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1914_07_20 Les songes de Joseph


Ani
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Les songes de Joseph

 

« Joseph fit un rêve et le raconta à ses frères,

qui ne l'en détestèrent que davantage… »

(Genèse 37, 5-11)

 

Dans la vie, nous nous posons souvent la question de savoir pourquoi il nous arrive parfois des malheurs. On considère en général que les hommes souffrent et paient certains péchés du présent ou du passé, et on recherche la cause de ces souffrances ; nous voyons comment elles se manifestent dans la vie de Joseph, à cause de deux songes qu’il a racontés à ses frères. Ils ont manifestement interprété ses rêves en se disant qu’il nourrissait des arrière-pensées et des desseins peu louables. Pour ne pas le laisser prendre l’ascendant, ils ont eu l’idée de se débarrasser de lui. Et encore s’agit-il de ses propres frères et non pas d’étrangers ! À la première occasion, ils l’attrapent et le vendent à des Ismaélites, qui le revendent à un Égyptien : alors, commencent les épreuves de Joseph - c’est Dieu qui éprouve ainsi son caractère.

 

            La vie n’est rien d’autre que des épreuves qui sont le moyen d’éprouver le caractère de l’homme. Le plus précieux dans l’âme de l’homme, c’est son caractère, et il doit passer par le feu, l’épreuve. Si, et seulement si l’homme passe par ce feu et résiste à toutes les épreuves, son caractère peut être décrété précieux, invulnérable et inaltérable avec le temps ; l’homme a ainsi une demeure éternelle où habiter. Le caractère, c’est la demeure de l’homme.

 

            Nous sommes témoins des fléaux qui viennent s’acharner sur Joseph. Après ceux qui sont annoncés dans les deux songes, surviennent d’autres fléaux, mentionnés notamment dans le chapitre 39 de la Genèse : parce qu’il était bel homme, la femme de son maître, tombée amoureuse de lui, veut coucher avec lui, mais il s’y refuse en disant : « Mon maître ne me demande compte de rien dans la maison, il m'a confié tous ses biens. Lui-même n'a pas plus d'autorité que moi ici, et il ne m'a rien interdit, excepté toi, parce que tu es sa femme. Comment commettrais-je un acte aussi abominable et pécherais-je contre Dieu ? ». Nous voyons que le Seigneur règne dans l’âme de ce jeune homme : il mesure toutes ses actions selon qu’elles satisfont ou non le Seigneur. Il savait les conséquences de son refus d’obtempérer à la volonté d’une telle femme, mais il a préféré la souffrance plutôt que le péché. Après cette épreuve, il a vraiment fini en prison. Mais le Seigneur l’aide ici aussi : si vous lisez le récit entier dans les chapitres suivants, vous verrez que Dieu ne l’abandonne pas, mais le fait sortir de prison par l’interprétation de deux autres rêves du pharaon Égyptien.

 

            Lorsque nous traversons des épreuves, nous ne connaissons pas l’objectif que Dieu vise. Vous souhaitez monter au Ciel sans pouvoir dire précisément ce que vous entendez par les termes Ciel et Paradis. Vous avez une idée du Ciel, mais aussi voilée que l’ont été les deux songes dans l’esprit de Joseph. Et c’est vrai, quel rapport y a-t-il a priori entre les rayons, le Soleil, la Lune et lui ? C’est qu’ils ont annoncé certains évènements futurs : la tentation de cette femme, son séjour en prison, sa délivrance et sa réhabilitation.

