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1915_09_05 La liberté de l'Esprit


mayakitanova
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La liberté de l’Еsprit

 

Et là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté.

(2 Corinthiens 3, 17)

 

           Ainsi, la condition de la liberté, c’est l’Еsprit. Par le mot liberté on entend une vie libre, le sens intérieur des choses et de leurs rapports : les rapports entre les pensées, les sentiments et la volonté qui se manifestent dans le monde. L’action qui est une prérogative de l’âme vivante, est le résultat de la volonté ; mais cette action peut aller dans un sens donné ou dans plusieurs directions différentes. Le Nouveau Testament indique : « Et où est l’esprit du Seigneur, là est la liberté » et à un autre endroit : « Le Fils de Dieu vous délivrera. » (2 Th 4, 18) Le Fils et l’Esprit sont une même chose ; le Fils est la manifestation du Père et de la Mère ; l’intelligence du Fils est l’expression de l’intelligence du Père et de la Mère, comme la lumière solaire est l’expression de l’état intérieur du Soleil : c’est grâce à elle que nous reconnaissons le soleil. Comment connaître l’homme ? Par la lumière de ses pensées, ses désirs et ses actions.

 

            Je parle de la liberté de l’esprit, car il existe un danger chez les religieux : celui qui devient pieux est deux fois plus méchant que les gens qui vivent dans le monde. Quelquefois, je ne me réjouis pas que telle personne soit devenue croyante ; par le mot croyant, j’entends un homme relié à quelque chose, comme les chevaux ou les vaches qui sont rattachés à une corde ; être relié à son patrimoine immobilier, c’est aussi une religion ; être relié à un parti politique ou à un courant philosophique, c’est aussi une religion. Oui ! C’est un enseignement religieux, mais de quelle nature ? Un enseignement qui entrave la liberté de l’homme ou de la société ! Si tu es rattaché à un enseignement qui te limite, qui te prive de liberté, c’est alors une religion dépassée, une vieille outre ! Tous ceux qui recherchent cette liberté – le sens de la vie, comme les philosophes modernes appellent cette conscience supérieure, ou la citoyenneté, comme la nomment les hommes politiques ; vous pouvez la nommer comme vous le souhaitez – ont cette intelligence en eux. À quoi devineront ils que vous avez l’esprit ? À votre raisonnement et si, à travers vos pensées, vos désirs et vos actions, vous vous distinguez par la puissance de votre liberté et si vous apportez ce bienfait partout où vous allez.

 

            Dans la vie d’aujourd’hui le mot liberté est assimilé à la lumière. Lorsque vous voyagez de nuit, vous n’êtes pas aussi libres que pendant le jour, pour la simple raison que le chemin n’est pas éclairé. De même, tous les croyants qui s’égarent ont une vision confuse des choses. Vous ne savez pas comment est Dieu, le Seigneur, alors que vous connaissez les ministres et les souverains d’ici-bas, et vous croyez que Dieu punirait comme eux punissent ! De cette conclusion hâtive découlent les conséquences que nous voyons dans le monde. Alors qu’au contraire il faut nous libérer de ce joug mental, mais comment ? Il faut un changement radical de l’organisation de notre cerveau ; vous n’avez pas encore étudié cette organisation. Tous les matins vous priez et cherchez le Seigneur, vous criez et protestez qu’Il ne vous entend pas toujours. Le Seigneur écoute seulement ceux dont les oreilles sont ouvertes ; Il n’écoute pas les sourds et ne leur adresse pas la parole. Vous devez avoir l’oreille fine et exercée pour saisir le peu que le Seigneur vous dit. Il aime regarder et écouter les gens qui travaillent et qui ne s’occupent pas de choses vaines, car Il ne s’occupe pas de ce qui est futile.

 

            Examinez les religions contemporaines et vous remarquerez leur degré d’avancement ; chaque religion a certains égarements ; je vous dirai lesquels. Quand nous désirons connaître une religion, nous sortons souvent d’une société pour entrer dans une autre. Un jeune homme a voulu danser dans la ronde du village et a emprunté les bottes de quelqu’un ; mais celui-ci en les lui donnant lui a dit au milieu des danseurs : « Écoute, tape moins fort par terre, je ne te les ai pas données pour taper fort. » Un autre s’est approché pour lui dire : « Celui-ci t’a fait honte, mais je te donnerai mes bottes » ; et lorsqu’il s’est mis à danser, il l’a encouragé : « Tape, mon ami, tape aussi fort que tu peux, si tu les abîmes, je t’en donnerai d’autres ! » Qu’on lui dise «tape » ou bien « ne tape pas », c’est pareil, cet homme n’est plus libre ; que tu ais tapé peu ou beaucoup n’a pas d’importance : si on t’humilie, on te prive de liberté. Ainsi notre esprit doit être éclairé sur la véritable liberté.

