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1916_10_01 C'est toi qui le sais


mayakitanova
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Tu le sais

 

Il me dit : Fils de l'homme,

ces ossements pourront-ils revivre?

Je dis : "Seigneur Dieu, c’est toi qui le sais.

 (Ezéchiel 37, 3)

 

            « Ces os, pourront-ils revivre ?» Il se peut que vous vous demandiez quel secret recèle cette phrase. Vous vous direz : « Nous connaissons ces os, combien de fois nous les avons nettoyés, combien de fois nous les avons vu dans les cimetières ; ce ne sont que des os ! » Mais les os dont il est question ici, vous n’en avez jamais vu. Ce que vous pensez et voyez du monde est aussi réel que la situation où on rêve être riche pour constater au réveil qu’il n’en est rien. Le Seigneur demande : « Ces os, pourront-ils revivre ? » Dans ce sens, les os représentent la vie figée, la vie en état de sommeil ; au sens religieux du terme, les os morts signifient une vie sans mouvement ; au sens métaphysique ils signifient une vie inconsciente. Chaque os a une vie individuelle et si quelqu’un le prend et le place ailleurs, il se dira : « Dieu soit loué, il s’est trouvé quelqu’un pour me faire bouger d’ici. » Les os représentent le peuple d’Israël, désuni par une vie impie à cause du manque d’unité entre les personnalités. Les os représentent l’homme après sa mort. C’est la seule chose qui reste inchangée. Selon les occultistes les os renferment en eux la nouvelle vie et celui qui vient de nouveau sur terre, reprendra ce qui est déposé en eux : voilà pourquoi nous conservons les os de nos proches. Certains disent : « Ce que je deviens après la mort m’est égal ! » Mais en dehors de ses os, l’homme n’est plus rien.

 

            Maintenant, l’homme doit apprendre à raisonner en philosophe, et considérer les choses comme inéluctables, nécessaires, et non pas comme de simples hasards. La géométrie par exemple nous apprend que la plus courte distance entre deux points est la ligne droite qui représente un mouvement orienté ; elle est la somme de plusieurs points c’est-à-dire de plusieurs mouvements qui la composent. Par conséquent notre pensée ne peut avancer qu’en ligne droite. Si nous imaginions un instant vivre en un point, avec une pensée qui avancerait en ligne droite, alors nous n’aurions aucune idée du monde ; l’homme dirait alors que rien n’existe en dehors de cette ligne droite. C’est pourquoi certaines créatures sur terre ne voient les choses que dans une dimension. Mais lorsque le point se déplace et forme une ligne droite vivante, si un jour elle décide de s’orienter en perpendiculaire, elle formera une surface plane qui est composée de millions de lignes droites. Ainsi, il y a d’autres créatures qui considèrent que le monde ne se déplace pas uniquement dans une seule direction, mais en longueur et aussi en largeur ; c’est la perception de l’escargot par exemple qui n’appréhende que deux dimensions. Bien sûr, la surface plane est aussi vivante, comme tout le reste dans la nature ; si elle se déplaçait, elle serait confrontée à une autre dimension encore : la hauteur, pour former ainsi un cube. Vous êtes des créatures évoluant dans trois dimensions et les philosophes pensent que rien n’existe en dehors d’elles ; il y a cependant des créatures qui évoluent dans un nombre de dimensions plus élevé. Si le cube évoluait dans une quatrième direction, alors le monde entier se déplacerait et il se formerait un tesseract[1] ; cette quatrième dimension se déplace dans une direction que nous ne pouvons pas imaginer.

 

            Par conséquent, avant de réussir à saisir les choses, l’homme est comme un os mort, c’est-à-dire une créature à une seule dimension. Le Seigneur demande : « Ces créatures peuvent-elles évoluer et se reformer en deux ou trois dimensions ? » Et le Seigneur dit : « Prophétise sur ces os ! » (Ezéchiel 37 :4) C’est seulement lorsqu’il commence à s’exprimer que l’homme amorce sa compréhension des choses. Le premier homme n’avait pas d’os contrairement à aujourd’hui. Chaque homme est un os ; le terme os désigne ce qui est structurel et invariable chez l’homme, l’ossature qui peut être organisée et mise en action. Moïse a dit qu’au début le Seigneur a créé l’homme de terre[2] ; il n’était alors capable de se mouvoir que sur une seule ligne ; lorsqu’il a été doté d’ossature, il a pu se mouvoir dans trois dimensions, mais il était encore inanimé ; c’est seulement lorsque Dieu a insufflé dans son nez, qu’il s’est mis à raisonner ; c’est pourquoi aujourd’hui nous respirons par le nez et pouvons penser. Par exemple une femme imagine que son mari ne l’aime pas, ce qui indique qu’elle se déplace en ligne droite ; dans ce cas, elle doit s’arrêter et former une surface plane dans ses pensées : elle pourra alors s’entendre avec son mari. Sinon l’homme et la femme iront en ligne droite et ne se croiseront pas. Lorsque Moïse a voulu voir le Seigneur, Il lui a dit : « Tu ne peux pas voir Mon visage, mais uniquement une partie de Mon habit, sinon tu brûleras », ce qui, en termes philosophiques signifie que, puisque l’homme vit dans ce monde, il ne peut pas le comprendre et c’est pourquoi il ne le voit qu’en partie.