 

            Maintenant, que représentent ce royaume et cette femme ? L’Égypte, c’est le royaume que nous habitons et la femme du maître qui nous séduit, c’est le monde. Vous êtes des serviteurs, répudiés et vendus par vos propres frères, pour vous retrouver en Egypte et la femme du maître cherche à vous corrompre ! C’est le monde qui vous propose des plaisirs et vous invite à y succomber. Le plaisir n’est pas un mal, mais certaines choses sont interdites. Lorsqu’Adam habitait au Paradis, le Seigneur l’a autorisé à tout goûter sauf un fruit, et toutes ses souffrances ont découlé de cette désobéissance. Dans ce monde certaines choses sont interdites et braver l’interdiction de goûter le fruit défendu engendre nécessairement la souffrance. Combien sont tentés de s’accaparer l’argent des autres ! Ils en ont besoin pour bâtir des maisons, pour des plaisirs, des voyages à l’étranger. Mais ce n’était pas le point de vue de Joseph ; il pouvait obtenir les faveurs de la femme de son maître, mais il raisonnait ainsi : « Je préfère plaire à Dieu plutôt qu’à une femme qui m’est étrangère. » Le monde est une femme qui ne nous appartient pas. Demain, son plaisir assouvi, elle peut nous délaisser. C’est votre beauté extérieure qui l’attire. L’aveuglement actuel réside en cela : lorsque les gens nous honorent en apparence, nous pensons à tort que c’est à cause de nos mérites. Prenons un chanteur célèbre, il est encensé mais uniquement à cause de son talent de chanteur, à cause de sa voix ; si son larynx lâchait, il serait rejeté et décrié ; toute sa gloire ne repose que sur une petite excroissance dans sa gorge. Prenons aussi un violoniste connu : tous le respectent tant qu’il peut manier l’archet, mais, si une paralysie de la main survenait, plus personne ne voudrait entendre parler de lui. Vous pourriez être un orateur doué, mais on vous écoutera tant que vous parlerez avec entrain ; lorsque votre voix sera rauque et inaudible, on vous dira : « Nous ne voulons plus d’un prêcheur sans voix ». Une femme, tant qu’elle est belle, est convoitée de tous ; si sa beauté se fane, on dira : « Qu’une autre prenne sa place ! » Joseph était conscient de cette illusion et se préoccupait uniquement de ce qui est intérieur, invulnérable, durable et qui apporte une paix à l’homme pour obtenir la faveur de Dieu.

 

            Nous devons être vigilants sur les petites choses qui entraînent les souffrances. Si Joseph n’avait pas raconté ses songes à ses frères, il aurait évité ce malheur. Une question se pose : ce même malheur ne serait-il pas survenu à d’autres occasions ? Il y a des épreuves qui ne peuvent pas être évitées. Je ne vous détaillerai pas ces lois immanentes, mais je vous dirai que certaines choses sont strictement prévues par Dieu ; si nous tentons d’éviter les petites, nous provoquerons les grandes. Pour neutraliser les souffrances, il suffit de prendre exemple sur l’attitude de Joseph. Nous ne devons pas nous imaginer que les lendemains ne peuvent pas nous apporter de malheurs imprévus, même si aujourd’hui nous sommes bien. Le Destin ou la Providence détermine les épreuves que doit traverser la vie humaine ; et ces épreuves sont nécessaires. Pourquoi ? Je vous proposerai une comparaison : pour traverser une rivière profonde vous avez besoin d’un bac ; pour traverser l’océan il vous faut un bateau ; ainsi pour vous conduire d’un monde à un autre, il vous faut ce bateau qu’on appelle aussi la Foi. Ces malheurs et ces afflictions sont nécessaires : c’est le combustible, c’est votre billet pour la traversée. Celui qui veut détourner le chemin tracé par la loi est un sot. Celui qui proteste « Pourquoi le Seigneur m’a envoyé ces souffrances ? » est un sot, au sens littéral du terme. Mais celui qui, au contraire, dit : « Je veux comprendre leur sens », et qui remercie pour cela, est quelqu’un d’intelligent.

 

            Notez que Joseph ne s’est pas révolté contre ces malheurs, mais les a accueillis avec joie ; il a remercié Dieu et n’a pas succombé à la vanité lorsqu’il a réussi à s’élever à une aussi haute situation dans la maison de son maître. Lorsque son maître lui a offert de grandes faveurs, il n’a pas été tenté par celles que lui proposait sa femme, en se disant : « Je dois respecter la loi, je ne dois pas pécher. » De ce point de vue le plaisir est donc un péché.