 

            Le Christ a donné une définition de la liberté : « Ce que tu ne veux pas subir des autres, ne leur fais pas subir non plus. » Cette règle doit être notre loi intérieure. Nous devons parler et faire ce qui donne la liberté aux autres.

 

            Il y a quelques jours, une dame est venue me voir : « Les gens d’aujourd’hui m’étonnent ; leurs prières sont ferventes, mais dès qu’ils ont fini de prier, ils commencent à médire : celle-ci a vu quelque chose, telle autre n’a pas vu grand-chose, une troisième a vu quelque chose qui ne vient pas de Dieu mais du diable. L’un dit : ‘tu mens’, l’autre répond : ‘non, c’est toi qui mens’ ; nous voyons qu’aucune n’a de liberté, ni ne donne de liberté aux autres. Moi, je veux avoir la liberté, servir le Seigneur ; pas leur Seigneur bien entendu ! » J’ai conseillé à cette dame de leur dire la même chose qu’à moi, lorsqu’elle se retrouvera de nouveau avec elles. Si vous n’avez pas de tolérance envers les hommes, vous ne leur donnez pas de liberté, vous ne comprenez pas l’enseignement du Christ, mais vous avez une vision caricaturale. Débarrassez-vous de ces caricatures, ne vous représentez pas Dieu de la sorte.

 

            Maintenant, qu’est-ce que la religion ? C’est une science des formes et en même temps une science de l’amour divin. Si vous étudiez une forme extérieure, mais pas son contenu intérieur, vous allez vous tromper et la dénaturer comme cette dame qui change chaque jour de toilette. En vivant cinquante, soixante ans, elle peut avoir dix, vingt vêtements de couleurs différentes, mettre de jolis rubans et de beaux boutons, mais ces vêtements ne sont pas la dame elle-même ; la forme n’est pas encore la religion. Ces formes sont nécessaires à la religion, comme les vêtements pour le corps, mais elles ne constituent pas le corps de la dame. Un proche meurt et les gens se disent : « Je dois me vêtir de noir et ne plus porter d’habit blanc ». Portez les vêtements que vous voulez : noirs ou blancs, rouges, verts, bleus, colorés, de toutes les couleurs, ce n’est pas un péché. Seulement, lorsque vous vous rendez dans la maison du défunt, ne portez pas de vêtements blancs, comme vous ne mettriez pas de chaussures blanches si les rues sont boueuses, mais celles que la saison exige. Les gens du monde sont très intelligents et sont plus haut placés à mes yeux que les croyants ; le Seigneur a décidé d’arranger le monde avec eux. Les hommes politiques et les socialistes vont arranger le monde car ils veulent de la liberté. Mais quelqu’un dira : « Comment cela, mais ils détruisent ! » Lorsque vous construisez une nouvelle maison, ne démolissez-vous pas l’ancienne ? Si vous ne vous débarrassez pas d’un point de vue archaïque, aucune pensée nouvelle ne naîtra dans votre esprit. Certains veulent donner aux gens une méthode pour réfléchir, une méthode dogmatique : se taire et ne pas raisonner, un dogme qui recouvre ce qui est écrit, et ce qui n’y est pas, vient du malin. D’autres prétendent que leur dogme descend de Dieu, et le reste du malin ; c’est cela raisonner avec son « cerveau arrière. » Un enseignement doit être jugé par ses résultats : s’il est applicable dans la société et s’il donne de bons résultats, il est bon ; sinon il est mauvais. Nous devons appliquer la liberté de l’esprit ; posez-vous cette question : êtes-vous libres, avez-vous cet esprit en vous ? Lorsque l’esprit viendra, il produira de la lumière dans votre cœur, dans votre discernement, voilà le signe de sa présence. Dès que vous commencez à entraver l’esprit de l’homme, sa façon de penser, de sentir et d’agir, il vous délaissera aussitôt. C’est comme le professeur qui vient en classe pour donner son cours : si les élèves sont bruyants, il s’en va ; alors, bien sûr leurs parents ou leurs tuteurs viendront les corriger, car ils n’ont pas écouté le professeur. Ainsi Moïse était-il un tuteur pour les juifs : il est venu les corriger et leur demander : « Écoutez-vous votre professeur ? » Et maintenant, si vous dites : « Pourquoi ce malheur s’abat-il sur nous ? », je vous réponds : parce que vous n’avez pas écouté l’esprit, il fallait l’écouter !

