vrai patriote est celui qui sacrifie tout pour sa patrie, il doit être un exemple à suivre. Celui qui se sacrifie pour son prochain, pour sa patrie, pour une idée supérieure ne meurt pas, en son nom ressuscitent tous les êtres, tous les peuples. Les grands êtres sont l’âme des peuples.

Un jour, tous les peuples ressusciteront, et avec eux toute la race blanche. Alors viendra le Christ. Par conséquent, l’avènement du Christ sur Terre sera célébré par l’acquisition de la liberté des peuples. Chaque peuple qui essaie d’asservir un autre peuple et le priver de liberté, se prive de la bénédiction divine. Ne pensez pas que vous êtes séparés du tout. Si vous déclinez l’invitation en disant qu’il vous faut aller au champ, ou essayer les bœufs ou vous marier, ceci ne vous dégage pas de vos responsabilités envers le tout. La vie de chaque homme doit se déverser dans la vie du tout, et tous ensemble vous devez constituer le grandiose édifice à venir.

Je souhaite que tous les Bulgares soient parmi les aveugles, convoqués par le Christ au souper. De quels aveugles parle le Christ ? Ceux dont les yeux sont fermés au mal mais ouverts pour le bien et le sublime. Le Bulgare aime son champ, mais chacun a ce dont il a le besoin ; s’il prend plus qu’il ne faut, il le perd facilement. Chacun a le droit de cultiver la terre, mais sans se l’approprier. C’est ce que Dieu exige de nous, c’est ce qu’exige l’amour.

Que représente l’amour ? Certains utilisent les mots amour et affection indifféremment alors qu’ils sont différents. L’amour est une force créatrice qui donne la vie ; l’affection bâtit sur ce que l’amour crée. En général l’amour donne, l’affection prend.

Un disciple est venu auprès d’un maître hindou lui demander ce qu’est l’amour. Le maître est resté silencieux sans dire un mot. Le disciple est venu le voir cinq jours de suite avec la même question, mais le maître demeurait silencieux. Le disciple a insisté pour obtenir une réponse à la question posée. Au sixième jour, au lieu de répondre, le maître l’a pris par la main et s’est dirigé vers le Gange. Il l’a plongé entièrement dans l’eau en l’y maintenant cinq minutes durant. Le disciple s’est débattu sans réussir à se libérer de la main ferme du maître. Le maître l’a enfin sorti de l’eau en lui demandant : « Qu’as-tu ressenti dans l’eau ? – Une grande tension intérieure et un besoin d’air. » Le maître lui a répondu : « Lorsque tu ressentiras un tel besoin intérieur d’amour, tu comprendras alors ce qu’il représente. Comme tu respires à chaque fois que tu ouvres la bouche, de même à chaque fois que ton âme s’ouvrira, tu aimeras. »

               La culture chrétienne d’aujourd’hui, tel le maître hindou, tient fermement les peuples européens et les plonge dans l’eau. Cinq ans déjà qu’ils se débattent pour se libérer. Le Christ leur demande : « Que sentez-vous ? – Nous avons besoin de liberté. » Tous les peuples seront libres lorsqu’ils se tourneront vers Dieu pour s’aimer ; l’amour rend libre. Renoncez à l’égoïsme, à la pensée de votre devenir. Accomplissez la volonté de Celui qui demeure en vous. Le Christ dit : « Je ne cherche pas la gloire humaine, mais celle de Dieu. » L’être humain est une partie de l’organisme divin ; puisque tout l’organisme est bien portant, ses parties le seront aussi.

               Qu’adviendra-t-il de la Bulgarie ? Sa prospérité ou sa décadence ne dépendent que de vous. Lorsque tous les Bulgares vivront en harmonie avec le tout, leur vie sera harmonieuse. Depuis la création du monde, Dieu a tracé les limites de la Bulgarie et a prévu son modèle de gouvernance ; ce plan s’appliquera un jour. C’est prévu pour la Bulgarie et pour tous les peuples, pour tous les individus pris séparément. En rentrant chez vous, que chacun aille dans sa chambre secrète pour ouvrir sa bibliothèque et voir ce qui est écrit pour lui, quel est le programme à dérouler.

               Le plus dur est passé, vous touchez à la fin. Un temps de félicité vient, un temps de résurrection et de rajeunissement. Vous serez tous des jeunes de trente-trois ans. Vous vivrez sur Terre tant qu’il vous plaira, et vous partirez une fois le travail fini. Vous appellerez vos amis et vos proches pour leur dire que vous partez de l’autre côté, vous ferez vos adieux et vous retournerez chez vous. Ils ne vous pleureront pas car ils sauront où vous allez. Pour partir de l’autre côté et en revenir librement, il vous faut renoncer à la haine, à la jalousie, à l’envie, à toutes les petitesses. Que quelqu’un vous a dévalisé ne doit pas vous troubler, ce qui est à vous l’est pour toujours, personne ne peut vous le prendre, et même si vous en êtes dépossédés, vous le récupérerez de nouveau.