 

            En quoi consiste le péché ? Toute chose qui n’engendre pas, qui ne porte pas en soi de fruit ni de commencement, est péché. Une femme adultère qui n’enfante pas est une pécheresse. La conception expie le péché. Toute action qui ne porte pas de Vie en soi est un gaspillage criminel de l’énergie Divine. Si quelqu’un vous incite à pécher, il souhaite vous voir gaspiller votre énergie Divine. Vous buvez un verre de vin, le mal de tête vous terrasse le lendemain ; qu’avez-vous gagné ? Êtes-vous devenu plus noble ? Non. Pourquoi désirons-nous et faisons-nous des choses qui n’apportent rien à notre caractère ? Nous devons tous nous limiter aux plaisirs autorisés, légitimes, naturels. Prenons l’exemple d’un garçon et d’une fille qui jouent aux petits chevaux, à la poupée, cela leur procure non seulement du plaisir, mais contribue aussi à les éduquer, et les prépare à l’avenir. Ainsi, les adultes peuvent également goûter certains plaisirs ; mais il y en a d’autres qui engendrent toujours l’anéantissement des sentiments humains, des forces humaines, de la délivrance humaine. La vie non naturelle, l’amour illégitime, adultère, auquel s’adonnent certains hommes et certaines femmes, agissent de façon destructrice sur leur cœur et sur leur discernement. Vous aimez quelqu’un ; demandez-vous si cela plaît à Dieu, si cela est profitable à l’être aimé, si cela ne pervertit pas son âme, son esprit. Joseph était jeune, sans tache ; une femme perverse a voulu le corrompre, mais il a résisté à cette tentation pour préserver sa réputation dont rien n’aurait subsisté s’il avait succombé. Remarquez que c’est d’abord la femme, Ève, qui était mise à l’épreuve et n’a pas résisté, et ensuite l’homme ; alors que maintenant, c’est au tour de l’homme. C’est ce serpent qui a tenté Ève dans le jardin : « Viens goûter les fruits de cet arbre pour avoir la connaissance, la puissance de Dieu ! » Ève a succombé en disant : « Je suis prête à le faire pour avoir la gloire. » Ce même serpent est apparu à Joseph, sous la forme d’une femme, pour lui dire : « Viens à moi », mais il a répondu : « Non ! » Cela a déclenché les souffrances, mais aussi l’ascension.

 

            L’homme et la femme représentent deux principes, deux forces grandioses et intelligentes qui agissent : l’une est appelée active, l’autre, passive ; l’une est émissive, l’autre réceptive ; ce sont deux processus dans la Nature qui se succèdent. Dieu ne donne pas toujours, parfois Il prend ; d’un point de vue Il donne, de l’autre Il prend. D’un côté l’océan envoie de l’humidité vers les terres, de l’autre, par les fleuves cette humidité retourne vers l’océan. En ce sens, l’homme et la femme sont deux principes qui travaillent : le premier principe créateur, est appelé homme, Dieu ; le second principe, passif, est appelé femme ou Seigneur ; c’est la même chose. Par conséquent nous devons être fidèles à ces principes dans les deux processus de la Vie. Si le monde exige de nous d’acquérir des biens, nous les accumulerons, mais sans déroger à ce principe Divin supérieur. Si vous restez fidèles à ce principe, tous les désirs et aspirations de votre cœur et de votre intelligence se réaliseront. Vous les obtiendrez par un seul moyen : par Dieu. Lui seul peut satisfaire vos pensées et vos désirs. La mère nourrit l’enfant, le maître éduque l’élève ; comme l’enfant ne peut grandir sans sa mère, l’élève non plus ne peut apprendre sans son maître. Joseph écoutait la voix de son Maître en lui, Dieu, qui lui enseignait la grande loi de l’action dans la Vie.