 

            Expliquons le mot liberté : si vous trouvez un homme aux mains attachées et si vous le consolez : « Le Seigneur est miséricordieux et te libèrera », alors que vous-mêmes, vous pouvez le détacher, je vous demande : « Prêchez-vous un enseignement de la liberté ? Non ! Sortez votre canif, coupez la cordelette et libérez-le. Et vous, que faites-vous ? Vous l’attachez encore plus fort pour qu’il ne s’évade pas. Il faut détacher les liens des gens ; et lorsque le Christ dit : « Allez et prêchez », il sous-entend justement cette libération. Et cette liberté doit être purement intérieure. Tous les malentendus et les conflits entre les gens naissent de l’absence de liberté. S’il était question de s’irriter, combien le Seigneur qui a créé ce monde devrait s’irriter en voyant qu’il ne tourne pas rond. Que le Seigneur soit en colère, d’accord, mais si je suis moi-même en colère, quelle importance ? Aucune ! Mais cependant, le Seigneur se met-Il en colère ? Le Seigneur ne se met pas en colère ! L’Ancien Testament parle bien de colère divine, mais cela doit s’entendre dans un sens occulte. C’est d’ailleurs évident dans ces paroles du Christ : « Pourquoi m’appelez-vous maître miséricordieux, seul Dieu est miséricordieux » (Marc 10, 18). Celui qui est miséricordieux ne peut pas se mettre en colère. Certains prophètes ont parlé des colères du Seigneur, mais je conteste cela. Que quelqu’un me montre où le Seigneur a dit Lui-même qu’il était en colère. Jérémie dit à un endroit : « Seigneur, tu m’as trompé, je me suis laissé tromper. » Comment accepter cette contradiction ? C’est un égarement, il ne faut pas s’égarer ainsi à propos du Seigneur ; nous pouvons seulement avouer qu’il s’agit de notre propre point de vue. Ce qui est juste, c’est de dire : « Là où est l’esprit du Seigneur, là est la liberté. » Voilà ce qu’a réellement dit Dieu.

 

            L’Amour ne peut pas s’éveiller sans la liberté. Tant que l’homme est aveugle, il ne peut pas susciter l’amour ; personne n’aime celui qui tourmente autrui. Ce qui sème la destruction ne peut pas apporter de liberté. Nous prions le Seigneur, et dans la prière quelqu’un se trompe et son voisin le pousse du coude ! Cela n’est pas la liberté, c’est une mise en scène : à bas ces masques ! S’aiguillonner pendant qu’on se tient devant le Seigneur, ce n’est pas prier. Lorsque l’homme prie, il doit oublier le contexte extérieur, s’isoler, entrer dans sa petite chambre secrète, dans son âme, et rien d’extérieur ne doit le déranger. Vous tous qui m’écoutez, vous n’êtes pas libres : je vous vois attachés à un piquet, d’autres, à deux, trois, dix piquets ; et je peux vous le démontrer dix fois, et non seulement en théorie, mais aussi en pratique. Comme vous vous préparez à un monde de liberté – le Royaume du Christ et le Royaume de Dieu est un royaume de la liberté – avec ces vieilles formes, ces vieilles outres, vous ne pourrez pas y accéder, à peine pourriez-vous vous approcher de son entrée. Je ne vous juge pas pour votre ignorance, je ne fais que vous montrer le chemin de la liberté que vous recherchez. La raison de votre asservissement n’est ni la femme, ni l’homme ; elle est bien connue, c’est la servitude née de la pomme corrompue que tous deux ont mangée.