               Je vous souhaite à tous de rencontrer personnellement le Christ. Comment le Christ viendra sur Terre, où le croiserez-vous, ce n’est pas important ; pensez comme vous voulez, attendez-le comme vous l’entendez. Si vous êtes orthodoxe, vous vous attendrez à ce qu’il descende du Ciel, accompagné d’anges qui claironneront dans le monde entier que le Christ vient. Si vous êtes théosophe, vous attendrez que le Christ naisse et grandisse quelque part pour aller prêcher parmi les peuples. Si vous êtes occultiste, vous croirez que le Christ apparaîtra ici et là parmi tous les peuples ; les grandes perturbations qui bouleverseront le monde seront les signes de son apparition. Le Christ frappe à chaque porte et convie les gens à un grand souper. À quelle porte frappe-t-on ? À la porte de celui qui est volontaire et prêt à accepter l’invitation. Réjouissez-vous d’être parmi les appelés !

               Ne doutez pas de la vérité. D’où qu’elle vienne, elle est une et indivisible, inaltérable. Pour l’appréhender, il faut se libérer des considérations extérieures sur les choses. Le monde matériel a un rapport aux formes alors que les mondes spirituel et divin approfondissent leur contenu et leur sens. Ainsi, ne vous arrêtez pas uniquement sur les formes, mais examinez aussi leur contenu.

               Qu’a dit le diable au Christ lorsqu’il l’a emmené en haut de la montagne ? – « Si tu t’inclines devant moi, je te donnerai tous les royaumes que tu vois ci-bas. » Le Christ lui a répondu : « En arrière, Satan, il est dit de vénérer et servir Dieu seul. » Le Christ ne commerce pas avec le diable, il sait que toutes les promesses du diable tombent à l’eau. L’être humain n’est pas venu sur Terre pour être roi, mais pour servir Dieu avec amour. Il doit se satisfaire de sa situation sans aspirer à la fortune et à la gloire qui le feront chuter. Quelqu’un vous demandera si vous êtes orthodoxe, évangéliste ou catholique, peu importe. Que chacun dise en lui-même : « Je connais un Dieu qui aime toutes les créatures, les guérit toutes et leur donne la vie, la nourriture et l’eau. » Il est partout, et partout nous entendons Sa voix. Certains entendent Sa voix et ne doutent pas de Lui, alors que d’autres L’entendent et doutent : c’est la différence entre croyants et incroyants. Vous direz que quelqu’un se fait passer pour le Christ. S’il vit selon les lois de l’amour, de la sagesse, de la justice, de la vertu, il est le Christ ; toute personne peut ainsi être comme le Christ. Y a-t-il quelque chose d’impossible à cela ? Le Christ aussi dit pour Lui-même : « Mon Père et moi nous sommes un. » Celui qui vit comme Dieu est un avec Lui. De ce point de vue l’Esprit du Christ demeurera en tous : un en plusieurs et plusieurs en un.

               Vous direz qu’il y a des secrets, des choses cachées dans la vie des humains. Il y a des secrets dans la vie, mais cela ne signifie pas qu’ils sont impurs. La vie au Ciel et sous le Ciel est pleine de mystères, la nature est pleine de mystères, l’être humain lui-même et son corps est un grand mystère. Celui qui a aimé Dieu et son prochain, qui étudie et travaille, accède progressivement aux secrets de la nature et à ceux de son organisme. En ce sens le corps humain est quelque chose de saint : traitez-le avec vénération et piété. Les forces nécessaires au développement de l’homme sont cachées en lui-même, alors que les conditions de leur manifestation sont quelque part en dehors de lui. Dans l’humidité, dans l’eau se cache la vie divine, dans la chaleur se cache l’amour, dans la lumière, la vérité. Utilisez ces conditions pour grandir et vous développer. « Nous voulons être gais et joyeux. – C’est possible aussi – Comment ? – En ouvrant vos cœurs à la lumière et à la chaleur de l’amour divin. »

               En Inde, un fakir a passé trente ans de sa vie complètement immobile, désireux de résoudre la question du sens de la vie. Il restait planté comme un arbre à longueur de journée au point que des oiseaux ont fait leurs nids sur sa tête. Un jour, une pauvre veuve s’est approchée de lui et a accroché à proximité le berceau de son enfant. Rassurée de le savoir sous la surveillance du fakir, elle est partie travailler. Peu après un cobra s’est approché du berceau, prêt à mordre l’enfant. Le fakir s’est demandé s’il devait le secourir ou bien le laisser entre les mains de Dieu. Il s’est dit : « Dieu a créé l’enfant et le cobra, Il s’en occupera, quant à moi, je ne sais pas quoi faire pour accomplir la volonté divine. » En réfléchissant de la sorte, il n’a pas bougé et a laissé Dieu trancher cette question. Le cobra a mordu l’enfant qui est mort. Le fakir s’est dit : « Telle était donc la volonté divine. » Il avait passé trente ans à réfléchir en vain, il n’a pas compris le sens de la vie. Lorsqu’il a trépassé, Dieu l’a appelé pour lui demander pourquoi il n’avait pas sauvé l’enfant de la veuve. « Je ne savais pas quelle était Ta volonté : sauver l’enfant en tuant le cobra, ou laisser le cobra en vie et Te laisser secourir l’enfant. »