 

            Toutes nos aspirations dans la Vie doivent tendre vers un seul objectif : développer notre caractère. Comment ? Le caractère est l’ensemble des pensées et des sentiments, des forces positives. Nous ne devons pas appréhender la Vie comme le font certains actuellement, dans un cadre limité, en tant que scientifique, docteur ou philosophe. Non, nous devons saisir la Vie comme Dieu l’a délimitée. Tous ne voient qu’une partie des choses : la science moderne montre uniquement une partie des choses ; le génie d’un musicien talentueux n’occupe qu’une partie de l’espace ; de même pour l’intelligence d’un philosophe ; la force d’un homme sain aussi se limite uniquement à ses muscles. Mais certains disent : « Il a une forte intelligence ». Quelqu’un est doté d’une forte intelligence uniquement si sa force est reliée à toutes les lois Divines et s’il est en harmonie avec toutes les créatures qui l’entourent, des plus inférieures aux plus élevées. Alors son caractère puissant peut tout accomplir, car ces créatures l’aident. Lorsque nous sommes en contradiction avec ces lois Divines, cette contradiction désarçonne notre intelligence et explique nos mésaventures dans la Vie.

 

            Pourquoi sommes-nous parfois en situation d’échec ? Nous hésitons, en désirant bien faire, sans nous rendre compte que ce que nous faisons n’est pas bien. Imaginant faire quelque chose d’intelligent qui va se réaliser sans accroc, nous l’analysons sous tous ses aspects, mais cela n’avance pas. Nous nous étonnons de ne pas progresser et d’avoir une mémoire défaillante. C’est nous-mêmes qui désorganisons complètement notre vie. On peut troubler l’eau lorsqu’on pêche, mais la troubler constamment, et une fois que tout le poisson a été pris, n’est pas conseillé.

 

Souvent la femme se met en colère contre son mari. « Que veux-tu ? – Une robe ! – En voilà une », lui dit son mari. Et l’eau du lac est de nouveau limpide. Demain la femme partira de nouveau à la pêche, et troublera l’eau : elle veut désormais une robe en soie, une montre, une promenade en ville. « En voilà une ! », lui répond son mari. Mais un jour cet homme perd sa situation, se retrouve sans argent et que fait-il ? Il décide de s’enfuir. Donc le lac s’assèche et le poisson disparait et même l’eau se perd. Alors, que peut pêcher cette femme désormais ? Lorsque nous troublons l’eau de la Vie, lorsque nous nous agitons, cela prouve notre méconnaissance de la Vie. Nous troublons l’eau, encore et encore jusqu’à en périr.

 

« Avez-vous réfléchi sur ce qu’est la mort ? – Elle est représentée dans les tableaux comme un squelette avec une faux dans la main. – Avez-vous vérifié si c’est exact ? – Non, mais ma mère et ma grand-mère m’ont toujours raconté que c’était comme ça. – C’est peut-être ainsi, mais avez-vous compris pourquoi la mort est représentée comme un squelette dépourvu de muscles ? Vous devez être purs comme ces os blancs, cette pureté étant le symbole de la vertu. Toute chose impure est rejetée ; seule la vertu ne sera pas touchée. » Vous avez par conséquent une règle pour ne pas être inquiétés ; si vous ne respectez pas la loi Divine, vous serez toujours inquiétés. La peur de la sanction doit nous motiver avant et non pas après la transgression de la loi ; les pleurs ne nous sauvent pas. Le salut réside dans la bonne mobilisation de notre intelligence, de notre cœur, de notre corps ; c’est notre mission sur Terre.