 

            Si nous souhaitons comprendre le Christ, notre esprit doit être libre. Il y a en hébreu deux mots : ruah qui désigne la présence de Dieu en l’homme, alors que néfesh désigne la manifestation inférieure de l’âme. Prenez un enfant, il n’est pas encore formé, mais il se met à pleurer, à grimacer et il impose ainsi sa volonté à sa mère ; elle finit par lui donner le sein et il lui dit : « C’est comme ça que tu dois m’écouter. » Et la mère accomplit sans relâche la volonté de l’enfant. Pourquoi t’a-t-on envoyé cet enfant ? Pour lui obéir ou pour que lui t’obéisse ? Si tu es un esprit libre, tu dois apprendre les rapports entre les choses.

 

            Comment acquérir cette liberté intérieure ? Souvent dans les groupes de prière et dans les assemblées il y a un bon et un mauvais côté. Quand deux personnes se réunissent, elles doivent être sur un même plan pour s’échanger des forces magnétiques ; sinon des disputes naissent, car l’esprit de liberté prédomine chez tous les hommes, mais ils n’ont pas la même vision des choses. C’est pourquoi le christianisme préconise la purification avant de se recueillir auprès du Seigneur. La première chose, c’est de se centrer en soi-même. Comment s’obtient cette concentration ? Avant de prier collectivement, prie d’abord tout seul, car se mêler aux hommes nécessite une certaine préparation ; il faut d’abord prier seul, puis à deux, puis à trois, etc. Vous devez tous aussi pratiquer la contemplation ; l’esprit viendra simplement vous donner quelques conseils. Lorsque l’esprit divin vient et entre dans deux âmes, il établit entre elles la paix et l’entente ; ainsi, lorsque le premier s’exprimera, l’autre écoutera avec attention et aura plaisir à suivre les paroles de son interlocuteur. Alors que si ce plaisir n’est pas partagé, il dit : « Pourquoi écouter tes bêtises, que peux-tu m’apprendre ! » Quand l’esprit n’est plus là, là est le diable. L’union et la prière ne se pratiquent pas par la force, mais par la disposition d’esprit : si l’esprit veut, il va prier ; sinon, il va se taire. La première chose, c’est de donner cette liberté et d’avoir la patience d’écouter celui qui s’exprime, comme si le Seigneur s’exprimait. Si vous intégrez une société religieuse et devenez plus névrosé, vous ne gagnez rien, au contraire ! Vous perdez. Beaucoup de médecins et d’autres personnes aussi savent comment l’homme est fait, ils connaissent parfaitement la physiologie et savent quels aliments sont utiles et lesquels sont nocifs pour les gens, et pourtant ils se conduisent comme par le passé : ils disent que fumer est mauvais pour la santé, mais ils fument ; ils disent que boire du vin est mauvais, mais ils en boivent ; que manger de la viande est nocif, mais ils en mangent. Ils ont un savoir, mais lorsqu’il s’agit de le mettre en pratique et de bâtir, ils ne font pas ce qu’ils enseignent ! Où est alors leur liberté d’esprit ? Pourtant le Christ exige cette liberté.

 

            Certains veulent la liberté pour eux-mêmes uniquement, et commander aux autres ; si les autres obéissent par peur, il n’y a pas là d’amour. Je vais illustrer cela par une anecdote : un tailleur bulgare a été appelé par une famille pour coudre un pantalon et une veste à un futur marié ; il s’y est rendu, accompagné de son apprenti, avec ses ciseaux et son dé. Comme il était midi, on lui a servi du poulet rôti pour le repas. Voulant le manger en entier, le tailleur a dit que son apprenti ne mangeait pas de poulet, mais uniquement des haricots. Ce dernier a juré de se venger et a trouvé le moment pour dire aux hôtes en aparté : « Mon maître a parfois des accès de démence : si vous le voyez s’agiter sans raison, sachez qu’il est en proie à un trouble psychotique.» Avant que le tailleur ne se mette au travail, l’apprenti lui cache son dé ; il se met à le chercher en s’agitant dans tous les sens ; voyant cela, les hôtes se jettent sur lui pour l’attacher et le maîtriser. En partant, son apprenti s’est tourné vers lui et lui a dit : Alors comme ça, ton serviteur ne mange pas de poulet, mais uniquement des haricots ! » Ne dites pas que votre serviteur ne mange pas de poulet rôti, car un jour, quand vous serez en train de chercher votre dé, il vous fera enfermer !