 

            Ainsi, pour évoluer, les os doivent mourir. Ces os étaient morts, mais seul Dieu sait s’ils peuvent se doter d’une nouvelle vie, plus évoluée. Si on leur parle, ils commencent à se mobiliser, à former des muscles et des nerfs, mais ils ne peuvent pas encore penser ; pour se mettre à penser, il faut l’avènement d’un esprit des quatre vents, des quatre côtés, c’est-à-dire d’une quatrième dimension. Tant qu’il vit dans trois dimensions l’homme ne peut pas comprendre ce que signifie la vie spirituelle ; les gens d’aujourd’hui considèrent que le monde se termine avec la mort ; la grenouille, l’escargot, l’homme pensent de même. Si je me rends au potager pour labourer la terre, si je travaille un ou deux jours et si je finis mon travail, cela ne signifie pas que la vie s’achève là. Car dire que le monde se termine, c’est dire que la vie s’achève ; voilà la philosophie d’un escargot, d’un os inerte, la philosophie moderne ! Lorsqu’ils se mettent à bouger, ces os disent : « Notre travail est terminé », c’est-à-dire, c’en est fini de notre existence en tant qu’os dans les champs ; mais ensuite ils commencent à se mouvoir consciemment.

 

            Les gens modernes peuvent ressembler au héros de l’anecdote suivante : un bulgare, nommé Stoyan est allé en ville vendre un âne ; la ville étant située loin, il s’est arrêté pour se reposer sur le chemin, en attachant le licou de l’âne à sa main, puis il s’est endormi. Quelques enfants espiègles, le voyant dormir, ont libéré la tête de l’âne du licou et ont emmené l’animal. En se réveillant avec le licou à la main, et en constatant l’absence de l’âne, ce bulgare s’est dit : « Si je suis Stoyan, j’ai perdu un âne ; si je ne suis pas Stoyan, j’ai gagné un licou. » La vie est cet âne, mais si je n’existe pas, alors elle est un licou. Le licou désigne l’homme qui vit avec une pensée sans aucune consistance profonde.

 

            Le Seigneur dit : « Ces os revivront. » Lorsque le prophète parle, c’est l’Esprit du Christ qui parle à travers lui. Parfois, vous aussi, vous pouvez avoir connu cet état de sidération où l’homme pense, ressent, mais ne peut pas donner de signe de vie ; la conscience peut exister en dehors du monde, mais se mouvoir signifie vivre. Lorsque l’homme se réveille le matin, il bouge et vit, alors que s’il parle distraitement et sans se mettre en mouvement, il est un os mort. C’est une analogie : si nos pensées sont dispersées comme ces os et que nous nous lamentions, disant : « Quel sens a la vie ? », nous nous trouverions dans la situation du prophète dont les pensées sont des os morts. Et le Seigneur dit : « Fils de l’homme, est-ce que tes pensées peuvent vivre dans les champs ? » Alors l’homme commence à réfléchir sur le sens de la vie et répond : « Tu le sais, Seigneur ! » Lorsque l’homme pense que le Seigneur sait, alors le Seigneur lui dit : « Parle ! » Lorsque le Seigneur a envoyé Moïse chez le pharaon, il n’a pas voulu parler car il bégayait ; alors le Seigneur s’est mis en colère et a convoqué son frère Aaron ; et pour parler, Moïse a cédé sa place à Aaron. Chacun est Moïse et Aaron, c’est-à-dire âme et esprit : c’est ainsi que l’homme se sauvera. Parfois l’âme se décourage : par exemple une jeune fille, déçue par un jeune homme, se désespère, rejette tout, s’assombrit et proclame : « C’en est fini de ma vie ! » Chacun de nous est une jeune fille ou un jeune homme trompé : c’est le péché originel. Lorsque le diable est apparu, les hommes l’ont suivi, puis ils ne sont restés ni avec le diable ni avec Dieu. Le Seigneur demande au prophète : « Est-ce que ces os morts, ces pensées, ces actes peuvent revivre ? » Le prophète dit : « Tu le sais, Seigneur. » Et lorsque l’Esprit s’est manifesté, ces os sont devenus une armée puissante !