 

            Nous en avons un excellent exemple dans la Bible : le caractère de Joseph. Lorsque nous lisons ces chapitres de la Genèse, il nous faut bien étudier le caractère de Joseph. Ne le prenons pas pour un sot ; il était très intelligent et c’est pour cela que son père l’aimait autant : l’amour est toujours attiré par la sagesse. Mais Joseph avait aussi un cœur noble. Son père en était conscient, alors que ses frères attribuaient l’amour de leur père pour lui à des qualités extérieures et ils l’ont vendu pour cette raison. Mais, quelles que soient ses conditions de vie, son caractère l’aurait aidé à s’élever comme il s’est élevé. À cause de ses vertus, son maître l’a placé haut. Une autre épreuve l’a conduit en prison, mais il a fini par s’élever, là aussi. Et enfin, le Seigneur l’a sorti de prison où il a passé – avez-vous lu combien ? – deux ans ! Le temps prévu pour chaque épreuve. Et votre prison, quelle est-elle ? Votre corps actuel. Un jour vous devez sortir de cette prison crasseuse et insalubre. Vous ne savez pas ce que le vin symbolise : le boulanger devrait être banni et le porteur de vin réhabilité dans son service. Le principe actif de la Vie doit toujours se sacrifier et le vin doit venir rafraichir la Vie. Il a une grande force, mais parce que les gens d’aujourd’hui n’y sont pas préparés, ils s’excitent en buvant, ils n’ont pas un organisme qui puisse le supporter. Lorsque le vin rentre dans le flacon et commence à fermenter, le flacon se brise.

 

            Mais revenons au caractère de Joseph. Nous voyons son intelligence sobre et réfléchie qui a compris les lois fondamentales de la Vie. Avec son cœur noble, il a souhaité plus que tout rester fidèle à sa promesse faite devant Dieu. « J’ai donné ma parole d’honneur à mon maître et au Seigneur d’être à Son service et de ne pas Le trahir. » Par conséquent, il n’était pas homme à suivre le courant de ses mauvais penchants et désirs ; dans tous les cas, il avait des motivations nobles, un cœur et une intelligence équilibrés. Pour que le Seigneur réside en nous, notre cœur et notre intelligence doivent être en accord, en équilibre. Dès qu’il y a un désaccord entre eux, le Seigneur n’est plus en nous. À certains endroits règne l’anarchie, en Serbie[1] et ailleurs, car l’intelligence et le cœur des hommes ne sont pas en accord : ils veulent accaparer toujours plus, mais personne ne veut donner. Chacun cherche à piller son prochain, ce qui crée des conflits ; c’est une loi commune qui régit les petites et les grandes créatures.

 

            Beaucoup veulent vivre : certains sont encore chez leur père à raconter les rêves qu’ils ont fait ; d’autres sont dans la deuxième catégorie, ils sont déjà vendus par leurs frères en Egypte, dans la cour de ce haut dignitaire et exposés à la tentation de sa femme ; les troisièmes sont en prison. La meilleure situation, c’est de vous présenter devant le Pharaon. Mais pour cela il faut avoir franchi trois étapes, qui sont trois écoles, trois enseignements : le premier, chez le père, le deuxième, chez la femme du dignitaire qui éprouve sa vertu. Et Joseph a réussi cette épreuve brillamment : il a laissé sa tunique pour s’enfuir. Que signifie laisser sa tunique ? Cela signifie laisser l’enveloppe de son âme, la chair. Le monde nous dit, comme cette femme : « Viens à moi, je suis si belle, sinon tu iras en prison. » Elle nous séduit pour voir si nous succombons ou si nous suivons la loi Divine. Mais il faut se priver de tous les biens alléchants, vaincre toutes les tentations et suivre la loi Divine. Croyez en Dieu, ayez foi en Lui et un avenir grandiose vous attend, comme Joseph. Il n’y a là-dessus aucun doute.