 

            La première chose dans nos rapports avec les autres, c’est le respect mutuel. J’ai observé que certains veulent s’instruire et viennent au commencement avec une crainte mêlée de respect, puis ils se relâchent : « Nous en savons plus que lui !». C’est comme ces jeunes mariées qui se montrent d’abord humbles et timides, mais un mois après, elles se mettent à parler et sèment le désordre dans le foyer. À l’Église, pendant la noce, elles se tiennent très paisiblement, mais une fois mariées, elles montrent leur vrai visage ; elles se marieront encore d’autres fois, mais leur premier époux ne se mariera jamais plus ! Nous ne devons pas affliger Dieu en nous opposant à Son Esprit de liberté ou lorsque quelqu’un nous provoque. Je vois comment les pensées s’enregistrent en moi et en vous : ce sont des carnets entiers remplis de griffonnages, comme ceux des télégrammes. Combien de télégrammes avez-vous ainsi écrits ! On y voit votre degré de liberté. Un jour, lorsque vous irez de l’autre côté, on présentera ces télégrammes au Seigneur. Tout s’enregistre, rien ne peut être dissimulé à l’Œil du Seigneur ; et je ne vous le dis pas pour vous effrayer, non ! Dieu dans Son être est Esprit, Il veut toujours enseigner et corriger et non pas châtier ou venger. Ce que nous observons dans le monde en tant que souffrance et châtiment n’est qu’une apparence. Si, de ce point de vue, Dieu nous réprimande souvent, c’est pour nous libérer de notre joug. Si vous décidiez de délivrer un mouton de la gueule du loup, ne souffrirait-il pas pendant que vous le sortez de là ? Liberté, paix intérieure, nous apporteront sérénité et joie, et élèveront notre esprit très haut.

 

            Maintenant, revenons à la religion. Cette religion avec laquelle nous souhaitons servir Dieu, en quoi consiste-t-elle ? Le Christ a dit : « Car j'ai eu faim, et vous ne m'avez point donné à manger ; j'ai eu soif et vous ne m'avez point donné à boire ; J'étais étranger, et vous ne m'avez point recueilli ; j'ai été nu, et vous ne m'avez point vêtu ; j'ai été malade et en prison, et vous ne m'avez point visité. » (Matthieu 25, 42-43) Voilà sur quoi le Seigneur jugera le monde. Vous pouvez prier dix fois par jour dans les rues, comme les pharisiens d’autrefois ; vous pouvez faire comme cette mère qui a commencé à prier parce que son repas brûlait sur le feu ! Savez-vous ce qu’est l’ivresse psychique ? Ce n’est pas une religion ! Une jeune fille qui aime fréquenter un jeune homme, ce n’est pas tant parce qu’elle y gagne quelque chose, mais parce qu’elle ressent un agréable chatouillis, et celui-ci n’est pas pour autant l’indication qu’elle est divinement disposée : elle dépense de l’énergie en vain ! Lorsque Dieu s’approchera de nous, nous sentirons que Son action ne dure pas un instant, mais se prolonge longtemps ; et nous sentirons cette disposition secrètement dans l’âme. Lorsque certains se querellent, je vais auprès d’eux, mais je ne leur dis pas de se taire, car c’est d’abord à moi de me taire – car si deux personnes se disputent, même si je me joignais à elles, je ne pourrais pas les aider – Je ne leur fais pas la morale, mais je m’arrête, afin de prier le Seigneur pour elles.

 

            Voilà trente ou quarante ans, il y avait à Varna un curé nommé Gancho ; il en voulait à ceux qui l’avaient ordonné prêtre. Un jour, il voit un homme battre sa femme ; il attrape un fouet pour lui donner des coups afin qu’il la relâche. Mais alors, tous les deux se sont dressés contre lui, et la femme lui a dit : « De quel droit agresses-tu mon mari, nous nous débrouillerons tout seuls pour régler notre différend. » Alors, le curé s’est dit : « Pourquoi avoir cherché à délivrer cette femme de son mari ? » Vous aussi, comme ce curé Gancho, il peut vous arriver de vous immiscer dans les affaires des gens ; ne le faites pas, sauf si tous les deux, l’homme et la femme, vous appellent pour les départager ; montrez-leur alors la loi de la liberté, montrez leur comment améliorer leurs relations.