               Dieu lui a répondu : « Ma volonté était que l’enfant demeure en vie, il fallait donc que tu réagisses pour tuer le cobra. À quoi bon avoir réfléchi si longtemps si tu n’as pas pu trancher cette question ? Pour te punir, je t’enverrai de nouveau sur terre pour passer encore mille ans dans les tourments afin de connaître Ma volonté et l’accomplir. »

               Aujourd’hui encore beaucoup restent plantés comme ce fakir à réfléchir sur la finalité et le sens de la vie, sans avoir rien résolu. Leurs amis s’approchent d’eux, pourchassés par des cobras, mais ils ne bougent pas, ne veulent pas lever la main pour tuer le cobra. Ils se disent : « Dieu a fait l’homme et le cobra, s’il faut, Il sauvera Lui-même l’homme. » Le cobra représente la vie humaine mensongère, résultat d’un cœur et d’une intelligence retorses. Le cobra engourdit l’intelligence et le cœur humains. Vous direz qu’ainsi va le monde. Non ! Le monde est intelligent et ordonné. Pour voir ce qu’est le monde, vous devez avoir un laisser-passer pour en faire le tour, c’est la seule façon d’en avoir une idée précise. Mais seul celui qui est prêt à étudier et travailler avec amour peut bénéficier de ce libre accès. Le monde a besoin de grandes figures, de héros, blessés non pas dans le dos en fuyant, mais dans la poitrine lors de l’assaut.

               L’Esprit de Dieu vient dans le monde pour travailler et mettre tout le monde au travail. Le temps du repos et de la tranquillité est révolu ; aujourd’hui on exige de chacun de travailler, tout le monde est sur des charbons ardents. Penser à sommeiller et à se reposer, c’est de l’oisiveté, de l’inertie. Un homme souffrait d’une grande paresse et ne savait pas comment se soigner. Le médecin l’a conduit dans son laboratoire et l’a soumis à l’action de courants électriques. Le malade s’est mis à crier, à battre des pieds, à agiter les bras. « Il n’y a pas de danger, a dit tranquillement le médecin, ce sont des exercices de gymnastique qui vous aideront à guérir. »

               La vie humaine a besoin d’un socle ferme que Dieu a posé jadis. Appliquez la vérité et l’amour dans votre vie. Si vous voyez que votre frère et votre sœur sont impurs, salis, ne les critiquez pas, mais aidez-les à se nettoyer ; s’ils sont affamés, nourrissez-les ; s’ils sont malades, soignez-les. « Pourquoi certains ne vont-ils pas à l’église ? » C’est là que vous vous trompez. Je trouve qu’ils passent au contraire plus de temps qu’il ne faut à l’église. L’église représente la vie personnelle de chacun, et chacun a sa propre église. Sortez de votre église et rentrez dans l’Église divine de l’amour, de la justice, de la vérité et de la vertu. Autrement dit, cessez de penser uniquement à vous, pensez à vos proches. C’est le seul moyen d’améliorer la situation des familles, des sociétés, des peuples. C’est le seul moyen d’améliorer la situation politique de la Bulgarie. Tous les individus, prêtres, enseignants, magistrats, administrateurs, parents, doivent prier pour la victoire sur le mal. « De quel côté se ranger ? – Du côté de Dieu et du Christ. Je suis déjà sur le front, j’ai sorti mon sabre et je combats. Si tout le monde combat le mal, d’abord en soi-même, puis à l’extérieur, le monde se remettra facilement en ordre. L’avenir de l’humanité est grandiose. – Qu’adviendra-t-il de la Bulgarie ? – Ne vous en occupez pas, les affaires de la Bulgarie sont arrangées, ce qui n’est pas le cas de vos affaires ! »

               Je souhaite que vos affaires soient réglées selon les commandements divins. Je vous souhaite à tous d’être bien portants, sereins, joyeux et de vous reconnaître où que vous vous rencontriez. Il n’y a pas de chose plus sublime que celle de se reconnaître comme frères. C’est ce que le Christ prône.

               Je vous souhaite à tous d’être pauvres, estropiés, aveugles et boiteux pour faire partie des élus. Le Christ vous enverra son domestique pour vous convier au grand souper. Que Dieu vous bénisse et qu’Il soit auprès de vous maintenant et pour toujours, dans les siècles des siècles !

Sofia, 3 novembre 1918

Traduction par Bojidar Borissov

 


[1] Petko Slaveikov (1827 – 1895) – poète, journaliste et folkloriste bulgare

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