 

            Je vous montre ici comment un jeune homme, qui suit le chemin que Dieu lui montre, s’élève de la condition de simple berger jusqu’à la position la plus haute en Égypte, non pas grâce à des tromperies, des vols, des assassinats, mais grâce à son abnégation face aux souffrances et à son respect de la loi Divine. Par conséquent, la Sagesse et le Savoir que vous cultivez dans votre intelligence, la Bonté que vous avez dans votre cœur, eux seuls peuvent vous aider. Ne vous laissez jamais leurrer par des choses extérieures qui peuvent tenter votre regard, qu’elles soient brunes ou blondes ! Pour que vos mains ou votre visage soient tels ou tels, cela dépend de votre cœur ; vous vous créez une demeure et des fenêtres selon votre intelligence et votre cœur. On peut toujours améliorer sa position sociale grâce à son intelligence et à son cœur, de pauvre devenir riche, mais c’est possible uniquement si on respecte les lois Divines.

 

            Si nous allons plus loin et regardons le second aspect du caractère de Joseph, lorsque ses frères se présentent à lui, nous verrons qu’il ne se venge pas, mais pleure avec eux et déverse sur eux tout son amour. Ainsi, dans la vie, si quelqu’un nous fait du mal, nous ne devons pas lui répondre par les mêmes procédés. Penser à faire le mal, se venger, médire, ce n’est pas avoir du caractère. Avoir du caractère, c’est pardonner ; c’est le seul moyen de s’élever vers la noblesse. Le Christ nous montre cet exemple sur la croix : outragé par tous, Il a dit : « Seigneur, pardonne-leur ! » Le temps viendra où on vous demandera : « Avez-vous pardonné à ceux qui vous ont offensé, qui vous ont vendu ? ».

 

            Un père dit à son fils : « Tu ne deviendras jamais quelqu’un ». Le fils part faire ses études à l’étranger, il revient, s’élève dans la société, devient directeur et sa première réaction est d’envoyer des gendarmes chercher son père pour l’amener devant lui. Son fils lui demande alors : « Qu’en penses-tu, est-ce que je serai un jour quelqu’un ? » Alors son père lui répond : « Ce que tu as fait, est-ce raisonnable ? Fallait-il m’amener ici et chercher à m’humilier ? Tu n’es pas raisonnable. Tu aurais dû affréter une calèche pour venir me chercher ». C’est ainsi que nous procédons aussi : nous cherchons à intimider les autres en disant : « Que le Seigneur m’octroie du pouvoir et je sais comment gouverner, par la violence !» Depuis des millénaires les gens emploient toujours cette méthode ; tous s’affrontent et chaque maison est un lieu de désolation. Mais en quoi le monde est-il devenu meilleur ? En rien ! Seul l’Amour peut apporter des éléments nobles à l’âme humaine. Et la sanction est efficace uniquement dans la mesure où elle est imposée par l’Amour, pour arracher les mauvaises choses. Mais celui qui, par une opération, ampute de la chair saine, n’est pas un chirurgien intelligent. Par conséquent, dans la Vie, c’est ce que vous devez faire : respecter la Loi fondamentale ; instaurer l’équilibre entre votre intelligence et votre cœur.

 