 

            Ainsi la religion doit-elle apporter liberté, paix et joie aux hommes. Si les ostracismes d’antan se réactivent, le monde ne s’arrangera pas ; que de doutes assailliront les gens sur les aspects extérieurs de la religion : ils se mettront à dire : « Ton enseignement vient du Satan ! » – Et le tien alors, il provient du diable.» Un enseignement qui ne vient pas de Satan doit servir l’humanité de façon désintéressée, par amour pour elle, et même se sacrifier pour elle. Si vous cherchez une récompense ou une place d’honneur pour avoir aidé le monde, vous n’accomplissez pas la loi de la liberté, l’esprit n’est pas en vous. Vous devez être les derniers dans le monde pour être les premiers devant Dieu. Si vous êtes premiers dans le monde, vous êtes derniers devant Dieu. Voilà ce que je sais. Je ne veux pas la gloire des hommes, je préfère que Dieu pense du bien de moi. Lorsque je prêche cela, certains parmi vous ne se reconnaissent pas et se disent : « Je ne suis pas de ceux-là, mais tel autre est exactement comme ça ! » Cela vient du malin ; chacun doit laisser de côté comment sont les autres, et considérer qu’il est plus fautif qu’eux : c’est cela qui est juste. Que vous soyez dans cette situation, je ne vous juge pas, mais comme je veux que vous en sortiez, je vous montre une méthode pour le faire : suivez l’esprit en vous, demandez la liberté, donnez-la aux autres ; si vous réclamez de l’amour et de la justice, donnez-les aux autres. Les semblables s’attirent, c’est la loi. Si vous aimez les gens sincèrement et sans jugement, ils vous aimeront aussi ; c’est comme le reflet que vous renvoie votre miroir : si vous êtes beaux, il vous montrera quelqu’un de beau. Et lorsque vous croisez quelqu’un ne lui dites plus : « Je t’aime », ne parlez pas d’amour, car il peut être volatil, et en réalité vous ne l’aimez pas dans ce cas. Celui qui parle le plus d’amour, c’est celui qui en a le moins ; celui qui parle le plus de la liberté de l’esprit, c’est celui qui en a le moins et la donne le moins aux autres. Si mes rapports avec vous ne sont pas ceux qu’ils doivent être, ce n’est pas le discours captivant, semblable à une douce musique qui nous berce, qui les rendra meilleurs. Une musique qui suscite de nobles élans est réellement bénéfique ; celle qui ne laisse que quelques agréables frémissements en l’homme n’apporte aucun bénéfice.

 

            Alors, que cessent ces désaccords entre vous, entre « esprits ouverts » et « esprits étriqués », entre « voilà l’esprit » et « l’esprit n’est pas là ! » Celui qui a l’esprit de liberté, « je lui donnerai une pierre blanche avec mon nom écrit » (Apocalypse 2, 17)[1], et il verra ce qui est écrit lorsque le Seigneur viendra. Quand je scrute vos yeux, je connais votre esprit : lorsque l’esprit rentre en quelqu’un ses yeux ne sont pas très sombres, mais ne sont pas très clairs non plus. Parfois les yeux brillent comme ceux d’un serpent, mais c’est néfesh, le désir de dévorer, de manger quelqu’un. Vous savez comment brillent les yeux d’un chat occupé à guetter les souris le soir ! Il y a une différence entre lumière et lumière : il y a une lumière qui dépossède et tue, et une autre lumière qui vivifie. L’esprit est sensible aux travers des gens, et il a la propriété d’entrer en ceux qui suivent le Chemin.

 

