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Un incident au front (Récit de G.R.)


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UN INCIDENT AU FRONT (Récit de G.R.)

Ce récit du frère G.R. nous montre, lui aussi, que le Maitre, dans certaines circonstances, soulevait un pan du voile qui recouvrait son Égo spirituel et donnait la possibilité à certains de ses disciples d’entrevoir ce qu’il cachait avec tant de soin.

Le frère G.R., à l’âge de 15 ans environ, vit pour la première fois le Maitre dans la ville de Yambol, en 1908. La réunion dans cette ville, à l’occasion de la présence du Maitre, eut lieu dans la maison de ses parents. Bien que tout jeune encore, il écouta avec le plus vif intérêt la conférence. À la fin de celle-ci, une question qui demeura sans réponse remplit son âme : « Qu’est-ce que c’est Dieu ? » se demandait-il. II avait déjà entendu prononcer ce mot de « Dieu », sans avoir aucune idée de ce que cela pouvait représenter.

Un jour, après une de ses conférences données dans sa famille, le Maitre partit ; mais le jeune garçon le suivit, toujours aussi obsédé par cette question à laquelle il ne trouvait pas de réponse. II continuait à marcher derrière le Maitre, toujours sans trouver le courage de lui poser la question qui ne le laissait pas en paix. Tout à coup, le Maitre se tourna vers lui et, sans qu’il lui ait posé la moindre question, lui dit :

« Dieu est une Entité dont le centre se trouve partout et la Péripherie nulle part. » Ainsi le jeune G.R. obtint la réponse à sa question, dont il ne put comprendre tout de suite le sens, mais qui devint pour lui un sujet de méditation. Ce n’est que bien plus tard qu’il conçut que l’on ne peut parler de Dieu concrètement, comme d’un objet ou d’un être vivant de notre monde, mais comme de quelque chose qui ne saurait encore être pleinement conçu par la raison humaine.

Des années passèrent et le frère G.R. atteignit l’âge où il devait faire son service militaire. Alors il devint la proie d’un grand conflit de conscience provoqué par les exigences du serment militaire et l’Enseignement de la Fraternité, selon lequel on ne doit pas tuer.

En 1914, le Maitre vint un jour à Yambol. Le frère G.R. le pria de lui donner une solution à ce dilemme. Le Maitre lui dit : « Si l’homme est en train de dormir et que l’on prononce au-dessus de lui un serment en son nom, l’homme n’en est pas responsable. Le disciple de la Fraternité est en dehors de la guerre. Même si on l’envoyait tout au fond de l’enfer, il faut qu’il sache que là aussi il y a des âmes qui ont

besoin de son secours. Si la conscience du disciple n’est pas d’accord avec ce qu’il est obligé de faire, comme, par exemple, le serment prêté en dehors de sa volonté, alors il n’est pas responsable. »

C’est ce qu’il advint. La guerre fut déclarée en 1915. Les armées bulgares envahirent la Serbie. Sur le front où se trouvait le frère G.R., les choses s’arrangeaient de telle manière que lorsque le régiment se trouvait sur le champ de bataille, la compagnie de G.R. servait de réserve. Et cela se faisait de soi-même, spontanément, sans nulle intervention de qui que ce soit.

Un peu plus tard, le frère G.R. fut transféré sur le front de Salonique, à la frontière serbo-grecque. L’ennemi avait pris position dans la plaine, tandis que nos armées occupaient un emplacement élevé dans la montagne. La nuit, ils devaient se rendre à des postes secrets. Devant nos unités militaires se trouvait un terrain dont la pente était de 30 degrés environ. À gauche, il y avait un rocher escarpé que l’on pouvait atteindre par un chemin presque horizontal, tandis que dans la partie basse, la pente tout au début était faible puis brusquement devenait presque verticale. Tout en haut, un peu à droite du rocher de Petrenick, était installé un poste secret.

Une nuit, juste à minuit, le frère G.R. se trouvait à son poste de sentinelle. Tout à coup, notre poste près du rocher ouvrit le feu. Le tir était dirigé vers l’endroit où se tenait G.R. Rien ne se discernait dans les ténèbres de la nuit, mais le frère G.R. comprit que le régiment était en état d’alerte et qu’il avait occupé ses positions. Il n’y eut aucune réaction de l’ennemi. La nuit suivante, pendant que le frère G.R. était de nouveau à son poste de sentinelle, il arriva la même chose. La troisième nuit, le frère G.R. était de nouveau de garde auprès d’un rocher de la taille d’un homme. La lune se leva et il se mit à songer à la grande distance qui le séparait de sa maison et au fléau qu’est la guerre pour l’humanité. Ses pensées se tournèrent vers ses amis de Yambol, puis sur le sort de l’homme dont l’évolution est si éloignée des idées de la Fraternité. À un moment donné, jetant un coup d’oeil vers le Sud, il remarqua au loin des gens qui faisaient des incursions vers le monticule où se trouvait le poste. Cependant, on n’entendait pas de coups de feu de Petrenik : les soldats étaient profondément endormis. À ce moment-là, G.R. n’était pas en état de décider de ce qu’il devait faire. S’il les réveillait, ils allaient commencer à tirer et à mettre le régiment en état d’alerte. Mais s’il s’abstenait de le faire, les troupes ennemies pouvaient les capturer vivants. Dans un cas comme dans l’autre, il y aurait des victimes. Et G.R. ne voulait pas en être la cause. Il se trouvait