            Beaucoup doutent que Dieu existe. Certains parmi vous diront : « Nous croyons qu’Il existe ». Mais, mis dans la situation de Joseph, vous diriez : « S’il y avait un Dieu, il ne m’aurait pas mis en prison. M’arracher à mon père, à ma mère, me faire vendre par mes propres frères, est-ce digne de Dieu ? Je ne crois pas ! » Vous devez accepter toutes les souffrances de la main Divine et lorsqu’elles adviennent, réjouissez-vous ; les souffrances sont les pierres avec lesquelles vous bâtirez les marches d’entrée de votre maison, elles formeront votre caractère. Elles sont le fil qui unit l’homme à Dieu. C’est uniquement avec leur aide que nous pouvons passer d’un monde à un autre, meilleur. Pour votre élévation, il n’y a rien de mieux dans ce monde que les souffrances. En effet, les souffrances vous font horreur, mais elles sont la plus grande bénédiction. Lorsqu’une âme a souffert longtemps, ces souffrances donnent leur fruit et elle commence à se réjouir. Si les racines des arbres ne puisaient pas leur sève de la terre, aurions-nous savouré leurs fruits délicieux ? Si la mère ne souffrait pas, si elle ne portait pas l’enfant dans ses entrailles, aurait-elle un petit bébé pour la réjouir ? Si le père ne faisait pas de sacrifices sur sa propre vie, serait-il joyeux ? Un professeur qui ne fait pas d’effort, force-t-il le respect de ses élèves ? Qui, en restant oisif, couché sur le dos, a fini par s’élever au Ciel ? D’un bout à l’autre, la Vie est constituée de souffrances : elles sont le travail du sculpteur qui crée une statue par ce moyen. Lorsque nous apprendrons le sens profond des souffrances, nous comprendrons que c’est un processus qui forge notre caractère. Et lorsqu’avec le marteau nous donnerons les derniers coups pour sculpter notre caractère, alors les épreuves cesseront, et le tableau grandiose de notre Vie se manifestera. Nous nous apprêtons à aller au Ciel. Qu’apporterons-nous là-haut ? Notre caractère, notre plus grande richesse !

 

            Il vous plaît, en tant qu’homme ou femme, d’être beau, svelte, avec de la prestance, mais, lorsque vous irez dans le monde, que diront les gens si vous manquez de noblesse ? Diront-ils que vous êtes quelqu’un de vertueux ? Si quelqu’un n’a pas une belle allure, mais s’il a une intelligence saine et un bon cœur, les gens disent : « Voilà quelqu’un qui a du caractère. » C’est la meilleure appréciation que le monde puisse nous renvoyer. Si nous avons une telle intelligence, un tel cœur, le monde a besoin de nous. En Égypte, au temps des pharaons, il y avait beaucoup d’Égyptiens réputés ; pourquoi le pharaon a-t-il mis un étranger à la première place et non pas l’un d’entre eux ? À cause de sa belle allure ? Non, mais pour son intelligence et pour sa bonté. Si nous sommes comme lui, le monde nous réservera la même place ; si nous sommes bêtes, le monde nous rejettera. Actuellement les gens comptent justement sur l’inverse ; ils proclament : «  L’homme ne doit pas être vertueux car la vertu c’est de la bêtise ». Ils ne comprennent pas ce qu’ils disent. Les qualités extérieures et étrangères se perdent chaque jour ; le caractère, lui, reste éternellement en vous ; c’est lui le trésor précieux.

 

            Aujourd’hui vous passez les mêmes épreuves. Vous êtes inquiets comme les Égyptiens de l’époque de Joseph ; vous ne savez pas ce qui adviendra demain ; vous n’avez pas de main mise sur le destin, ni le futur, vous ne pouvez pas anticiper la tournure des évènements. Mais votre destin serait entre vos mains, si vous aviez la foi en Dieu comme Joseph en a témoigné. Alors nécessairement vous changeriez votre destin, où que vous soyiez, quelle que soit votre situation, vous surnageriez comme l’huile à la surface de l’eau. La première chose, c’est de n’avoir ni peur ni angoisse. Il vous faut du courage et de la détermination, et pas de peur ; la peur doit céder devant le bon sens. Vous devez hésiter uniquement si, sur un sujet donné, vous ne savez pas ce qui est juste ; mais lorsque vous l’avez décidé, alors il vous faut l’annoncer et vous y tenir. Joseph a fait face à cette question devant la femme en disant : « Je ne peux pas faire de telles choses avec toi. » C’est pour cela que les épreuves l’ont rattrapé : il a été mis en prison, mais Dieu ne l’a pas abandonné.