            Lorsque vous vous rassemblerez de nouveau, on verra à travers vos « télégrammes » s’il y a des désaccords entre vous ; le Seigneur ne veut pas de tels rassemblements de prière. Je vous donne la méthode pour que les prières soient exaucées par le Seigneur : si vous rencontrez une âme affligée et lassée de tout, priez Dieu pour elle et avec elle ; si vous rencontrez un nécessiteux, aidez-le. Le Seigneur ne veut pas assembler les riches avec les riches, mais les riches avec les pauvres, les érudits avec les incultes. Il n’est pas toujours nécessaire de vous rassembler et de chanter en chorale ; allez plutôt au concert en ville, ça vaudra mieux. Cette dame, dont je vous parlais l’autre fois, m’avait encore dit qu’une demi-heure après son arrivée à la réunion de prière, les femmes avaient commencé à se regarder et à chuchoter : « Celle-ci nous observe ! » ; et quand elle a remarqué qu’elle les perturbait, elle s’est éloignée. Je ne dis pas que s’est arrivé à Sofia !... Nous mettons en avant que les autres ne prient pas convenablement à l’Église, mais nous non plus ! Chassez les vieux diables, donnez la liberté et le respect aux autres, priez secrètement dans votre âme, nul parmi vous ne doit commenter et médire des autres. Dès que deux ou trois femmes se réunissent, elles font des commentaires sur quelqu’un ; quelqu’un qui médit des autres ne peut pas se développer sur le plan psychologique. Celui qui a cette faiblesse, qu’il s’en débarrasse ! S’il vous vient à l’esprit de dénigrer quelqu’un, arrêtez-vous, ne laissez pas le diable entrer, ne devenez pas son porte-parole, coupez le haut-parleur et ne propagez pas ses opinions. Le diable ne dit jamais rien de bien, il dit des hommes : « C’est un vagabond, un voleur, un pervers » ; il vous séduit pour se faire aider dans sa besogne ; et lorsque les souffrances vous arrivent, le Seigneur vous dit par leur biais : « Une prochaine fois, n’écoutez pas le diable ! » Colère, jalousie, haine, suspicion, mensonge, tout ce qui est négatif dans le monde est le propre du diable ; jetez dehors cet ancien paternel et vous serez libres, vous serez auprès du Seigneur qui est omniscient, bon, juste, attentif et aimant, qui pardonne et qui aide les souffrants et les pauvres. Si vous commettez des fautes cent fois et vous tournez vers Lui, Il vous pardonnera. Il punit seulement les démons. Il les a maudits et il a créé pour eux un grand feu. Ainsi, celui qui ne veut pas être lié aux diables, doit être miséricordieux et attentif.

 

            Commençons dès maintenant à appliquer l’enseignement du Christ ; ne montrons pas au monde que nous sommes pieux – gardons notre piété, secrète en nous – mais soyons, aux yeux du monde, comme ces belles dames qui sortent le visage couvert pour ne pas le brûler au soleil ou le noircir de poussière. Cachez votre beauté en vous, ne paradez pas avec elle, ne racontez pas combien vous êtes bons, généreux, enclins au mécénat, que vous priez trois fois par jour, afin de ne pas vous ridiculiser aux yeux du monde. Et le Christ dit : « Soyez donc intelligents comme les serpents et inoffensifs comme les colombes » (Matthieu 10, 16). Les gens du monde ne sont pas bêtes, mais intelligents ; par rapport à la vie supérieure, ils sont moins bien, mais par rapport à l’intelligence ils sont meilleurs et nous sommes bêtes ! Soyez exemplaires pour faire le bien et ils vous donneront de leur intelligence. On dit aussi maintenant qu’il faut être intransigeant et non pas généreux ; comment espérer alors améliorer le monde ? Si quelqu’un nous regarde de travers, nous nous mettons en colère ; mais combien de fois nous-mêmes avons- nous regardé les autres de travers, nous n’en avons même pas idée. Le Seigneur ne nous a pas créés avec des yeux de travers mais avec des yeux droits ; la vie religieuse, c’est cela : posséder la liberté et la donner aux autres, pardonner leurs fautes et toujours veiller à la cohésion spirituelle.

 