dans une situation fort pénible. C’était une véritable épreuve dont il pouvait difficilement se tirer, sans violer ses principes de disciple. Et dans cette minute d’angoisse, il se souvint des paroles du Maitre disant que le disciple de la Fraternité Blanche est en dehors de la guerre. Dans cet état d’anxiété, mais aussi de prière, ses regards se dirigèrent droit devant lui et, dans la pénombre de la nuit éclairée par les rayons de la lune, il vit l’image du Maitre qui, jusqu’à la taille, semblait flotter dans I’espace. Il remarqua qu’il portait un cordon sur son vêtement. Il perçut également une voix qui dit à trois reprises : « Ce n’est rien ! » Après avoir entendu ces paroles, G.R. vit l’image disparaitre. Quand tout fut fini, le frère G.R. réveilla la sentinelle qui devait le relayer et ce dernier remarqua, lui aussi, cette incursion de gens venant de la plaine. Les autres soldats se réveillèrent aussi, mais G.R. leur dit de ne pas tirer et qu’il répondrait de tous.

Encouragé par cette vision dans la nuit, le frère G.R. dit qu’il descendrait vers la plaine pour vérifier en personne ce qu’il en était. Arrivé au bas de la pente, il constata qu’au pied du rocher il y avait de grosses touffes de fougères qui ondulaient au souffle du vent, créant l’illusion de gens qui s’avancent subrepticement.

Il s’écoula beaucoup de temps après cet évènement qui s’effaçait peu à peu de la mémoire de G.R. De plus, il commença à douter de cette vision dans la nuit, se disant que ce n’avait été qu’une illusion ou bien une hallucination. Il continua à exécuter ses devoirs jusqu’au jour où on lui octroya une permission. Avant de partir pour Yambol, il s’arrêta pour une journée à Sofia et passa voir le Maitre, qui habitait alors au 66 de la rue Opaltchenska. Le Maitre le reçut sur le seuil de la porte d’entrée et entama une conversation avec lui. Pendant l’entretien, G.R. eut l’idée d’interroger le Maitre au sujet de cette vision, mais la timidité le retenait d’en parler. Comme le Maitre devait avoir encore d’autres visiteurs, il se décida à le libérer de sa présence. Au moment des adieux, le Maitre lui dit: « Souviens-toi de mon adresse ! » Le frère répondit qu’il connaissait bien le 66 de la Rue Opaltchenska. « Non, non, répliqua le Maitre, en cas de besoin, rappelle-moi de nouveau ! » C’est seulement alors que le frère G.R. se sentit le courage de demander : « Maitre, était-ce bien vrai ce qui m’arriva cette nuit-là ? » — « C’était vrai, répondit le Maitre, et en cas de besoin, appelle-moi de nouveau ! » Le frère G.R. fut stupéfait par la mémoire du Maitre qui avait de si nombreuses rencontres avec tant de personnes de différentes villes du pays.

Le Maitre voit et sait, avec une netteté prodigieuse, tout ce qui concerne ceux qui suivent son Enseignement.

Nous allons reproduire une autre conversation que G.R. eut avec le Maitre, car elle est très significative.

Vers la fin du printemps de 1918, il était de nouveau en permission. En quittant sa ville natale pour Sofia, il était fort déprimé, car il pensait que la guerre allait durer encore très longtemps. Pour comble, il y avait une telle cohue de soldats dans le train et une si grande bousculade, que sa montre fut brisée. Cela l’attrista encore davantage, car il le prit comme un présage qu’il ne rentrerait plus vivant chez lui.

Arrivé à Sofia, le frère passa voir le Maitre et le pria de lui dire en toute sincérité si la fin de sa vie n’était pas pour cette fois-ci.

Le Maitre garda le silence un moment, puis ses regards se fixèrent bien au-dessus de l’horizon. À un moment, il fut parcouru d’un frémissement et le frère G.R. se troubla, s’attendant à ce que le Maitre lui confirme ses craintes. Au lieu de cela, le Maitre se tourna vers lui et lui demanda :

« T’es-tu trouvé sur une hauteur où il y a une clairière au milieu de hêtres ? Et là, dans cette clairière il y eut beaucoup de morts des deux camps ennemis ?

—    Je suis bien passé par un tel endroit, mais notre régiment y avait combattu deux jours auparavant. Il y a même eu des combats au corps à corps et la clairière était couverte des cadavres de soldats bulgares et serbes. »

G.R. attendait avec impatience la suite de ce que le Maitre allait lui dire. Après un court silence, le Maitre prononça ces mots :

« Tu iras au front et tu en reviendras ! »

Tout joyeux, le frère G.R. le remercia et s’en alla.

Le 18 aout 1918, les Français percèrent le front et encerclèrent une grande partie de l’armée bulgare. Des Sénégalais firent prisonniers les soldats bulgares et les emmenèrent à Salonique. On annonça à la famille de G.R. qu’il était porté disparu. Alors le père de G.R. rencontra le Maitre à Tarnovo, au moment du Congrès de 1919.

« Maitre, demanda le père désespéré, que se passe-t-il avec mon fils ? Reviendra-t-il sain et sauf à la maison ?

—    Oui, il reviendra, répondit le Maitre.

—    Dans combien de temps ?

—    Combien de temps Joseph est-il resté en prison ?

—    Deux ans, répondit le père.

—    En ce moment, il est en train de passer un examen et vous le reverrez dans deux ans. »

Deux ans plus tard, le 19 aout, le frère G.R. revint à Sofia.

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