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Un témoignage


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UN TÉMOIGNAGE

de Madame R.K., libraire à Stara Zagora (1920)

 

Cette dame rencontra en 1920 un homme âgé, M.J.Y., avocat connu dans la ville, avec lequel elle eut une conversation. Ce monsieur lui dit :

« J’ai connu votre maitre en Amérique. II était plus jeune que moi, mais en tant que Bulgares on se retrouvait souvent. »

Madame R.K. le pria vivement de lui donner si possible de plus amples détails qui complèteraient ce qu’elle savait déjà.

« Quelle sorte de jeune homme était-il alors ? demanda-t-elle. Se distinguait-il par un tempérament ardent et à quoi s’intéressait-il ?

— II n’a rien manifesté de ce qui est propre à la jeunesse. II était modeste, silencieux et concentré sur ses études. Quant à moi, je n’étais guère satisfait de son comportement que je trouvais inhabituel. Éloquent et intelligent comme il l’était, il pouvait faire une grande carrière avec son talent d’orateur. Savez-vous, Madame, ce que signifiaient ces dons en cette Amérique d’alors ? S’il s’était fixé là-bas et y avait brigué des postes, il pouvait devenir millionnaire. En outre, il jouait du violon d’une manière captivante. Au lieu de cela, il est toujours resté tout aussi pauvre qu’à son arrivée, sans vouloir tirer profit de ses dons certains et sans prêter attention aux si grandes possibilités qui se découvraient devant lui. »

Madame R.K. écoutait, transportée de bonheur ce récit qui, à sa grande joie, continue :

« Nous autres étudiants, nous organisions souvent des excursions en groupe. Nous visitions des collines et des montagnes où croissaient de grands arbres. Les étudiants se prirent d’une grande affection pour Monsieur Deunov, et ils faisaient souvent cercle autour de lui. Ils savaient qu’il leur parlerait de quelque chose de beau et d’inhabituel. Dès que les plaisanteries et les taquineries propres à la jeunesse s’apaisaient, il commençait à nous parler de la beauté de la nature, de l’infini de l’univers, tout en tachant d’apparenter ses récits avec l’idée de la grandeur de Dieu. “Observez, disait-il, le ciel étoilé et percevez toute l’harmonie et la sagesse qu’il contient ; et, de plus, quelle haute raison y est cachée. Nous pouvons découvrir la même chose dans les fleurs et les torrents d’alentour. Avez-vous jamais pensé à cela ? Qui a donc créé cette beauté et pourquoi ? »

—    Dites-moi encore quelque chose à son sujet, insistait Madame R.K.

—    II y avait des moments où il se séparait de nous sans que l’on s’en rende compte, et son absence durait de longues heures. Nous nous mettions parfois à sa recherche, tout curieux de savoir où il était allé et ce qu’il faisait tout seul. Il nous arrivait de le découvrir en quelque lieu écarté, le regard porté sur le lointain, ou bien nous le trouvions les yeux fermés, en méditation, entièrement concentre en lui-même. D’autres fois, on le trouvait au moment où, de toute évidence, il était en train de prier. Le plus souvent, il ne se rendait pas compte de notre présence et si quelqu’un d’entre nous lui touchait l’épaule, il tressaillait de surprise cependant que son visage offrait l’expression de quelqu’un qui vient de se réveiller d’un sommeil profond, mais emprunt de beauté. »

Madame R.K. avait les joues baignées de larmes d’attendrissement.

Son interlocuteur la regarda et, tout surpris, lui demanda :

« Pourquoi pleurez-vous, madame ?

— Comme cela, à cause de votre récit. Je vous en suis reconnaissante, monsieur. C’est toujours cela que j’ai pensé de mon Maitre. Des millionnaires, il y en a beaucoup de par le monde, alors que lui est unique. »


1990_L_enseignement_du_maitre_Deunov-2.jpg1990_L_enseignement_du_maitre_Deunov-3.jpg

Le vieil avocat se leva lentement en regardant avec étonnement la dame libraire, bien connue de toute la ville. Puis il partit.

Cet homme savait-il au juste qui était son camarade d’études en Amérique ?

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