XXXIII. Prendre et donner

[Ani]

PRENDRE ET DONNER

Au début de l’installation avec le Maître de la communauté à Izgrev, nous avons construit une fontaine derrière le jardin de Dianabad près du bosquet qui est devenu par la suite un parc de chasse. Le Maître y a découvert une source au milieu de flaques d’eau, nous l’avons nettoyée, édifié une fontaine, en face d’elle, nous avons construit une petite aire pavée de pierres. Devant, nous avons placé deux piliers avec des pots de fleurs en pierre. Sur la fontaine, nous avons inscrit un texte donné par le Maître: „La société entretient la propreté. La société maintient le bien. Tout le monde a droit au bien qui vient de Dieu.”

Un jour, alors que nous travaillions, un vieux paysan est passé, il se plaignait de douleurs et de faiblesse. Le Maître lui a dit de faire en été quelques bains de pluie pour être en bonne santé. Il lui a dit que la pluie doit l’arroser brièvement, puis qu’il doit rentrer immédiatement chez lui, se changer et boire quelques tasses d’eau chaude afin de rétablir la chaleur perdue.

Le Maître édifiait toujours des fontaines dans un style fort différent, aucune n’était semblable. Quelle différence entre le style d’une fontaine d’eau potable à Tsigov tchark dans les Rhodopes, près du village Rakitovo où le Maître a passé l’été accompagné d’un grand groupe de frères et de sœurs en 1921 et le style de celle de Dianabad ou de celle édifiée près du Deuxième lac de Rila, ou celui de la fontaine près du Cinquième lac ou bien de celle près du Sixième lac.

Un jour, après avoir travaillé à la fontaine à Dianabad, nous sommes restés pour la contempler et nous émerveiller qu’elle ait jailli dans cet endroit désertique. Une conversation a commencé et le Maître:

Dieu veut que vous vous chargiez de Ses biens pour les distribuer à d’autres. Pour Lui, Il n’attend de nous rien d’autre que de distribuer à nos frères ce qu’Il nous a donné. Quand nous comprendrons la générosité de Dieu, nous serons sur le bon chemin. Nous n’avons pas une conception juste de Dieu. Si nous apprenons tous à donner, nous appliquons la loi divine. Mais si nous pensons à économiser, nous nous égarons dans des déviations humaines. La générosité est une qualité de Dieu. Les humains ne font que manifester Sa générosité. Quelqu’un est avare, cela veut dire qu’il ne manifeste pas la générosité de Dieu. La loi dit: nous devons partager avec les autres tous les biens que nous recevons. N’importe quel animal peut même venir pour vous prendre quelque chose. Dans le monde, une seule loi doit fonctionner: donner et prendre. Celui qui a décidé de vivre sans rien donner à autrui ne parviendra pas à appliquer cette loi. On ne doit pas attendre que Dieu envoie des collecteurs d’impôts.

Il est dit: „Vous avez pris gratuitement, donnez gratuite- ment.” Ne retenons pas ce que nous avons reçu. Telle est l’une des lois de la nature, et c’est un grand malheur que le monde ac- tuel ne comprenne pas cette loi fondamentale. Si nous sommes généreux, quand nous allons vers quelqu’un, nous lui transmet- tons notre générosité. Jusqu’à ce que nous ne donnions pas au champ ce qui lui est indispensable, il ne nous donnera rien. Si nous sommes avares envers lui, il nous donnera lui aussi avec parcimonie. Même ce que Dieu nous donne sera détruit si nous le retenons seulement pour nous. Je ne dis pas que je fais du bien, mais je dis: „Je manifeste la générosité qui est en Dieu.”

Celui qui donne peu, reçoit peu de bénédictions, tandis que celui qui donne beaucoup en reçoit en abondance. Ou plutôt nous pouvons dire ainsi: si nous donnons peu ou beaucoup, il suffit de le faire de tout notre cœur, nous serons pareillement bénis.

N’arrêtons pas les bénédictions divines en nous, distribuons- les parce que si nous les arrêtons, nous serez l’artisan de notre malheur. Ne gardons pas en nous des objets inutiles. La loi est de ne pas nous priver du nécessaire et de distribuer le reste aux autres, alors nous serons bénis. J’avais une orange, un homme est venu et je la lui ai donnée. Il m’a dit: „Que faites-vous? Vous n’avez plus d’orange!” J’ai répondu: „Ne vous inquiétez pas.” En effet, alors qu’il était encore avec moi, quelqu’un d’autre est venu vers moi avec un panier rempli de trois oranges. Je lui ai dit: „Si je ne vous avais pas donné mon orange, les trois autres ne seraient pas venues à moi.” C’est la loi des vases communicants. Quand nous voulons donner, ce désir va se manifester également chez d’autres humains. Nous ne devons pas obstruer la source. Si nous ne donnons pas, des voleurs viendront avec des revolvers, et alors nous n’aurons pas d’autre choix que de donner. Pour celui qui donne un espace s’ouvre où de nouveaux biens affluent. Quand vient le temps de recevoir et que nous ne sommes pas prêts, nous souffrons. Et quand vient le temps de donner et que nous ne le faisons pas, nous souffrons aussi.

Notre séjour sur terre vaut mieux que tous les biens matériels que nous pouvons y acquérir. Seule l’expérience que nous pouvons avoir sur terre nous restera. Pourquoi le soleil est-il savant, pourquoi est-il intelligent? Parce qu’il donne dans toutes les directions. L’avarice durcit comme le gel tandis que la générosité fait fondre la glace.

Il n’y a rien de meilleur pour l’être humain que d’apprendre à donner, mais il doit savoir quand. Le scientifique doit aller auprès de ceux qui n’ont pas de connaissances et les leur offrir. Nous pouvons donner non seulement des biens matériels, mais aussi de bonnes pensées. Vous pouvez donner également des souhaits. Par exemple, quand nous adressons un mot gentil à quelqu’un, c’est aussi donner. Il y a une façon extérieure de donner à travers des actes ou quelques paroles utiles. Il y a aussi une façon intérieure de donner: c’est de déverser sur les autres une bénédiction de votre âme.

L’enfant généreux est celui qui va partager avec ses amis la pomme que vous lui avez donnée. Quand nous rencontrons un ami à la saison des cerises, donnons-lui-en à pleines mains. Nous pouvons faire la même chose avec des pommes. Lorsque nous donnons à un ami, ne comptons pas qu’il nous soit redevable. Dans le cas contraire, nous nous limitons nous-même. En réalité, c’est au nom du Seigneur que nous avons donné, pour accomplir notre devoir de serviteur à Son égard.

Disons par exemple que nous possédons un tas de pommes de très bonne qualité et quelqu’un nous donne une pomme petite et ridée. Acceptons-la parce qu’il l’a imprégnée d’un élément qui a une valeur à ses yeux et qui nous apportera une grande bénédiction. Si nous la refusons, nous passons à côté de notre bonheur. Ne disons pas: „J’ai beaucoup de pommes et je n’en ai pas besoin.” Chaque fois que quelqu’un se met à distribuer ce qu’il possède, c’est la preuve qu’il s’oriente et s’élève vers le soleil. Tandis que s’il ne donne pas, c’est la preuve qu’il dégringole et s’éloigne de lui.