 

            Pour être qualifiées, les choses doivent avoir leurs caractéristiques intrinsèques. Les physiciens modernes disent que l’électricité a deux vecteurs : par les airs et par la terre ; un mouvement qui vient d’en haut induit nécessairement un mouvement venant d’en bas. Donc, un homme sans ossature ne peut pas manifester la pensée divine. Puisque cette force est la vie dans un état latent, ce mouvement doit se manifester hors des os. La pensée humaine ne se rapporte pas au monde à trois dimensions ; les sentiments appartiennent au monde à quatre dimensions, les pensées, au monde à cinq dimensions, et la conscience, au monde à six dimensions. Un jour, lorsque nous serons parmi les anges, ils nous enseigneront cela. Nous vivons dans un monde à trois dimensions, alors que selon les kabbalistes il y a en tout dix mondes ; l’homme habite le troisième monde et Dieu, le dixième ; c’est une grande pensée philosophique. Après avoir déjà vécu des millions d’années, nous avons atteint à peine le troisième monde, c’est dire le nombre d’années encore nécessaires pour atteindre le dixième monde !

 

            La splendeur du monde est dans son incommensurabilité et nous ne pourrons jamais dire que nous savons déjà tout. De ce point de vue, tout possède une conscience ; une pierre a par exemple une conscience de pierre ; la fleur, l’escargot, l’homme, l’ange, tout vit avec sa conscience. L’homme comprend cela mais essayons de rentrer en communion avec un arbre par exemple : pour nous ce n’est qu’un arbre, mais il a sa vie, il est silencieux, il ne s’exprime pas, mais il sait tout car il l’a appris lorsqu’il était en haut, au Ciel. C’est pourquoi les arbres se dressent vers le haut ; lorsque l’homme montera là-haut, il apprendra tout. Les scientifiques contemporains analysent les ingrédients chimiques qui composent la pomme, mais elle recèle quelque chose qu’ils ne peuvent pas découvrir. La vie ne se limite pas uniquement à ces éléments, il y a quelque chose d’autre qu’il faut étudier. Dans le passé, il était admis que l’électricité ne pouvait pas circuler en dehors des fils métalliques, alors qu’aujourd’hui nous savons que c’est possible.

 

            Il y a deux mondes : le monde physique et le monde spirituel ; l’homme est dans le monde spirituel et dans le monde physique. Les gens vont de haut en bas. Aujourd’hui on pense que la culture va de bas en haut, mais je conteste cette idée car le pommier se nourrit plus du soleil que de la sève qu’il extrait du sol ; par exemple, en quelques années un arbre peut gagner vingt kilos qu’il extrait d’en haut et non de la terre. Nous recevons tout d’en haut c’est-à-dire de l’intérieur, d’un monde beaucoup plus vaste que le monde extérieur. On peut l’assimiler à un cône retourné : le sommet est le monde extérieur et la base, le monde intérieur ; si l’homme est placé au sommet, il dira que le monde intérieur est plus petit alors qu’en réalité ce n’est pas le cas.

 

            Celui qui a décidé de porter un regard philosophique sur les questions religieuses doit être très pondéré. À l’époque d’un des sultans turcs, les oisifs se sont multipliés ; un jour il a décidé de voir qui était le plus paresseux parmi eux tous et il a ordonné d’incendier le bâtiment où ils se trouvaient. Apeurés par les flammes, ils se sont tous enfui sauf deux qui sont restés à l’intérieur. En voyant que l’incendie se faisait de plus en plus menaçant, l’un des deux s’est tourné vers son camarade pour lui demander ce qu’ils devaient faire ; l’autre lui a répondu : « Comment trouves-tu la force de parler ? »

 