            Maintenant, décidons-nous à appliquer l’enseignement et à le transmettre aux autres. Aucune médisance dorénavant, jurons de ne plus médire une année complète ; prenez un carnet et écrivez : « Aujourd’hui, Dieu soit loué, je n’ai médit de personne », et mettez une note de sept ; si vous médisez sur quelqu’un, mettez « un », et tenez ces comptes toute l’année pour savoir combien de « sept » et de « un » vous avez mis, et alors, vous déduirez dans quelle mesure vous avez pu vous retenir. J’observe souvent ceci : quelqu’un a les lèvres qui le brûlent : « Je veux dire quelque chose moi-aussi ! – Moi aussi, j’ai droit à la parole ! – Moi aussi, je sais quelque chose ! » Et il commence à parler, entraîne d’autres avec lui et ils finissent par critiquer quelqu’un ; et le lendemain ils recommencent. Lorsqu’un jeune homme s’apprête à se chercher une femme, beaucoup de filles s’amourachent de lui, le complimentent et ne cessent de l’affubler de toutes les qualités : son père, sa mère ont des origines nobles, leur famille ont des aïeux illustres; mais dès qu’il a choisi une épouse, celles qui, la veille encore, l’ont loué, commencent à dire : « C’est un sauvage, un abruti, un inculte », alors qu’elles devraient dire : « C’est très bien qu’il ait choisi une fille parmi nous, réjouissons-nous ! » Savez-vous à quoi cela ressemble ? Je vous l’ai déjà illustré dans le passé, avec l’histoire de la réception d’un prince dans une ville européenne : sur les douze plus belles femmes invitées pour choisir celle qui lui offrirait le bouquet de bienvenue, toutes ont voté pour elles-mêmes. Maintenant, vous aussi, dans ce mouvement religieux, et parce que vous n’êtes pas encore préparés, vous vous battez à qui donnera le bouquet au Christ ; chacun proclame : « Moi ! » Ne votez pas pour vous-mêmes, car même sans voter le Christ sait qui mérite. C’est l’enseignement du Christ : avoir l’esprit prompt et ne pas raconter sur les autres ce que nous savons d’eux. Les occultistes disent : « Si tu veux être fort, ne fais pas de commentaires sur les gens, car dès que tu commences à en parler, tu te lies avec leur esprit et tu te contamines avec de mauvaises pensées. » Mieux vaut bien considérer les gens que penser du mal d’eux, car sinon vous vous abîmez ; celui sur lequel vous médisez en sort psychologiquement renforcé. C’est pourquoi le Seigneur dit : « Lorsque tu es riche, partage ta fortune. Quels sont tes gains ? – Dix milles. – Donnes-en la moitié. Lorsque nous disons du bien de quelqu’un, le Seigneur l’attrape et lui dit : « Combien as-tu gagné ? – Vingt. – Donne la moitié à celui qui a dit du bien de toi. » Lorsque nous disons du bien des autres, nous gagnons, mais lorsque nous disons du mal d’eux, ce sont eux qui gagnent ; c’est la loi. Si vous faites cela en pleine conscience, de sorte qu’ils gagnent, je me réjouis de cette abnégation, mais dans ce cas ne vous en plaignez pas, puisque vous êtes de grands esprits ! Si une de vos sœurs a une faiblesse, priez dix fois pour qu’elle s’en débarrasse, puis allez lui dire avec douceur : « Il y a en toi, chère sœur, un défaut et ne sois pas fâchée de l’entendre… », alors vous serez bénis.

 

            Ainsi, chassez maintenant de vous ce démon : la médisance. Le Seigneur a décidé de dompter les diables à présent et personne ne doit se fâcher de se retrouver dompté : il sera mis au travail. Comme l’agriculteur a besoin de bœufs pour travailler la terre, de même les diables sont nécessaires au travail ; c’est nous ou eux qui sommes attelés au travail. Pour les atteler, il faut avoir l’esprit en soi, être forts et puissants.

 

            Je parlerai de nouveau sur cette question de liberté de l’esprit. Je ferai à présent une petite expérience pour voir à quel point vous avez assimilé la causerie d’aujourd’hui. La liberté religieuse doit être absolue, car Dieu est Dieu de l’amour et de la liberté. Alors, chacun de vous trouvera sa place, et en retournant la terre, en bêchant ou en faisant n’importe quel autre travail, il le fera avec gratitude. C’est ainsi que doit être la vie sur terre selon la liberté de l’esprit, selon cette liberté qui distinguait aussi Socrate. C’était le plus simple des hommes, mais nombre de rois ont été oubliés, alors que son nom est resté. Un homme peut être très haut placé et ne pas être noble. L’esprit exige que soient également libres les rois comme les gens du peuple.

 

            C’est l’enseignement du Christ que je prêche : avoir et donner la liberté, avoir et donner la liberté et encore une fois avoir et donner la liberté ! La liberté intellectuelle, affective, religieuse, citoyenne et familiale, la liberté partout !

 

Sofia, 5 septembre1915

 

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[1] Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que dit l'Esprit aux Eglises. Au vainqueur je donnerai de la manne cachée, je lui donnerai une pierre blanche, et, gravé sur la pierre, un nom nouveau, que personne ne connaît, sinon qui le reçoit. (Ap 2, 17)

 

Traduit par Bojidar Borissov

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