 

            La patience est nécessaire pour forger son caractère ; elle est la base de toute chose. Et nous voyons justement une grande patience dans le caractère de Joseph. Au lieu d’être angoissé en prison, il a travaillé, étudié, en étant prêt à tout affronter. La patience s’acquiert avec beaucoup d’efforts, ce n’est pas un trait inné chez l’homme. Toutes les souffrances au monde ont pour unique objectif de nous apprendre la patience, le sang-froid, d’avoir foi en l’avenir et de ne jamais nous décourager quels que soient les déceptions et les échecs. Une jeune fille peut proclamer : « Mon rêve est de faire un mariage idéal », et, une fois mariée, dire : « Ma vie est réduite à néant. » Non, elle est au début de sa Vie. Certains disent : « J’ai perdu ma fortune. » Et alors ? Qu’importe ! Tu es au commencement de ta Vie, tu n’as rien perdu. « Je n’ai plus ma bonne santé. » Tu es au début de ta Vie, tu auras une nouvelle santé. Quelle que soit notre situation, nous devons être patients et nous laisser entre les mains de Dieu jusqu’à la dernière minute. Cette Foi profonde doit présider toutes nos initiatives.

 

            Certains veulent être bien entourés. Joseph, en tant qu’étranger, côtoyait des inconnus, mais, avec son cœur et son intelligence, il a réussi à en faire de bons amis. « Mais, rétorquent certains, les hommes sont des pécheurs. » Faites-vous des amis parmi eux ; il y en a qui ont des âmes nobles. Le chrétien moderne dit : « Il n’est pas croyant, il est encore vert ». Mais peut-il mûrir avant d’être vert ? Ce qui germe dans la terre est d’abord vert et ne mûrit pas tout de suite : le vert est un processus qui consiste à puiser la sève et, lorsqu’elle est montée, à commencer à mûrir. « Mais il me reproche d’être vert. » C’est très bien que tu sois encore vert ; ce n’est pas un reproche ; si tu es noble, un jour, grâce au travail, tu mûriras. Celui qui n’a pas été vert ne peut pas mûrir ; s’il n’est pas vert, il sera desséché, et ce qui est sec ne subit aucun processus de développement. Si vous êtes verts, je m’en réjouis pour vous ; c’est un trait noble d’être vert ; lorsque vous serez mûrs, vous serez jaunes comme l’or. Tous aiment l’or, le mûrissement. Certains ne sont pas encore mûrs. Savez-vous ce que symbolise l’or ? Etre mûr !

 

            La vie consiste en cette croissance progressive depuis le vert jusqu’au mûrissement. Ce processus graduel est appelé par la science : évolution, développement. Il est nécessaire pour que tous les hommes aillent jusqu’au bout du processus de l’évolution et acquièrent tous les Savoirs et toute la Bonté du cœur. Lorsqu’ils possèderont toute cette sève, le Seigneur enverra Sa Grâce et, en vous, mûriront les fruits. Et le Seigneur se manifestera alors. Tant que vous êtes encore verts, Il vous regarde de loin. Lorsque vous serez mûrs, Il viendra sans faute pour cueillir vos fruits mûrs, car ils Lui sont nécessaires.

 

            Lorsque vous commencerez à comprendre, à trier les choses essentielles des choses insignifiantes, les choses durables des choses éphémères, lorsque votre caractère se forgera et se fortifiera, lorsque les fruits des arbres de votre jardin commenceront à mûrir, alors vous serez libérés de la prison et amenés devant le Maître de ce monde pour donner votre interprétation des deux rêves de la Vie. Et vous apporterez la Vérité, non pas en tant que prisonniers, mais comme des êtres libres. Alors la Vérité sera une auréole au-dessus de votre tête ; les épis dans les champs s’inclineront devant vous ; le Soleil, la Lune et les onze étoiles du Ciel vous salueront. Et vous comprendrez alors le sens profond de la vie sur Terre. Alors, le Seigneur se manifestera pour instaurer le Royaume de Dieu sur la Terre.

 

Sofia, 2 août 1914.

 

_______________________________

[1] Nous sommes en août 1914, quelques semaines après l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand à Sarajevo par le nationaliste serbe Gavrilo Princip ;

 

Traduit par Bojidar Borissov

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