            Lorsqu’il est écrit que quelqu’un doit mourir, il ne peut pas l’éviter. Par exemple, un français très riche avait voulu soustraire son fils du front, et grâce à beaucoup d’argent il avait réussi à le placer à l’arrière. Pourtant, même à l’abri des balles ennemies, son fils a été tué par un obus, tombé à côté de lui ! Souvent les gens craignent les épidémies. L’homme ne doit rien craindre car, sinon, il risque de succomber à la peur. Un jour, la peste s’est dirigée vers Bagdad. Un passant lui a demandé où elle allait : « Je vais à Bagdad prendre mille personnes. » Arrivée à Bagdad, la peste a pris vingt mille personnes. À son retour, elle a croisé le même homme qui lui a demandé le nombre de personnes qu’elle avait emportées. « Vingt milles », a-t-elle répondu. – Mais pourquoi ? Tu m’avais dit que tu en prendrais seulement mille ! – Les dix-neuf mille restantes sont mortes de peur ! »

 

            L’homme doit être attentif dans la vie. Un voyageur avait acheté un billet pour Gorna Oriahovitza[3], mais il lui a manqué trente deniers ; il a prié un avocat de lui prêter la somme manquante, mais ce dernier a refusé de l’aider et l’a regardé partir à pied. Ce même avocat est allé une fois à Londres, et en revenant il s’est rendu compte qu’il lui manquait aussi trente deniers pour régler son billet : il a été rétribué de la même manière ! Ce qui montre qu’on reçoit la monnaie de sa pièce ! Dans ce cas, l’homme est un os inerte et il doit ouvrir sa bourse pour aider tous ceux qui en ont besoin. Aujourd’hui, alors que des gens sont massacrés, certains amassent des fortunes ; Dieu tient compte de cette situation et dit que l’argent doit être vivifié. L’argent désigne tout ce qui peut aider : un savoir, un sentiment, un désir. Il faut que les pensées et les sentiments revivent en nous ; c’est pour cela que le Seigneur dit à chacun : « Parles-toi, parles à tes pensées, à tes sentiments et à tes actions inertes ! » Ainsi, un mouvement prendra-t-il vie peu à peu en eux. Y a-t-il une seule mère qui ne souffre pas pendant qu’elle porte un enfant ? Elle souffre, mais en contrepartie une nouvelle vie se forme en son sein. Lorsque l’Esprit se manifestera, alors l’homme comprendra pourquoi il est ici sur terre et verra comme il est bon de vivre, de souffrir, de mourir, de sortir de ce monde pour aller dans un autre où tous s’entendent entre eux. Nous, les gens d’aujourd’hui, nous sommes dans les trois dimensions, car notre amour est périssable et non permanent. L’amour doit vivifier notre âme, renforcer notre cœur, notre esprit. Ainsi parle le Christ : « Si je suis auprès du Seigneur, je serai bien même en enfer, mais si je suis sans Lui au Paradis, à quoi bon ? »

 

            Que le Seigneur soit avec nous ! Il est en nous et avec nous. Lorsque le Seigneur nous dit : « Parles ! » Nous devons parler. Nous voulons arranger le monde comme nous arrangeons notre existence, mais seule la vie raisonnable redresse l’homme. Chaque pensée, même bonne, si elle ne peut être utilisée avec discernement, est une mauvaise pensée et vice versa. La science contemporaine relève beaucoup d’exemples similaires : le dioxyde de carbone par exemple asphyxie les hommes, mais il est agréable et vital pour les végétaux : ils leur donnent du carbone pour leur développement et eux libèrent de l’oxygène. Ainsi quelque chose de nuisible pour nous est nécessaire à d’autres. Donne tes péchés aux plantes et prends-leur leur pureté. Par conséquent, l’homme ne doit pas se plaindre. Les Écritures disent ainsi: « Donne tes péchés au Seigneur. » Lorsque le Seigneur prend nos péchés, Il demande : « Ces os peuvent-ils revivre ? »

 

            Ainsi chacun doit se dire : « Le Seigneur Éternel ordonne que toutes les pensées, tous les sentiments et toutes les bourses soient ouverts pour aider autrui. »

 

Sofia, 1° octobre 1916

 

________________________

[1] Un hyper cube quadridimensionnel est appelé encore tesseract - tesseract, mot anglais conçu et utilisé pour la première fois en 1888 par Charles Howard Hinton dans son livre : Une nouvelle ère de la pensée. Vient du grec ancien tessereis aktines = quatre rayons.

[2] Le Seigneur Dieu modela l'homme avec de la poussière prise du sol. Il insuffla dans ses narines l’haleine de vie, et l'homme devint un être vivant. (Genèse 2, 7)

[3] Gorna Oriahovitza – petite ville de la région centrale en Bulgarie, important carrefour ferroviaire

 

Traduit par Bojidar Borissov

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